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Jean-Marie Luttringer s’est trouvé un nouvel ami, l’IA conversationnelle ChatGPT, avec qui il a échangé sur les différences entre transition professionnelle et reconversion professionnelle (ou changement radical de métier). Voici le résultat de leur dialogue : l’auteur y cherche les voies juridiques et les moyens financiers d’un véritable droit à la reconversion professionnelle.

Une étude récente de France stratégie intitulée « Relever collectivement le défi des transitions professionnelles » (1)souligne que la réforme de 2018 a eu pour conséquence de reléguer au second plan le droit des salariés à une formation ayant pour finalité la reconversion professionnelle. La présente chronique se fixe pour objectif, après une clarification sémantique préalable de ce concept, d’identifier ses fondements juridiques et d’en apprécier son effectivité.

Intelligence artificielle oblige, cette chronique prend la forme d’un dialogue avec ChatGPT. Un premier échange portera sur la définition du concept de reconversion professionnelle souvent confondu avec celui de transition et de reclassement professionnel. Il se poursuivra par la recherche des fondements juridiques de ce concept : la relation contractuelle qui lie l’employeur et le salarié, la responsabilité sans faute de l’employeur, l’exercice d’un droit — liberté garantie par la loi au profit des travailleurs salariés.

I. Clarification sémantique : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, les mots pour le dire arrivent aisément » Bossuet

ChatGPT, selon toi quelle différence y a-t-il entre les concepts transition, reconversion et reclassement professionnel ?

ChatGPT : La transition professionnelle et la reconversion professionnelle sont deux concepts distincts, bien qu’ils soient souvent liés et utilisés de manière interchangeable. Voici une explication des différences entre ces deux termes :

Transition professionnelle : La transition professionnelle fait référence à un processus de changement progressif ou de passage d’un emploi à un autre, généralement au sein du même domaine d’activité ou de la même industrie. Il peut s’agir d’un changement de poste, de fonctions ou de responsabilités au sein d’une entreprise, ou d’un changement d’employeur tout en restant dans le même secteur d’activité. La transition professionnelle peut impliquer l’évolution vers un poste de plus grande responsabilité, une spécialisation dans un domaine spécifique ou une mobilité professionnelle interne.

Reconversion professionnelle : La reconversion professionnelle, quant à elle, implique un changement radical de métier ou de secteur d’activité. Cela se produit lorsque quelqu’un décide de quitter son emploi actuel pour se former et exercer une nouvelle profession totalement différente. La reconversion professionnelle nécessite souvent une acquisition de compétences, une formation ou une réorientation complète de carrière. Elle peut impliquer des changements significatifs au niveau des compétences, des qualifications et des perspectives professionnelles.

En résumé, la transition professionnelle est généralement associée à un changement progressif ou une évolution au sein du même domaine ou de la même industrie, tandis que la reconversion professionnelle implique un changement radical de métier ou de secteur d’activité. Cependant, il convient de noter que ces termes peuvent être utilisés de manière interchangeable dans certains contextes et que les frontières entre les deux peuvent parfois être floues. Les parcours de transition ou de reconversion professionnelle peuvent varier en fonction des aspirations individuelles, des opportunités disponibles et des circonstances spécifiques.

JML conseil : qu’en est-il de la différence entre reconversion et reclassement professionnel ?

ChatGPT : la principale différence réside dans le fait que le reclassement professionnel est une démarche engagée par l’employeur pour réaffecter un salarié au sein de l’entreprise en cas d’inaptitude médicale, tandis que la reconversion professionnelle est une démarche volontaire du salarié pour changer de métier ou de secteur d’activité par choix personnel.

JML conseil : je partage cette analyse sur le caractère flou du concept de transition professionnelle. Il s’agit d’une construction des économistes du travail sans doute pertinente pour la définition de politiques emploi-formation par les pouvoirs publics et les entreprises. Toutefois cette construction n’exprime pas la réalité que représente un changement de métier pour une personne singulière exposée non seulement à un risque professionnel, mais également à une mise en cause de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette réalité justifie l’existence de garanties juridiques et financières appropriées c’est-à-dire un droit personnel à la reconversion professionnelle.

