Une sixième semaine de confinement avec Victor Castellani entre le Panier marseillais et l’Alsace.
Saucisses ou panisses ?
Je me confine, tu te confines, nous nous confinons. J’en veux à cette conjugaison. Sans fin et sans terminaison. À ces jours qui s’enfilent, à cet horizon qui se profile. Ou plutôt se défile. Car au fur et à mesure que s’approche le mois de mai, nos gouvernants jouent au furet. Un jour ceci, l’autre cela. Rien de vraiment prêt, de très concret, de bien guilleret. Pas même un brin de muguet dixit un préfet. Un mois à faire ce qu’il nous plaît ? Il y a des proverbes parfois bien surfaits ! Cette année, même nos ponts en auront fait les frais !
Avant d’aller plus loin, petite mise au point. Cette semaine, comme la précédente et peut-être même comme la prochaine, la chronique continue son régime minceur. Sus aux longueurs et paragraphes sans valeur. Décision de votre chroniqueur ! En la matière, c’est comme pour les RTT et autres congés payés, une fois qu’on y a goûté, difficile d’y renoncer !
Drôle d’époque. Loufoque, baroque, équivoque. Un jour ce sont les chinetoques, un autre les amerloques. Trump et Xi sont dans un bateau. Trump tombe à l’eau. Qui est-ce qui reste ? Bolsonaro ! Si pour les masques ce fut assez fantasque, pour les idiots, y a tout ce qu’y faut ! Blues et fake news. Des espoirs qui naissent, d’autres qui disparaissent. À qui, à quoi se fier ? Penser l’impensé. Préparer l’après. Faire le bilan de l’avant et si possible du pendant. Illusions et prévisions, pressions et confusions. À l’école, grand flou sur la « rentrée ». Parents, enfants et enseignants il y a les impatients, les jamais contents, les indifférents et les battants. Pour les bars et les restos, c’est parti pour durer et ça n’a toujours pas l’air de se dégager. Ceux qui vont retravailler s’interrogent sur leur sécurité. Et ceux qui chôment tremblent : reprise de l’activité ? Chute dans la pauvreté ? Réclusion, questions, tensions, implosions.
Quant à moi, je suis décidé de me déplacer. À Strasbourg. Muni bien sûr de mon attestation. Et j’espère sans contravention. J’ai là-bas un frère à relayer. Une mère à choucrouter. Et une plateforme à animer. Journées télétravaillées. Adieu Marseille et le soleil de ma terrasse, bonjour riesling, kugelhof et corona : bienvenue en Alsace ! Tiens, j’ai une idée. Un sondage pour Metis : vous êtes plutôt saucisses ou panisses ? Là Victor tu t’égares et si tu continues, chez Metis on ne te parlera plus. Et on ne te publiera plus, non plus. Foin de malentendu, revenons donc à nos contenus.
Cette semaine, rien ou presque à signaler du côté de la plateforme jeveuxaider. Si ce n’est une chose qui je dois le dire m’a quelque peu énervé. Entretien d’Attal dans la presse locale. Qu’en matière de réserve civique, le ministre en charge communique, c’est normal, c’est politique. Mais qu’après avoir tout fait ou presque pour la flinguer – et ce jusqu’à fin février ! – il en revendique désormais la paternité, c’est plus que culotté ! Contraire aux faits et à la vérité ! Le « Nouveau Monde » avait promis un peu d’éthique. Ce moment fut on l’a vu assez météorique : l’on revint vite aux bons vieux tics. Et encore plus si à Hollande l’on pouvait faire la nique. Car sur la réserve civique, il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à François ce qui est à François. Elle ne doit rien à Jupiter et tout à l’ex de Trierweiler. Le cadre politique comme la plateforme numérique. C’est grâce à lui que le dispositif a été pensé, proposé et voté. Janvier 2017, loi Egalité et Citoyenneté. On nous parle d’une ère nouvelle, et même parfois d’humilité. Mais à la moindre occasion, qu’est-ce qui pointe le bout du nez ? Une insupportable vanité. Bon, désolé si je me laisse emporter. Mais là, vraiment, faut pas charrier !
