Le rôle et la parole des experts sont soumis à bien des critiques et moqueries ! Le déroulement de la Convention des 150 Citoyens pour le climat montre à quel point ils sont indispensables à la démocratie, mais sous de nombreuses conditions. Gilles-Laurent Rayssac, président de Res publica, l’une des entreprises qui a assuré l’ingénierie et l’animation des travaux de la Convention, analyse ce dialogue particulier entre experts et non-experts.
Une initiative inédite qui débouche sur une « performance »
La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a été annoncée par le Président de la République le 25 avril 2019, en réponse au bilan du Grand débat national qu’il avait convoqué pour trouver une issue à la révolte des Gilets Jaunes. En prenant cette initiative, E. Macron répondait à une double attente exprimée lors de cette crise : résoudre l’équation « fin de mois/fin du monde » tout en élargissant et en renouvelant la palette des pratiques démocratiques incluant plus les citoyen.nes dans la décision publique. Une forte demande allait dans ce sens, notamment avec la revendication de la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne. D’une certaine façon, le Président répondait aux Gilets Jaunes : « allez-y, dites-nous quoi faire et comment ? ».
L’organisation de la CCC a été confiée au Conseil Economique, Social et Environnemental qui a été saisi par une lettre de mission du Premier ministre dans laquelle il demandait au Président de cette assemblée de réunir 150 citoyens tirés au sort afin qu’ils définissent « les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 ». Un Comité de gouvernance, composé de membres du CESE et de personnes qualifiées désignées par le ministre de la Transition écologique et solidaire (1) était responsable de l’organisation des débats de la Convention ; il était appuyé, pour cela, par des spécialistes de la démocratie participative, du débat public et de l’organisation (2) qui l’ont aidé à concevoir la progression des débats et qui ont pris en charge leur animation.
La CCC a montré qu’une assemblée de citoyens « ordinaires » est capable de définir un programme politique que les représentants de la Nation n’ont pas réussi à décider alors qu’ils disposaient de toutes les données et informations nécessaires. Les travaux des chercheurs permettront d’identifier, dans un futur que l’on espère proche, les éléments de la construction de la Convention qui ont permis cette « performance », étant entendu que l’ensemble des 149 propositions (3) formulées par la CCC sont réputées répondre (4) à la lettre de mission du Premier ministre.
Le rôle que nous avons joué dans l’organisation de la Convention, nous conduit à considérer que cette « performance » repose sur deux éléments majeurs : le tirage au sort et la coopération approfondie qui s’est établie entre « les 150 » citoyen.nes, non experts, et l’ensemble des experts (5) qui ont été mobilisés tout au long de la démarche. Nous abordons très succinctement le premier point pour nous concentrer sur le second qui est certainement l’un des aspects les plus intéressants et innovants de la CCC.
Une assemblée tirée au sort
Le tirage au sort a été évoqué par de nombreux auteurs au cours des dernières années (voir notamment : Yves Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, La Découverte, coll. Poches, Paris, 2011). Il a commencé à être utilisé dans des démarches de démocratie participative depuis la seconde moitié des années 2000. Il présente l’avantage d’éviter plusieurs défauts du débat public notamment la mobilisation des citoyennes et des citoyens les plus proches ou les plus attentifs aux démarches de participation, ce qui se traduit souvent par une surreprésentation de catégories de personnes bien installées dans la vie sociale et porteuses d’intérêts spécifiques. Mais le tirage au sort, dans le cas de la CCC répondait à une autre préoccupation : donner la parole à des personnes qui n’ont pas d’intérêt spécifique à défendre, qui à titre individuel ne représentent personne d’autre qu’elles-mêmes, mais qui, collectivement, illustrent (assez fidèlement) la diversité de la population française. Ces personnes sont réputées être indépendantes de tous les lobbies. En outre, elles sont recrutées de telle sorte qu’aucune ne soit spécialiste de la question traitée. C’est la raison pour laquelle le tirage au sort a été réalisé en tenant compte des caractéristiques des participants de manière à avoir un groupe qui soit statistiquement proche de la population française en ce qui concerne le sexe, l’âge, le niveau de formation, l’origine géographique et le type d’habitat (rural, péri-urbain, urbain) tout en étant non spécialiste de la question qui était posée (la diminution de la production de gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale).
Ainsi, la mission des organisateurs de la CCC était la suivante : organiser le débat au sein d’un groupe de personnes qui n’étaient spécialistes ni du sujet traité (la production de gaz à effets de serre et la justice sociale) ni de la méthode d’élaboration de politiques publiques (comment sont fabriquées les lois et règlements) ni des politiques existantes (les éléments de l’action publique qui répondent déjà en partie à la question posée), ni même de la méthode utilisée, la délibération, qui suppose a minima une double capacité d’écoute active et d’argumentation. Or, de ce débat devait émerger un ensemble de mesures publiques afin qu’elles soient reprises « sans filtre » par l’exécutif. Cela supposait, comme l’a précisé le Président de la République lors de son intervention devant la CCC le 10 janvier 2020, que les propositions de la Convention soient définies de façon suffisamment précise.