À propos du reclassement, je suis également d’accord sur le fait qu’il ne faut pas confondre ce concept et celui de reconversion professionnelle. L’obligation de reclassement à la charge de l’employeur s’effectue en général dans un emploi similaire qui peut nécessiter une adaptation au nouvel emploi, mais il ne s’agit pas d’un changement de métier. Toutefois en cas de licenciement pour motif économique le reclassement peut se transformer en reconversion professionnelle (voir paragraphe 33).

II. La bonne foi et la liberté contractuelle.

À la différence du contrat d’apprentissage dont l’objet est l’apprentissage d’un métier, celui du contrat de travail de droit commun consiste à réaliser un travail prescrit conformément à la qualification contractuelle convenue, en contrepartie d’un salaire. En vertu des principes généraux du droit civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi : « Les conventions doivent être exécutées de bonne foi et obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. » l’article 1134, al. 2 ».

Cette entrée en matière me conduit à te demander ton avis sur la question de savoir si la bonne foi contractuelle peut créer une obligation de reconversion professionnelle à la charge de l’employeur, et dans quelle mesure le contrat peut être modifié d’un commun accord en cours d’exécution pour permettre au salarié de changer de métier grâce à une formation de reconversion professionnelle.

ChatGPT à propos de la bonne foi contractuelle : Dans le contexte du contrat de travail, la bonne foi signifie que l’employeur et l’employé doivent agir de manière honnête et respecter leurs obligations mutuelles. Par exemple, l’employeur est tenu de fournir un environnement de travail sûr, de payer le salaire convenu et de respecter les droits et les conditions de travail de l’employé. De même, l’employé doit exécuter son travail de manière compétente, respecter les règles internes de l’entreprise et accomplir les tâches qui lui sont assignées. Cela peut inclure l’obligation pour l’employeur de prendre des mesures pour favoriser le développement professionnel et la progression de carrière de ses salariés.

JML conseil : Je comprends que progression professionnelle et développement des carrières ne signifient pas reconversion professionnelle. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation s’est appuyée sur le principe de bonne foi contractuelle pour fonder une obligation d’adaptation à l’emploi à la charge de l’employeur dans le cadre de reclassement. À l’occasion d’un autre contentieux cette même Cour a précisé que l’employeur ne pouvait pas être tenu de donner au salarié une formation initiale qu’il n’avait pas eue ni de lui proposer une reconversion professionnelle en vue de changement de métier (2). L’obligation de bonne foi contractuelle doit se comprendre comme une obligation d’adaptation à qualification constante.

Le législateur a repris cette jurisprudence à son compte, en l’inscrivant dans le Code du travail dans les termes suivants : (Article L 61 21 –1) : « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme ». Cette même loi a renforcé la responsabilité contractuelle de l’employeur à l’égard de chaque salarié par un droit procédural sous la forme d’un entretien professionnel périodique ainsi que d’un bilan de parcours permettant de s’assurer de la mise en œuvre opérationnelle des obligations contractuelles à la charge de l’employeur. L’obligation mise à la charge de l’employeur « de veiller à la capacité du salarié à occuper un emploi » trouve également ses limites dans la qualification contractuelle convenue avec le salarié. Cette obligation ne saurait être retenue comme fondement juridique d’un droit des salariés, opposable à l’employeur en vue d’un changement de métier grâce à une formation de reconversion professionnelle.

En revanche, au nom du principe de liberté contractuelle, les parties au contrat peuvent d’un commun accord apporter des modifications substantielles au contrat de travail, pouvant aller jusqu’au changement de métier du salarié au sein de la même entreprise. Plusieurs techniques juridiques sont à cet effet à la disposition des parties au contrat notamment l’adoption d’une clause de dédit formation ou encore le co-investissement dans le cadre du compte personnel de formation (CPF). Cette approche renvoie au concept économique « d’investissement dans le capital humain » auquel les professionnels de la formation et des ressources humaines aiment se référer.

ChatGPT : « Oui, la notion d’investissement dans le capital humain inclut généralement la formation professionnelle tout au long de la vie pour les salariés. L’investissement dans le capital humain se réfère à l’idée que l’éducation, la formation et le développement continu des compétences des individus constituent des formes essentielles d’investissement qui contribuent à accroître leur productivité, leurs capacités et leur employabilité.