« Ce rose qu’on nous propose
Ces quantités d’choses
Qui donnent envie d’autre chose…
Foule sentimentale, soif d’idéal, attiré par les étoiles les voiles (…) »
C’est avec Souchon que je me suis calmé. Avant de me plonger dans d’autres dossiers. Celui de la participation des usagers. Première note, premières idées à partager. À l’attention de la commissaire à la lutte contre la pauvreté. Et puis aussi celui qui me tient le plus à cœur, Citizens Campus, notre école de la citoyenneté. Mercredi nous étions une petite dizaine à brainstormer. Des hommes, des femmes. À parité. Sérieux, créatifs et engagés. Nous avions une heure pour échanger. Énoncer des pistes et des idées. Autour des jeunes et des quartiers. De l’organisation de ces communautés, de l’action et de l’éducation à la citoyenneté. De réseaux à lancer, animer et coordonner. Ici et en Méditerranée. D’une Europe populaire à penser, débattre, dessiner et propulser. Sans oublier bien sûr des moyens et des fonds pour travailler. Une heure ce n’était pas assez, mais la dynamique est bien lancée. Dans une semaine ou deux, peut-être trois, nous aurons j’espère bien avancé.
Semaine d’ébullition. Mais pas que. J’ai aussi commis deux infractions. Une première pour un anniversaire. Celui de mon colocataire. Il m’avait préparé en mars dernier un super dîner. À moi maintenant de lui prouver que je pouvais me dépasser. Mais si pour le salé j’en faisais mon affaire, pour le sucré je faisais moins le fier. Mousse chocolatée, parfait meringué, fraisier et autre framboisier, il avait un pote pâtissier qui, plusieurs fois déjà, nous avait régalés. Pourquoi ne pas lui demander ? Tout en lui proposant de l’inviter. L’idée lui plut, marché conclu. Et quand le soir fut venu, il eut droit à un beau menu, gel inclus ! Velouté de fenouil glacé pour commencer. Saumon, sauce miel teryaki sur un lit de légumes croquants pour continuer. Framboisier à la crème vanillée pour terminer. Et un Dom Pérignon vintage pour nous aider à digérer. Quitte à infractionner, valait mieux ne pas se priver ! Le problème avec les interdits c’est qu’une fois qu’on les dépasse, vite on s’en affranchit. Ce fut encore le cas samedi. Ciel radieux, vent d’été, je suis parti me promener. Panier, Major, Joliette, Vieux port. Près du Mucem, me suis posé. Derrière moi, la Bonne Mère. Devant, If, les îles et une eau claire. Alors je suis resté. De mes inquiétudes et autres incertitudes, ma tête s’est débarrassée. Pour mieux rêver et divaguer. Deux heures de grande félicité. Plaisir d’une règle transgressée. Mais… dans le périmètre autorisé !
Mois du Coran et autres purifiants
Sur nos repas et bons p’tits plats, je vais me taire un certain temps. Un mois plus exactement. Because le ramadan. Mois de célébration du Coran. Mois pour jeûner et se purifier. Confiné, mais toujours observé. Et qui pour Abdenbi n’est ni slogan ni carcan. Depuis vendredi, sans hésiter il s’y est mis. On ne se voit plus au déjeuner, pas question de le faire saliver ni de lui faire envie. Il ne nous reste plus que le soir pour partager jeux, séries et gastronomie ! Pour lui, pour d’autres, le ramadan de cette année sera très particulier. Si la nuit l’on peut toujours manger et s’approvisionner, c’est juste pour emporter. Plus pour se retrouver, fêter et s’embrasser. Ni vacarme ni ramdam. Sans cris, sans bruit. Certains en seront peut-être soulagés. Riverains, mais surtout salariés. Qui seront, souvent contre leur gré, moins fatigués. Usines et machines empêchées, ateliers et chantiers arrêtés, postes de sécurité désertés, beaucoup de nos ouvriers sont des immigrés. Je ne parle pas ici des travailleurs détachés. Parmi les seuls à travailler. Mais plutôt de ceux venus de l’autre côté de la Méditerranée. On l’a ces derniers temps trop oublié.
