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Alors que l’urgence climatique s’est progressivement installée au cœur du débat public, l’action publique en matière environnementale cristallise les contestations depuis le mouvement des gilets jaunes en 2018 jusqu’au projet de loi climat. Uniquement appréhendée par le prisme de l’État, la question climatique gagnerait à être pensée dans une démarche de négociation collective pour dépasser l’antagonisme récurrent entre la « fin du mois » et la « fin du monde ». C’est la logique dans laquelle s’inscrit le mouvement de l’éco-syndicalisme.

La transition écologique doit être appréhendée à l’aune des entreprises

Alors que l’urgence climatique s’est installée au cœur du débat public depuis plusieurs mois, le défi écologique n’est appréhendé qu’à travers le prisme de l’État. En témoigne par exemple le projet de loi Climat, aujourd’hui en discussion au Sénat, dont les débats ont par exemple porté sur le calendrier imposé pour la rénovation thermique des bâtiments ou la limitation de certaines publicités. La question de la transformation écologique des entreprises est ainsi étrangement délaissée alors qu’elle constitue probablement la question la plus importante.

Il ne peut en effet y avoir de transition écologique sans transformation écologique des entreprises. Or, la transformation écologique de notre appareil de production ne se décrète pas de manière uniforme par l’édiction de lois, mais implique davantage de construire de nouveaux équilibres adaptés aux spécificités économiques de chaque secteur d’activité. Dans chaque entreprise, des solutions doivent être collectivement trouvées pour réduire l’empreinte carbone sur des sujets aussi variés que la consommation d’énergie ou l’organisation des transports.

Le salarié : le grand oublié de la transition écologique

La France comprend aujourd’hui 25 millions de salariés, une réalité que les débats autour de la fin du salariat ont tendance à occulter et que les débats autour de la transition écologique ne prennent pas suffisamment en compte. Cette masse de salariés, qui offre en réalité un levier d’action considérable, est aujourd’hui délaissée. Cet oubli tient au fait qu’historiquement, la société salariale s’est fondée sur une vision restrictive du travail qui excluait toute considération liée à l’objet et au sens au travail, la finalité du travail étant du seul ressort de l’employeur. L’urgence écologique met aujourd’hui en lumière les limites de ce modèle de travail.

Contrairement aux citoyens et aux consommateurs qui, face à l’urgence climatique, disposent respectivement d’une offre politique variée et des moyens alternatifs de consommation, le salarié n’a pas aujourd’hui de moyens d’action équivalents en ce sens. Alors que la marche pour « une vraie loi Climat » a réuni plus de 100 000 personnes en France, peut-on imaginer demain que des hordes de salariés se mettent en grève pour contester l’opportunité écologique de certaines décisions de leur entreprise ?

L’éco-syndicalisme : un levier nouveau de transformation

Remettre les 25 millions de salariés en mouvement, voilà le pari ambitieux que s’est assigné le Printemps écologique, un « éco-syndicat » né il y a maintenant un an à la faveur du premier confinement. Alors que les organisations syndicales sont en crise comme en témoigne le déclin du taux de syndicalisation en France (en 60 ans, il a été divisé par 4), le syndicalisme peut pour autant offrir, face à l’urgence écologique, un moyen d’action collective particulièrement puissant. C’est ce constat partagé qui est à l’origine de la création du Printemps écologique. L’une des personnes à l’origine de l’initiative l’exprime ainsi : « Nous avions la conviction que le cœur du problème écologique se trouve dans l’appareil productif et que le consommateur tout seul ne détient pas la solution. On a réalisé que l’outil syndical était adapté pour mener ce travail ».

D’ores et déjà implanté dans une dizaine de secteurs professionnels tels que la métallurgie et la sidérurgie ou l’éducation nationale, le printemps écologique ambitionne d’investir les élections professionnelles dans l’ensemble des branches pour porter des revendications écologiques au sein des organisations de travail. Au-delà de la sphère des entreprises, cet éco-syndicalisme se donne sept ans pour être représentatif au niveau national et pouvoir ainsi prendre part demain aux négociations nationales interprofessionnelles.

Nous avons besoin du dialogue social pour répondre à l’urgence écologique

La transition écologique appelle-t-elle un renouveau du syndicalisme ? La question mérite d’être posée. Alors que l’urgence écologique est souvent présentée comme antagoniste avec la préservation des emplois, la transformation écologique de notre appareil productif ne pourra se réaliser que si elle s’inscrit dans une négociation collective pour prendre en compte le sort des salariés les plus vulnérables. À cet égard, le mouvement des gilets jaunes, né d’une protestation contre l’instauration imposée d’une taxe carbone, a rappelé avec force que la transition écologique ne pouvait s’affranchir d’une démarche de dialogue social. En juin 1936, les grands acquis sociaux tels que l’instauration des congés payés et la création des conventions collectives naissaient des accords de Matignon. C’est dans cette démarche de dialogue que devraient sans doute être construits les prochains « acquis climatiques ».

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