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Le 10e épisode du Panier (encore) confiné de Victor Castellani entre attente d’un vaccin et dîner entre copains…

Marseille confinement

Le président aux mille talents

Et de trois ! On l’attendait deux mois auparavant, mais c’était sans compter sur notre président. Plus fort, plus malin, sa foi dans la course au vaccin ! On l’avait su banquier, ministre et philosophe, on le découvrit DRH, conseiller pôle emploi et plus récemment, épidémiologiste. Quel homme épatant ! Quelle somme de talents ! Un vrai Napoléon du variant ! Le monde entier nous envie cet homme bien trop intelligent pour quantité de manants. Merkel, Biden, Poutine : aucun ne peut en dire autant ! Et surtout pas Erdogan, qui se croit revenu au temps des Ottomans et se fait consternant, avec ses fauteuils et surtout ses divans.

En attendant, il faut bien passer le temps, ne pas céder au découragement. Je parle pour moi évidemment, mais aussi pour vous ami.e.s, amours, et encore plus pour maman. Résister à cette pandémie qui dure depuis bien trop longtemps. Un premier printemps vécu sous le signe de l’enfermement, puis un été en semi-liberté, un automne très surveillé, un long hiver où l’on a cru bien faire et désormais un nouveau confinement qui rime avec un printemps sous le signe du froid, de la pluie et du vent. Comme beaucoup je me suis une dernière fois échappé. Du côté d’Arles, entre les Baux et le pays de Crau. Longues balades à vélo dans les Alpilles et le long des canaux. Un tour à pied dans le marais, qui bien qu’aménagé, a su garder son authenticité. Admirer entre bambous, tourbes et roseaux, la Camargue sauvage et ses fameux chevaux. S’émerveiller devant des hérons, des sternes, voir tourbillonner des nuées d’étourneaux, contempler le manège, les jeux, les amours des canards, des poules d’eau. Que savent-ils de nos craintes de nos anxiétés ? Que perçoivent-ils de notre humanité ? J’envie leurs plaisirs simples. En ces jours d’avril, la nature vit, crie, jouit et sourit. Sans horizon rétréci ni heures de sortie.

Il a bien fallu rentrer à la maison. Se faire de ces nouvelles restrictions une bonne ou mauvaise raison. Mais franchement que c’est ch… t et long !! Certes les nouvelles règles sont un peu moins infantilisantes, mais l’atmosphère reste pesante. Dans mon association, Jinnene et Théo ont chacun près de 20 ans. Ils ne savent plus trop où ils en sont, incapables de nouvelles projections, moins motivés par nos actions. Nadya et Pauline, qui vient d’arriver, tentent de les rebooster, de voir en quoi leur vécu de la pandémie pourrait être à l’origine de nouvelles initiatives. Pourquoi ne pas libérer la parole d’une génération sacrifiée, dans les facs, les écoles, les quartiers, mais aussi valoriser et proposer des actions de solidarité ? Vénères mais solidaires ! L’idée a été testée auprès d’étudiants, mais aussi de décrocheurs, de chômeurs et de jeunes en galère. Ils ont immédiatement tilté. C’est aussi en cela que vit et croît cette fameuse citoyenneté, un pouvoir de parler et d’agir à développer au moins autant que des valeurs abstraites serinées à longueur de journée.

Fokon, Yaka et Zeneka

Je vous avais raconté les péripéties de mon administration fusionnée. Depuis le premier avril est née la nouvelle entité. Le jour J Zoom nous a rassemblés. À l’aide de coachs on nous a animés. Et pour faciliter les échanges, les micros ont été coupés : le distanciel a parfois bien des absurdités ! Discours du préfet sur le sens, l’efficacité, les opportunités, les synergies, la transversalité. Propos obligés, mais plutôt bien ficelés. Il y a là celles et ceux qui font dans le social, l’hébergement et le logement des travailleurs, des inspecteurs du travail, des chargés d’insertion, des conseillers en formation, des responsables de titres et certifications, des contrôleurs de la concurrence et des fraudes, des spécialistes de la métrologie, des cadres dirigeants et des exécutants. Dans cette nouvelle organisation certains pensent trouver leur place, d’autres à l’inverse craignent que leurs métiers se dissolvent, s’effacent. Que peuvent, que veulent-ils faire ensemble ? La plupart ne le savent pas, beaucoup ne le sentent pas. Le débat général est assez caricatural. Comme le sens est dicté, ordonné, assigné, que les agents sur celui-ci n’ont pas un instant été consultés, la discussion évite de se porter sur les finalités et se concentre sur les modalités. Qu’en est-il de nos bureaux, nos véhicules, nos places de parkings, nos mails et nos ordinateurs, nos chefs et nos sous-chefs ? Nos dirigeants se veulent rassurants, mais je sais qu’au fond d’eux-mêmes ils n’ont guère d’allant. Je me souviens, il y a de cela des années, d’un propos de Martine Aubry, qui depuis je l’espère a changé d’avis. « Vous n’êtes pas là pour penser, les inspecteurs sont faits pour inspecter, les fonctionnaires pour fonctionner ». 30 ans après, rien de ce point de vue n’a changé.

Vous êtes plutôt Pfizer ou Moderna ? Défendez toujours AstraZeneca ? À moins que vous ne préfériez Spoutnik, et son petit parfum soviétique ? Faut dire qu’il y a place pour moult débats, moult éclats et beaucoup de n’importe quoi. Chez Astra et encore plus chez Zeneca, ce qui me plaisait c’est ce que cela évoquait. On lui prêtait des origines lointaines et exotiques faites pour plaire au grand public. Ça rimait avec chocolat, yuka, mazurka ou paprika. Ça nous donnait la baraka. Mais non rien de tout ça, et surtout patatras. De promesses non tenues, des effets inattendus et désormais, un grand malentendu. Tous ces gens à qui on le propose et que ça indispose. Quant à moi j’attends toujours ma dose ! Ajouté à une année de couacs, j’ai le sentiment d’une grosse arnaque.

Ce dimanche où j’écris, le ciel s’ennuie et le temps est à la pluie. Depuis quelques jours, ça y est, Abdenbi est parti. Il a rejoint un vrai chez lui et vit en charmante compagnie. Son départ me rend tout bizarre. L’appartement sans lui a perdu un peu de sa vie. Et la cuisine aussi ! Nous nous reverrons régulièrement, nous nous le sommes promis. Ça commence d’ailleurs aujourd’hui, j’irais déjeuner et découvrir son nouveau nid. Quant au dîner, il sera clandestin. Je ne parle pas d’une de ces soirées organisées par et pour le gratin. Mais d’un repas entre amis avec pour cuisinier un ex-menuisier. Et désormais lancé dans la gastronomie. Nous ne serons pas trop nombreux, mais pas vraiment sérieux. Au diable pour une fois les règles de couvre-feu. Je me sens à la fois coupable et d’autant plus heureux !

Cette dernière journée est donc fort occupée. Pour une fois, je n’aurai rien à préparer, ni petits plats à concocter. Et comme il faut me pomponner, me préparer, faire honneur à ceux qui m’ont invité, cette chronique sera quelque peu écourtée. Finis les jours gris, les beaux jours nous sourient. De belles nuits aussi.

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