Un mot si vous me permettez sur la fragilité. Et notre sentiment d’invincibilité. Puisse cet orage faciliter notre apprentissage. Pas facile d’être fragile. Ou plutôt de le reconnaître. Chez moi ça a pris un long moment. Il a fallu que je craque il y a bien longtemps. Ça ne m’était jamais arrivé. Malgré les déceptions, frustrations j’avais toujours tenu bon. On me disait « toi Victor, tu es un homme fort. Tu as du caractère, toujours tu t’en sors ». Puis un jour, une aventure et, très vite, une obsession. Un dépit, une folie, une pathologie. Fatale, sentimentale. Les histoires d’amour finissent mal, en général. Faro, sa falaise, ses plages, au sud du Portugal. Des jours que j’étais mal. Je me disais ce colloque tu dois y aller. Y participer et y parler. Orly. Longuement j’avais hésité devant la porte d’embarquement. Puis je m’étais décidé. Bêtement, sur un coup de dés. Tout ensuite avait merdé. Avion retardé. Correspondance ratée. À 4 h du mat, mon arrivée, une envie, une seule, me coucher. Mais là encore, empêchée. Collègues et amis m’attendaient, insistaient. Un verre, un cocktail, un café. Il avait fallu lutter pour ne pas sombrer. Nuit écourtée. Petit déjeuner, j’ai vu Marianne j’ai pleuré. Sans pouvoir m’arrêter. Mon plateau, mes nerfs, tout a lâché. Elle m’a dit « va te reposer ». Et moi, rassemblant mes dernières forces j’ai tenu à parler. Mots pensés, mais ébranlés. J’avais tout donné, ne restait de moi qu’un être vidé, épuisé. Marianne a vite compris et m’a mis au lit. Je vous épargne la suite. La rentrée à Paris. Mon arrêt maladie, le premier de ma vie ! Le refuge chez des amis. La consultation d’un psy. Et tout le temps que ça m’a pris. Comprendre, accepter, dépasser le déni. Des mois après, un ami m’a dit : ça, enfin, ça t’a rendu plus humain. Je l’ai d’abord assez mal pris. Il avait pourtant touché juste. On ne construisait rien de solide en étant trop rigide. Voilà comment j’ai débuté dans mon apprentissage de la fragilité. Alors pour l’humanité, je doute que deux ou trois mois suffisent pour y arriver.
Sur ce, avant de vous quitter, quelques notes sur un mode plus léger. Cette semaine, pour une fois, le soleil avait pris quelques jours de congés. Dès dimanche dernier, le ciel s’était assombri et teinté de gris. Marseille en silence s’était mise à l’abri, engourdie, alanguie. Quatre jours de pluie, assez rares ici. Y en a que ça fout par terre. Alors que ça nous changeait d’air. L’onde pourtant n’avait rien de torrentiel. Sécheresse aidant, ces gouttes étaient même plutôt providentielles. Certains se sont aigris, mais la nature elle a vite tout compris. Pour les pafs, ce fut le kiff. Les mouches en ont remis une couche et les moustiques, un festival de piques ! Sur nos places, terrasses et avenues, ces larmes du ciel eurent bien des vertus. Bienfaisantes et caressantes. Purifiantes et nettoyantes (sans javel et pas désinfectantes, laissons à Donald ses idées aberrantes !). Et que dire du peps retrouvé de nos plantes flageolantes. Car même dans nos villes minérales, la nature ne peut se résoudre à n’être que digitale.
Cette semaine, encore, il me faut vous remercier. Pour vos images, vos musiques, vos pensées. Mille et un petits bijoux qui viennent de vous. Et qui me donnent envie de continuer. Car…
Je ne veux plus m’arrêter,
Je ne veux plus déjeuner
Je veux seulement publier
Et puis, je fuis !
La grande Edith j’espère me pardonnera et peut-être même, en sourira !
Quand « l’aprez » vient il faut refaire Le monfe, qu:il devient plus humains, plus juste et spirituel.