Pendant de nombreuses années, Jean-Marie Luttringer – qui vient tout juste de nous quitter – a écrit des Chroniques, la dernière porte le numéro publiées par l’AEF.
Il avait une grande complicité amicale avec l’équipe de Metis et nous étions en quelque sorte invités à « piocher » pour les reprendre en fonction des dossiers thématiques que nous composions, ou de quelques-unes de nos obsessions. Ainsi celle de la continuité qu’il faudrait installer ou plutôt construire au niveau national et local entre formation initiale, professionnelle ou même générale, et formation tout au long de la vie. (cf ci-après « Comment conjuguer apprendre et travailler »)
Toujours présenté comme « le » juriste de la formation continue : les témoignages rassemblés par le Quotidien de la formation, Centre Inffo le montrent.
Le droit était tout à la fois son architecture intellectuelle (et c’est du solide ! je me souviens encore que ne voyant plus, il pouvait exposer de mémoire le plan et l’argumentation de sa dernière Chronique), et une clé dont il se servait pour ouvrir de multiples portes. Car ses intérêts et sa grande curiosité le portaient bien plus loin. C’est qu’en effet et de plus en plus, il s’est intéressé à la continuité avec la formation initiale et ses diversifications, aux parcours des individus, insistant surtout sur le fait que l’envie de se former est essentielle : il ou elle se forme et doit y participer activement.
Aux entreprises aussi : la formation au métier et aux évolutions des métiers, aux changements technologiques et sociétaux est un « devoir », une « obligation » pour l’employeur. Il arrivait que Jean-Marie Luttringer la pense comme une « garantie » sur le modèle de la Sécurité sociale, une vraie assurance contre les petits et les grands risques d’obsolescence et de pertes de compétence. C’est alors tout un modèle social composé d’entreprises et d’individus responsables (un modèle social-démocrate à vrai dire) qu’il cherchait à dessiner. Une grande responsabilité revient aux entreprises comme aux administrations publiques pour assurer l’adaptation et le développement des compétences de leurs collaborateurs. Une grande responsabilité revient aussi à chacun : le CPF pourrait conjuguer liberté de choix, possibilité de bifurquer, de réaliser une vraie reconversion professionnelle sur mesure, et pas seulement pour passer le permis de conduire ! Une grande responsabilité revient également aux nombreux (trop nombreux ?) financeurs qui doivent fournir un cadre et ouvrir des possibilités.
Ce nouveau modèle pour une formation qui soit réellement une possibilité tout au long de la vie, il arrivait à Jean-Marie Luttringer d’en chercher des exemples dans les pays d’Europe du Nord : il lisait avec toujours beaucoup d’impatience et de curiosité les articles comparatifs écrits du point de vue européen par Jean-Raymond Masson pour Metis.
Car si les règles et les corpus du droit étaient son architecture intellectuelle, et sa passion, aucune jurisprudence dans son domaine ne lui échappait, tant était grande son exigence de précision et d’exhaustivité. Mais le comparatisme était sa méthode. Et la responsabilité, sa morale.
Jean-Marie entretenait de nombreux réseaux et cercles d’amis : il échangeait à égalité avec les livres, les articles de revue, mais également les vivants avec qui partager un bon repas allait avec les échanges d’idées, et nombreux sont ceux qui ont été invités à lui formuler des remarques sur ses Chroniques avant leur publication.
Il aimait la vie.
Voici quelques-unes de ses Chroniques republiées dans Metis, merci à lui d’avoir nourri notre réflexion.


Laisser un commentaire