En investissant dans la formation tout au long de la vie, les travailleurs peuvent rester compétitifs sur le marché du travail, améliorer leurs perspectives de carrière, s’adapter aux nouvelles exigences professionnelles et contribuer de manière plus efficace à l’entreprise. De même, les employeurs peuvent bénéficier d’une main-d’œuvre plus qualifiée et adaptée aux besoins actuels et futurs de l’entreprise.

En fin de compte, pour un développement optimal du capital humain, il est souhaitable que tant les employeurs que les salariés s’engagent activement dans l’investissement dans les compétences et les connaissances pour favoriser une main-d’œuvre qualifiée et productive.

JML conseil : ni la technique juridique du dédit formation (le salarié s’engage à rester au service de l’entreprise jusqu’à l’amortissement de l’investissement consenti par l’employeur et à défaut de le rembourser), ni celle de co-investissement dans le cadre du compte personnel de formation (le salarié renonce au libre choix de la formation qui sera choisie d’un commun accord avec l’employeur) ne sont aujourd’hui pratiquées à grande échelle par les entreprises qui ne voient pas l’intérêt de former des salariés pour l’entreprise concurrente. En revanche elles peuvent être pertinentes pour des grandes entreprises ou des groupes afin de fidéliser des salariés en leur permettant de changer de métier tout en conservant leur emploi.

Que l’employeur décide d’investir dans le capital humain de son entreprise est une chose. Qu’un travailleur salarié, qu’il faut-il le rappeler n’est pas un objet, mais une personne qui a loué temporairement sa force de travail à l’employeur, décide « d’investir » dans l’entretien le développement de sa qualification professionnelle en est une autre. L’employeur qui, en vertu du pouvoir économique du pouvoir de direction dont il dispose, est libre d’investir ou non dans ce type de “capital et de choisir le salarié dont il espère obtenir le meilleur “retour d’investissement. Pour les salariés se pose la question de la capacité à investir, du temps, de l’argent… et celle du retour d’investissement c’est-à-dire de la sécurité de l’emploi et de l’évolution salariale. Pour la grande majorité d’entre eux, le fondement juridique d’un droit à la reconversion professionnelle est à rechercher dans le concept de « garanties sociales » considérées comme une contrepartie de la subordination juridique plutôt que dans celui d’investissement dans le capital humain.

JML conseil : Le Code du travail français (article L222-1) précise que le droit des salariés à la négociation collective peut porter sur leurs garanties sociales. Que signifie le concept de garantie sociale dans ce contexte la reconversion professionnelle fait-elle partie des garanties sociales pour les salariés ?

ChatGPT : Le concept de « garanties sociales » dans le Code du travail français se réfère généralement aux avantages sociaux et aux protections dont bénéficient les salariés dans le cadre de leur emploi. Cela inclut souvent des éléments tels que la sécurité de l’emploi, les avantages en matière de santé, de retraite, de congés payés, et d’autres avantages similaires.

La reconversion professionnelle peut certainement faire partie des garanties sociales pour les salariés. (…).De plus, les négociations collectives entre les employeurs et les représentants des salariés peuvent porter sur des sujets tels que la formation professionnelle, les plans de reclassement en cas de licenciement, ou d’autres mesures visant à faciliter la reconversion professionnelle des travailleurs.

En résumé, la reconversion professionnelle est un aspect important des garanties sociales pour les salariés, et elle peut faire l’objet de négociations collectives pour assurer la protection et le bien-être des travailleurs en France.

JML conseil : Le concept de garantie sociale comme objet du droit des salariés à la négociation collective a été introduit dans le Code du travail en 1971 en même temps que la réforme de la formation professionnelle.

Le ministre du Travail de l’époque Jean Fontanet en a donné le sens dans le cadre des travaux parlementaires en précisant que l’éducation permanente doit être considérée comme une garantie sociale au même titre que l’assurance-chômage des retraites complémentaires. Les fonds d’assurance formation gérés paritairement, alimentés par des cotisations sociales des employeurs et des salariés devaient en assurer le financement. Cette vision « assurancielle » s’est soldée par un échec en raison notamment de l’incapacité des partenaires sociaux à instituer un financement sur la base des cotisations qui auraient permis leur autonomie. Le caractère fiscal de la contribution des entreprises instituait en lieu et place d’une cotisation sociale laisse le champ libre aux pouvoirs publics et aux entreprises qui mettent la gestion paritaire au service des politiques adéquationistes emploi-formation de court terme il en est résulté notamment la suppression du congé individuel de formation (voir plus loin). L’ampleur des mutations technologiques énergétiques économiques… qu’est-ce qui s’annoncent conduira peut-être les partenaires sociaux à donner du sens au concept de garantie sociale. À cet égard il serait logique que les contributions conventionnelles instituées par quelques branches professionnelles soient allouées non pas aux OPCO en charge du financement des politiques d’entreprise, mais aux associations paritaires de gestion de transition professionnelle en charge du financement du droit personnel du salarié à la reconversion professionnelle.

