POLITIQUE DE L’EMPLOI
Peut-on encore négocier les bas salaires ?
Face au retour de l’inflation, l’exécutif s’est gardé en France d’appeler à la hausse générale des salaires, préférant s’en remettre aux négociations d’entreprise et au « partage de la valeur » tout en laissant jouer a minima — c’est-à-dire sans « coup de pouce » — les règles d’indexation du SMIC. Brûlante, la question du pouvoir d’achat ne s’en est pas moins invitée en septembre dernier aux « rencontres de Saint-Denis » entre le Président de la République et les responsables des principaux partis. D’où la conférence sociale réunie par Élisabeth Borne en octobre « avec la volonté que le travail paie mieux, et de relancer la promotion sociale ». Vaste programme où resurgit entre autres la question des minimas de branche inférieurs au SMIC. Chercheures travaillant de longue date sur la négociation collective de branche, Michèle Tallard et Catherine Vincent ont accepté de revenir pour Metis sur ce « serpent de mer » du dialogue social français.
Travailleurs sociaux et conseillers emploi : même combat ?
Nicola Düll et Danielle Kaisergruber ont participé à un programme européen visant à évaluer des exemples de pays ayant fusionné ou cherché à rapprocher les services publics de l’emploi et les services qui accompagnent les personnes percevant des minimas sociaux, de type RSA. Elles ont, dans ce cadre, travaillé sur l’étude pays France et Nicola a participé à la coordination de l’ensemble du programme. En présentant en novembre 2019 ce programme, nous écrivions pouvoir « en tirer quelques leçons intéressantes à la veille de la création d’un service public de l’insertion ». Dans l’hypothèse très probable d’une intégration de ce SPIE naissant au sein de France Travail en gestation, ces leçons sur l’accompagnement global des personnes très éloignées de l’emploi, n’en ont que plus de pertinence.
Compétences et inclusion : la règle de trois ne suffit pas
La lutte contre la pauvreté et la précarité passe aussi par l’accès à l’emploi. Plus facile à dire qu’à faire. Comment favoriser et accompagner des parcours positifs de construction de nouvelles compétences, d’inclusion et d’insertion professionnelle ? Quelle part y prend la formation, et quel type de formation ? Jean-Marie Marx, actuel président de l’AFPA, Haut-Commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi de juillet 2018 à octobre 2020, avait répondu en novembre 2019 aux questions de Jean-Louis Dayan pour Metis.
Revenu universel d’activité et Service public de l’insertion
En 2019, Olivier Noblecourt est Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Il est en charge de piloter le déploiement de la stratégie pauvreté présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018. Il organise deux concertations, l’une sur le revenu universel d’activité (RUA) censé regrouper a minima le RSA, la prime d’activité et les aides au logement, l’autre, avec Jean-Marie Marx, Haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi, sur la création du service public de l’insertion, (SPIE), garant d’un accès universel aux droits et d’un accompagnement tourné vers l’emploi. Il avait répondu pour Metis aux questions de Danielle Kaisergruber. Il est intéressant de relire ses propositions au moment de la création de France Travail.
La politique de l’emploi ne doit pas uniquement reposer sur l’apprentissage
Le développement de l’apprentissage constitue, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’un des principaux marqueurs de la politique de l’emploi. Le succès à cet égard est incontestable : fin 2022, la France comptait 980 000 apprentis soit plus du double qu’en 2018 ! Cet essor de l’apprentissage en France résulte d’une part de l’aide exceptionnelle accordée par l’État dans le cadre du plan de relance post-Covid (8000 euros d’abord puis 6000 euros depuis 2023 pour tout majeur entrant en apprentissage) et d’autre part de la libéralisation, par la loi pour la « Liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018, de la création des centres de formation d’apprentis (CFA) désormais laissée à l’initiative des entreprises sans autorisation juridique de la région.
Assurance-chômage, saison 2 : une réforme à double fond
Pour une part, la loi portant réforme de l’assurance chômage qui vient d’être adoptée ne fait que reconduire celle de 2019, dont la mise en œuvre a buté d’abord sur la crise sanitaire, ensuite sur quelques déconvenues juridiques. Mais pour une autre elle va beaucoup plus loin, dans deux directions : celle de « l’activation » des chômeurs, en réponse aux difficultés de recrutement ; celle de la reprise en main par l’État d’un régime dont la gestion n’aura bientôt plus de paritaire que le nom. Est-ce bien à la hauteur des enjeux ? Transition écologique, souveraineté économique, modèle de consommation, l’heure est à de vastes recompositions, où l’assurance chômage aurait pu se voir confier un autre rôle que celui de régulateur de court terme du marché du travail. A fortiori si les chocs en cours repoussent comme c’est probable la perspective du plein emploi.