Fabriquer un grand nombre de décisions
Pour bien comprendre l’ampleur et l’importance de la « commande », il faut souligner les différences avec les démarches de démocratie participative auxquelles sont généralement conviés les citoyens. Dans la grande majorité des cas, il s’agit de consultations dans lesquelles on attend des participants qu’ils donnent leur avis, individuellement ou collectivement dans les cas les meilleurs, à propos d’un projet précis. Cela couvre une écrasante majorité des concertations réglementaires (administratives) en urbanisme ou en environnement, y compris la procédure des débats publics organisés à propos de projets, de plans ou de programmes. Une autre catégorie est constituée des consultations citoyennes qui peuvent prendre la forme d’états généraux (comme ceux sur la bioéthique, par exemple) ou de concertations comme celle qui fut organisée en 2016 sur la vaccination ; le Grand débat national relève aussi, d’une certaine manière, de cette catégorie. Ces consultations citoyennes visent à impliquer les citoyens dans la préparation de décisions prises par les pouvoirs publics, au niveau national ou local. La CCC ouvre la voie à une nouvelle catégorie de démarche de participation citoyenne en ce qu’elle va beaucoup plus loin que les deux précédentes puisqu’il s’agit quasiment, d’écrire la loi ou le règlement. Même si formellement, il était entendu que les propositions de la Convention devaient être arrêtées par le gouvernement (règlements) ou votées par le parlement, voire être adoptées par référendum (lois), la promesse était bien de les reprendre « sans filtre » et donc de donner à la Convention une capacité de décision très inhabituelle dans le domaine de la participation citoyenne. Le rôle des experts n’est pas du tout le même dans ces différentes situations.
Par ailleurs, comme chacun peut le constater, le champ de réflexion était extrêmement large car, même s’il n’était pas demandé à la CCC de s’exprimer sur les mesures d’adaptation au changement climatique, mais uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre, on voit bien que cela concerne, en réalité, la quasi-totalité des aspects de la vie quotidienne des Français. C’est la raison pour laquelle les travaux de la Convention ont été organisés autour de 5 grandes thématiques étudiées en autant de groupes de travail : se loger, se nourrir, se déplacer, consommer et produire/travailler.
Dès lors, le « problème » qui devait être résolu peut s’exprimer trivialement de la manière suivante : comment un groupe de 150 personnes non spécialistes pouvaient-elles embrasser un champ aussi large en un temps très réduit pour répondre à la question posée, c’est-à-dire la définition de mesures permettant de limiter la production de gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale ?
Mobiliser différentes catégories d’experts
La réponse se situe dans l’articulation fine qui a été organisée entre deux types de connaissance afin d’en constituer une troisième : d’une part, la connaissance de la vie quotidienne apportée par chaque participant à la Convention, d’autre part, la connaissance formalisée des phénomènes liés au changement climatique, à leurs conséquences et aux actions déjà décidées et mises en œuvre (ou non) pour y faire face ; cette connaissance a été apportée par toute une série d’experts (6) (y compris dans le cadre du dialogue animé entre les membres de la Convention et ceux-ci). Cela a permis d’élaborer dans le cadre de la Convention, une troisième catégorie de connaissances (7) qui a résulté des débats organisés entre les membres de la CCC qui ont progressivement élaboré des positions collectives du fait de la délibération (8) dans laquelle ils étaient engagés et qui intégrait littéralement les deux autres formes de connaissance. Si les deux premières catégories de connaissance sont apportées par chaque individu intervenant des les travaux de la CCC, la troisième est le fruit de la Convention elle-même, elle n’est la propriété d’aucun individu en particulier.
Le Comité de gouvernance a donc fait appel à de nombreux experts pour alimenter les réflexions des membres de la Convention. En tout, près de 160 experts de diverses catégories ont été amenés à intervenir. On les cite ici en précisant leur rôle.
Tout d’abord, les experts qui sont intervenus au cours des séances plénières ou dans les groupes de travail pour apporter des informations de base sur différents sujets. Ils avaient pour responsabilité d’apporter aux membres de la Convention les connaissances qui leur ont permis de comprendre la question qui leur était posée, l’environnement dans lequel cette question se pose, les acteurs qui sont parties prenantes de cette question, etc.