III. La responsabilité sans faute de l’employeur

JML conseil : La société industrielle a généré, dès son origine, des risques tels que les accidents du travail, les maladies professionnelles, le chômage, qui engagent la responsabilité des entreprises. Plus récemment, la pénibilité et l’usure professionnelle ont complété cette nomenclature. C’est dans ce contexte qu’est apparue la théorie de la responsabilité sans faute de l’employeur ainsi que des régimes obligatoires d’assurance permettant à l’entreprise de couvrir ses risques.

ChatGPT : en droit français, la notion de responsabilité sans faute de l’employeur envers le salarié fait référence à une situation où l’employeur peut être tenu responsable des dommages subis par un salarié sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute de sa part. En d’autres termes, l’employeur peut être considéré comme responsable des préjudices subis par le salarié simplement en raison du lien de subordination qui existe entre eux du fait du contrat de travail.

Cette notion est principalement basée sur l’article L. 4121-1 du Code du travail français, qui dispose que l’employeur a une obligation générale de sécurité envers ses salariés. En vertu de cette obligation, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Les conséquences attachées à la responsabilité sans faute de l’employeur envers le salarié peuvent inclure : l’indemnisation des préjudices (…) ; la prise en charge des frais médicaux et de réadaptation (…) ; les amendes administratives (…) ; les éventuelles sanctions pénales.

JML conseil : Le fondement de cette théorie est à rechercher dans Le Code civil, Art.1382 qui stipule que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Ces textes s’appliquent à l’employeur lié au salarié par un contrat de travail caractérisé par la subordination juridique.

La réforme des retraites qui entre en vigueur en septembre 2023 a inscrit la pénibilité de l’emploi et l’usure professionnelle (4) au nombre de ces risques dont la couverture est garantie par un système assurantiel financé par des cotisations des employeurs. Celles-ci sont gérées selon des principes de solidarité et de mutualisation par la sécurité sociale en lien avec les différentes instances en charge de la gestion de la formation professionnelle. Le licenciement pour motif économique peut également être considéré comme générateur d’un droit des salariés à la reconversion professionnelle fondé sur la responsabilité sans faute de l’employeur.

La pénibilité

JML conseil : En droit français la pénibilité ouvre-t-elle droit à la reconversion professionnelle au bénéfice des travailleurs salariés ?

ChatGPT : Oui, en droit français, la pénibilité au travail peut ouvrir droit à la reconversion professionnelle au bénéfice des travailleurs salariés. Cela découle principalement de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui a introduit la notion de pénibilité au travail et a créé un dispositif spécifique pour permettre aux travailleurs exposés à des conditions de travail pénibles de se reconvertir.

Le dispositif de reconversion professionnelle en raison de la pénibilité est principalement basé sur le Compte professionnel de prévention (C2P), anciennement appelé Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Ce compte permet aux travailleurs de cumuler des points en fonction de leur exposition à des facteurs de pénibilité au travail (comme le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, l’exposition aux agents chimiques dangereux, etc.). Une fois qu’un travailleur a accumulé suffisamment de points sur son C2P, il peut utiliser ces points pour financer des actions de formation, de reclassement, ou pour réduire son temps de travail. La reconversion professionnelle peut ainsi être facilitée grâce à ce dispositif.

JML Conseil : Je suis d’accord avec ce résumé, mais il doit être complété par les dispositions de la loi du 14 avril 2023 ainsi que par les décrets n° 2023-759 et 2023-760 du 10 août 2023 qui précisent les modalités et qui ont rendu un peu plus attractif le dispositif de reconversion professionnelle.

