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Le Groupe Foncia a annoncé dans un récent communiqué de presse avoir créé un blog « Les Belles personnes » ouvert à ceux de ses salariés, « collaborateurs de l’ombre », pour s’exprimer sur leur métier, leur travail quotidien, le détail de leurs activités, et in fine l’image de leur métier.

Reconnaître la valeur du travail réalisé est une entreprise qui, dans les organisations, mobilise (ou devrait mobiliser…) un ensemble de moyens matériels, financiers et symboliques. La reconnaissance est inséparable de la connaissance des personnes et des métiers. L’un ne va pas sans l’autre et cette attention à l’ensemble de ceux qui font, in fine, le résultat de l’entreprise est une tâche qui ne connaît pas de pause. La pandémie et le confinement ont révélé une dimension négligée la reconnaissance. Dans cette circonstance exceptionnelle, c’est toute la société et ses institutions qui se sont montrées reconnaissantes, là où elles préféraient auparavant ne pas voir les « invisibles », adaptant à leur profit un célèbre dicton, selon lequel « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ».

Foncia, « leader européen des services immobiliers résidentiels » a pris une initiative intéressante pour « mettre en lumière les Belles personnes » que sont ses « collaboratrices et collaborateurs », gestionnaires de copropriétés, responsables de gestion locative, agents immobiliers, gardiens d’immeubles,… Elles sont invitées à se présenter sur un blog dédié, photo à l’appui. Les quelques questions qui leur sont posées portent sur l’activité elle-même, sur ce que chacune et chacun aime faire, trouve difficile, les qualités professionnelles et personnelles qu’elle requiert, ainsi que sur sa relation à l’entreprise.

On découvre l’extrême diversité des métiers. Les intitulés des fonctions donnent une idée de l’étendue des activités et des compétences mobilisées, même s’ils ne permettent que très imparfaitement de visualiser la réalité du travail effectué. A Rennes, Sylvie est « conseillère relation client », à Caen, Jacqueline est « responsable clientèle », à Perpignan, Alexandre est « gestionnaire de clientèle ». Je ne suis pas certain de faire la différence… On perçoit à quel point il est difficile de formuler concrètement les savoirs et savoir-faire qui sont nécessaires pour faire du bon boulot dans des métiers dit « relationnels ». On y est à l’écoute, réactif, transparent, on cherche à donner confiance. On est fier du mot de remerciement d’un client, et heureux de travailler dans une bonne ambiance.

L’impératif de rester calme en toutes circonstances est cité comme une qualité essentielle. Si j’en crois mon expérience d’usager des Assemblées générales et des syndicats de copropriétaires, cela tient souvent du sacerdoce ! Inévitablement à propos de l’entreprise, certaines réponses semblent un peu convenues. Foncia est qualifié de « famille » où personne n’est un numéro et où sont offertes de réelles opportunités de progression. Tant mieux et j’imagine que cela fait plaisir à entendre, mais souvenons-nous que cela n’est pas une enquête sociologique ou un sondage représentatif ! Ce sont majoritairement des femmes qui témoignent. Les quelques hommes occupent plutôt des « fonctions support ». Impossible de faire une synthèse des dizaines de portraits. L’objectif du blog « Belles personnes » n’est pas d’aboutir à un « portrait-robot » puisqu’au contraire il cherche à mettre en valeur la singularité des personnes.

Deux partis-pris méritent d’être soulignés. Celui de prêter attention à l’expression de ce qui compte pour chaque « collaboratrice et collaborateur ». Ce qui compte dans le travail, mais aussi hors travail. On y apprend par exemple que les interviewés aimeraient prendre un verre avec Jean-Jacques Goldmann, Georges Clooney, Greta Thunberg ou une quantité d’humoristes et de chanteuses dont le nom même m’est inconnu !

Une autre question est plus surprenante : « Quel est le cliché professionnel que vous souhaiteriez tuer définitivement ? » Les réponses sont troublantes. Florilège : Pour Sandrine à Caen « que nous sommes des voleurs », pour Sandra à Toulon « Escroc ! Foncia n’est là que pour prendre de l’argent » et pour Diane à Tarbes « le syndic est un voleur. Mais que fait le syndic ? » D’autres réponses sont plus « diplomatiques » : « L’immobilier se résume à la vente de maisons. » ou « N’importe qui peut être agent immobilier ! ». Toutes les réponses disent la souffrance qu’il y a à exercer une activité, un métier, qu’on sait complexe, où le succès n’est jamais garanti, mais qui, pour le dire simplement, a mauvaise réputation. Pas dans l’entreprise elle-même, mais dans l’ensemble de la société. Ces réponses nous disent que la reconnaissance de l’employeur n’est pas la seule attendue. Il faudrait sans doute parler de « reconnaissance étendue » comme d’autres parlaient « d’entreprise étendue ».

Une bonne raison pour saluer l’initiative de ce blog des Belles personnes !

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Directeur d’une Agence régionale de développement économique de 1994 à 2001, puis de l’Association Développement et Emploi, devenue ASTREES, de 2002 à 2011. A la Fondation de France, Président du Comité Emploi de 2012 à 2018 et du Comité Acteurs clés de changement-Inventer demain, depuis 2020. Membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire des cadres et du management. Consultant et formateur indépendant. Philosophe de formation, cinéphile depuis toujours, curieux de tout et raisonnablement éclectique.