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par La rédaction, Thierry Beinstingel

« Sachez tout de suite que je tiens pas à partir. Que j’attendrai la derrière limite pour la retraite. Soixante-cinq, soixante-sept ans peut-être, voyez, ce n‘est pas pour demain, faudra faire avec »

 

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Thierry Beinstingel, Ils Désertent, Chapitre 18, Fayard 2012

 

« Sachez tout de suite que je tiens pas à partir. Que j’attendrai la derrière limite pour la retraite. Soixante-cinq, soixante-sept ans peut-être, voyez, ce n‘est pas pour demain, faudra faire avec. Sachez que je n‘ai rien d’autre que la route et ce travail. J’ai tout misé là-dessus à l’âge de dix-huit ans. Une réussite ? Mais je n‘en tire aucune gloire. Et d’ailleurs quelle réussite ? Au final un peu d’argent pour mes enfants et ce sera tout, je disparaîtrai du circuit comme je suis apparu. Je ne demande rien d’autre qu’on me laisse continuer encore un peu. Je rapporte de l’argent, je le sais. C’est normal : je suis ma clientèle depuis quarante ans. Qu’on me laisse continuer : on a tous à y gagner. Dans le cas contraire, la boîte seule y perdra, je disparaîtrai un peu plus tôt, ça ne change rien à mon destin, mais l’entreprise devra justifier mon départ, le payer à sa juste mesure. Aucun des griefs ne pèsera dans la balance. Insuffisance de résultats ? Je n’ai même pas d’objectifs de vente. Désaccord avec la nouvelle direction ? Je n‘ai reçu aucune lettre, et la formation des vendeurs que j’assurais en plus de mon travail m’a été retirée sans explication. Vous êtes nouvelle et j’imagine que vous avez reçu des consignes me concernant. Je vous le dis tout et, je refuse de partir. »

 

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