Le titulaire du compte dispose de trois options pour mobiliser les points acquis au titre de la pénibilité : les conserver en vue d’une retraite anticipée, les utiliser pour financer un travail à temps partiel, les affecter au financement d’une formation professionnelle.

La nouvelle loi a abaissé les seuils des facteurs de risques (5) et augmenté la valeur du point au titre de la formation de 375 € à 500 €. S’agissant de la formation professionnelle, le texte ouvre la possibilité de financer un parcours de reconversion professionnelle de formation avec maintien de la rémunération si le parcours est réalisé pendant tout ou partie du temps de travail. Les points inscrits au compte permettront également de financer un bilan de compétences ou des actions permettant de faire valider des acquis de l’expérience.

Pour les salariés qui le souhaitent, les conditions d’un véritable droit à la reconversion professionnelle permettant de changer de métier sont ainsi réunies. Pendant l’élaboration de son projet, le salarié devra bénéficier d’un accompagnement par un conseiller en évolution professionnelle qui l’aidera à s’orienter et à formaliser son projet dans de bonnes conditions.

La compensation du dommage causé par l’exposition à un travail pénible n’emporte pas ipso facto son effectivité. Encore faut-il que le titulaire du droit soit en situation de choisir l’option d’une reconversion de préférence à celle d’une retraite anticipée ou du travail à temps partiel qui lui sont également proposés. La décision de changer de métier après quinze ou vingt ans d’exercice d’un métier caractérisé par la pénibilité ne va pas de soi, comme le montre le faible usage de ce droit depuis qu’il a été institué. Il serait à cet égard souhaitable que la capacité d’agir sur son avenir professionnel soit assurée au titulaire du droit, par des mesures d’accompagnement renforcées et personnalisées.

L’usure professionnelle

JML conseil : La dernière réforme des retraites a reconnu l’usure professionnelle comme fait générateur d’un dommage pour les salariés concernés, engageant à ce titre la responsabilité sans faute de l’employeur. La prévention peut prendre la forme d’actions de formation et la réparation d’actions de reconversion professionnelle. À la différence de la pénibilité, l’usure professionnelle n’ouvre pas droit au C2P.

ChatGPT ne connaît pas les dispositions de la loi du 2023 relatives à l’usure professionnelle. Il évoque l’usure au travail et notamment le burnout.

JML conseil : l’usure professionnelle se caractérise par des risques ergonomiques tels que des postures pénibles, vibrations mécaniques, manutentions manuelles de charges. Le fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) a pour vocation de financer d’une part, des actions de prévention de ces risques ainsi que des actions de formation, de reconversion professionnelle ou de prévention de la désinsertion professionnelle en direction de salariés occupant un métier identifié comme particulièrement exposé aux facteurs ergonomiques.

Le public visé par ce fonds est celui qui n’est pas éligible au C2P pour qu’il puisse également avoir accès à un financement de reconversion professionnelle.

La loi ouvre la possibilité pour les branches de négocier des listes de métiers ou d’activités particulièrement exposés aux facteurs ergonomiques. Ces listes permettront à la CATMP d’établir les orientations du fonds pour cibler l’affectation des crédits.

Le licenciement pour motif économique

ChatGPT : En droit français, le pouvoir de l’employeur de prononcer un licenciement pour motif économique est rattaché à la théorie de la responsabilité sans faute dans le sens où la mise en œuvre d’un licenciement économique n’est pas soumise à une faute de l’employeur, mais à des motifs économiques et à des conditions spécifiques définies par la loi[1]. En effet, le Code du travail français encadre strictement les licenciements économiques et prévoit les circonstances (difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise ou la cessation d’activité), dans lesquelles un employeur peut procéder à de tels licenciements.

Cependant, il est important de souligner que cette théorie n’exonère pas l’employeur de proposer au salarié en application des articles L1233-65 à L1233-68 du Code du travail des mesures de reconversion professionnelle visant à aider les salariés licenciés à se reconvertir et à retrouver rapidement un nouvel emploi notamment un congé de reclassement. Ce congé de reclassement d’une durée minimale de 4 mois pouvant être prolongé jusqu’à 12 mois en cas d’accord entre l’employeur et le salarié. Il ouvre droit à une allocation de reclassement (article L1233-67) ainsi qu’à la prise en charge des frais de formation (Article L1233-68)

JML conseil. L’obligation de reclassement à laquelle l’employeur est tenu en vertu du principe de bonne foi contractuelle dans la phase préalable au licenciement n’emporte pas les mêmes conséquences que l’obligation de reclassement à laquelle il est tenu après avoir prononcé ce licenciement. Dans le premier cas, le reclassement s’effectue par la qualification constante en fonction des postes disponibles de qualification inférieure. Dans le second cas, le reclassement peut déboucher grâce au congé éponyme sur une reconversion professionnelle.

Si l’on admet le postulat défendu dans la présente chronique selon lequel le changement de métier grâce à une formation de reconversion professionnelle doit être considéré comme un droit éminemment personnel en ce qu’il met en cause le statut professionnel voir social de la personne, ainsi que les équilibres entre vie professionnelle et vie personnelle, il faut également admettre que ce droit ne saurait être fondé que sur le principe de liberté.

IV. l’exercice d’une liberté individuelle.

JML conseil : L’intitulé de la loi du 5 septembre 2018 contient une promesse de liberté pour toute personne quant au choix de son avenir professionnel. Qu’en est-il de la réalité de cette promesse ? Comporte-t-elle un droit effectif à la reconversion professionnelle ?

ChatGPT : dans sa réponse à cette question : « En résumé, bien que la France dispose de mécanismes pour aider les travailleurs salariés à se reconvertir professionnellement, ces mécanismes sont soumis à des règles et à des critères qui peuvent limiter la liberté de choix et d’accès à la reconversion ».

JML conseil. On peut être d’accord avec toi sur ce résumé, mais dans le développement de ta réponse ton argumentaire n’est manifestement pas à jour : le Congé individuel de formation qui n’existe plus, le CPF dont les ressources consacrées au financement des seuls frais de formation ne permet pas le financement d’une reconversion professionnelle, tu n’évoques pas le régime de la démission ni celui de la liberté de toute personne d’entreprendre une formation de son choix. En revanche tu évoques bien le projet de transition professionnelle.

J’espère que les développements qui suivent te permettront de mettre à jour ta note de synthèse.

D’un point de vue juridique, le principe de liberté n’a pas la même portée pour une personne qui entreprend une formation à titre privé et pour la même personne qui souhaite prendre cette initiative dans le cadre du contrat de travail caractérisé par la subordination juridique.

Le principe de liberté pour une personne privée

Aujourd’hui, la liberté de se former pour une personne privée est encadrée par du les articles L 63 53 – 3 et suivants Code du travail. Les frais de formation sont à sa charge ainsi que le cas échéant, le revenu de remplacement. En revanche, elle bénéficiera d’une garantie relative à la qualité de formation choisie, inspirée du droit protecteur de la consommation. On peut imaginer qu’une future « banque du temps choisi » sous la forme par exemple d’un compte épargne temps universel permettrait à chacun de disposer d’un revenu de remplacement grâce à l’épargne temps. On peut imaginer également que les pouvoirs publics apportent des abondements au CPF des personnes concernées en considération de l’investissement personnel que requiert un changement de métier.

La relativité du principe de liberté pour les travailleurs salariés.

La liberté de ne pas se former

La liberté est ici toute relative. En vertu du principe de bonne foi contractuelle qui s’applique à l’employeur (voir ci-dessus), mais également au salarié, celui-ci est tenu, au risque d’une faute professionnelle, de suivre une formation prescrite par l’employeur dans les limites de la qualification contractuelle convenue. En revanche, il est libre de refuser une formation dès lors qu’elle se situe en dehors de cette qualification. Il est également libre d’utiliser les ressources disponibles au titre du C2P pour un travail à temps partiel ou une retraite anticipée de préférence à une formation de reconversion. Enfin, Il est également libre de conclure ou non avec l’employeur une clause de dédit formation ou encore une clause relative au co investissement dans le cadre du CPF. Mais, faut-il le rappeler, cette liberté s’inscrit dans une relation contractuelle dont il est la partie faible en raison du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail.

La liberté encadrée

Le congé individuel de formation (CIF) a représenté pendant près d’un demi-siècle la traduction emblématique du principe de liberté du salarié dans son rapport avec la formation continue et l’éducation permanente. Il a été supprimé par la loi du 5 septembre 2018 et remplacé par le projet de transition professionnelle. Le nouveau dispositif de démission-formation peut également être classé parmi le dispositif qui exprime le principe de liberté.

Le CIF était fondé sur deux piliers : une autorisation d’absence juridiquement garantie, opposable à l’employeur sous certaines conditions (ancienneté, effectifs simultanément absents…), prenant la forme de la technique juridique d’une suspension du contrat de travail, et une prise en charge de la rémunération et des frais de formation par des institutions dédiées (FONGECIF/OPACIF), gérées paritairement. Il a permis depuis 1984, bon an mal an à 40/50000 travailleurs salariés de bénéficier d’une formation de reconversion professionnelle.

Le dispositif « Projet de transition professionnelle — PTP » qui l’a remplacé est fondé sur le même mécanisme juridique : une autorisation d’absence entraînant une suspension du contrat de travail, la prise en charge des frais de formation et du revenu de remplacement la validation du projet par une structure paritaire. Ce dispositif n’a permis en 2022 de financer que moins de la moitié des dossiers financés grâce au CIF (19 315 dossiers), alors que des milliers (6) de demandes de reconversion professionnelle éligibles étaient rejetées à défaut de financement.

La démission. La loi du 5 septembre 2018 ouvre au salarié en CDD justifiant de cinq années d’ancienneté la possibilité de bénéficier de l’assurance-chômage lorsqu’ils démissionnent pour réaliser un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création d’entreprise ou de reprise d’entreprise. Le projet doit avoir été formalisé six mois avant la démission, dans le cadre d’un conseil en évolution professionnelle — CEP. Le caractère réel et sérieux du projet est validé par l’association transitions pro. 19 410 attestations de caractère réel et sérieux ont été délivrées par les AT-Pro en 2022.

Conclusion

L’effectivité du droit des travailleurs salariés à une formation ayant pour finalité une reconversion professionnelle en vue de changer de métier est subordonnée à l’existence de ressources financières et du temps disponible.

Les principes généraux des contrats aussi bien individuels que collectifs, applicables au contrat de travail, que sont la bonne foi et la liberté contractuelle apportent une réponse satisfaisante (opposabilité à l’employeur et effectivité dans une grande majorité des entreprises) aux salariés concernés par l’adaptation à l’emploi et le développement des compétences ; en revanche, cette réponse demeure très aléatoire pour les salariés concernés par une reconversion professionnelle.

En vertu de la théorie de la responsabilité sans faute de l’employeur, celui-ci peut être tenu de réparer le dommage causé à un salarié auquel il est lié par un contrat caractérisé par la subordination juridique en lui apportant les ressources nécessaires à une formation ayant pour finalité la reconversion professionnelle. Cette responsabilité est aujourd’hui couverte par plusieurs régimes assurantiels obligatoires alimentés par des cotisations des employeurs : le régime « accidents du travail et maladies professionnelles » au titre de la pénibilité et du C2P, le régime d’assurance-maladie pour l’usure professionnelle, le régime d’assurance-chômage en cas de licenciement et sous certaines conditions de démission. Ces ressources viennent s’ajouter à la contribution fiscale de toute nature collectée par l’URSSAF et mutualisée au sein de France compétences et dont une partie est réaffectée aux associons paritaires régionales gestionnaires du CPF de transition professionnelle.

Reste le principe de liberté personnelle comme fondement d’un droit à la reconversion professionnelle en vue d’un changement de métier. Le Code du travail (article 63 53 – 3) offre un cadre juridique accessible à toute personne qui souhaite exercer cette liberté. En revanche les conditions de l’effectivité que sont le temps et les ressources financières ne sont pas réunies.

La diversité de fondements juridiques ancrés dans les principes généraux du droit et dans la jurisprudence n’est pas un obstacle au droit des travailleurs salariés à la reconversion professionnelle. Au contraire, elle contribue à lui donner du sens. En revanche la multiplication des dispositifs de gestion de la formation inscrits dans le court terme a progressivement fait disparaître des agendas sociaux la nécessité et les spécificités du droit à la reconversion professionnelle, reposant sur la confiance faite aux personnes d’agir sur leur avenir professionnel dans une époque de profondes mutations.

Chronique 182 publiée avec l’autorisation de l’auteur.

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