Ces experts étaient aussi bien des chercheurs et universitaires que des acteurs ou des témoins, responsables d’entreprises, d’associations, élus, syndicalistes, etc. Tous ont contribué à « former » collectivement les membres de la Convention en leur donnant des informations, des outils de réflexion, en leur présentant des modalités de raisonnement qui les ont aidés à prendre connaissance de la réalité sur laquelle le Président de la République leur a demandé de réfléchir. Les interventions de ces experts ont pris des formes différentes : exposés en plénière, suivis ou précédés de questions posées par les participants, séances de travail en groupes de travail, échanges en très petits groupes (4 ou 5 personnes avec un intervenants pendant 30 minutes), webinaires au cours des intersessions.
Un autre groupe d’experts était constitué de fact-checkers mobilisés pendant toutes les sessions pour apporter des réponses factuelles aux questions que se posaient les membres de la CCC au cours de leurs débats. Les fact-checkers étaient présents sur le site de la Convention (au CESE) ou à distance. Ils intervenaient via une boucle Whatsapp sur laquelle les questions étaient posées par les animateurs (à la demande des participants) et où ils postaient les réponses, généralement dans l’heure qui suivait la demande. Ce dispositif a permis de sécuriser les discussions entre les membres de la Convention dans la mesure où il était toujours possible de vérifier un argument ou de demander une information. Les fact-checkers ont ainsi évité aux membres de la Convention de s’empêtrer dans de faux débats.
Dès le démarrage de la Convention, deux questions se sont posées avec acuité : comment savoir si les propositions permettront d’atteindre les fameux 40 % de réduction des gaz à effet de serre ? Comment s’assurer que les propositions ne sont pas en contradiction avec l’esprit de justice sociale ? C’est la raison pour laquelle le Comité de gouvernance a réuni une troisième catégorie d’experts qui a constitué ce que l’on a appelé le « Groupe d’appui ». Ce groupe, constitué d’une quinzaine de personnes (9), a joué un rôle important pour aider les membres de la Convention à préciser leurs intentions, en particulier dans la perspective d’éclairer les conséquences de leurs préférences puis de leurs choix. Leur rôle d’appui s’exprimait de deux façons : d’une part, ils ont conseillé les membres de la Convention en leur apportant une connaissance experte, d’autre part, ils ont été une sorte de sparing partner qui ont aidé les membres de la Convention à prendre conscience de ce que signifiaient leurs hypothèses de travail : si vous décidez ceci, voilà ce qui peut arriver, voilà quelles seront les conséquences probables dans tel ou tel domaine. Les membres du groupe d’appui ont notamment bien aidé ceux de la Convention à comprendre les dimensions sociales des mesures qu’ils ont envisagées.
De la même manière, s’est rapidement posée la question de la forme précise que devaient prendre les productions de la Convention. En effet, la promesse du « sans filtre » a conduit à considérer qu’il fallait que ces propositions prennent une forme précise afin qu’elles soient le plus possible « prêtes à l’emploi » ; par ailleurs, la définition d’une mesure publique, qu’il s’agisse d’un article de loi ou d’un règlement, se doit de répondre à un certain formalisme qui permet d’exprimer la volonté précise de l’exécutif ou du législateur afin que la règle nouvelle soit applicable et comprise. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela n’est pas spontané ; une mesure exprimée par le commun des mortels n’est pas directement une loi. C’est la raison pour laquelle le Comité de gouvernance a créé un Comité légistique (10) dont le rôle a été triple : expliquer aux membres de la Convention les exigences de la définition d’une mesure publique, identifier, dans la réglementation, les actions qui existent déjà et, surtout, transcrire les propositions de la CCC en articles de loi ou en règlement (en précisant ce qui relève de l’une et de l’autre).
La question de l’autonomie des membres de la Convention
Le Groupe d’appui comme le Comité légistique ont joué un rôle très important dans le fonctionnement de la Convention, ce qui était anticipé et même, d’une certaine façon, redouté. En effet, il fallait absolument éviter que leurs membres fassent passer leurs propres opinions et qu’ils influencent les membres de la Convention de manière obscure. Il était nécessaire, notamment pour le Comité légistique, qu’il respecte la volonté de la Convention. Les deux groupes devaient être au service de la Convention et ne pas l’instrumentaliser pour faire passer leurs idées. Ces questions ont très longuement occupé le Comité de gouvernance qui a été d’une grande prudence dans la composition de ces groupes (comme dans celle de l’ensemble des experts mobilisés pour la CCC), conscient qu’il était du risque d’invalider les résultats de la Convention par des accusations de partialité. Bien entendu, le Comité de gouvernance lui-même n’était pas à l’abri d’une telle accusation ; cependant, sa composition a largement permis d’éviter cet écueil. Le Comité légistique (composé de juristes, membres du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes, administrateurs du CESE et universitaires) posait moins des questions d’opinion que des questions de respect de la volonté de la Convention.
Plusieurs moyens ont été utilisés pour éviter que le Groupe d’appui et le Comité légistique soient, à leur tour, soupçonnés. D’une part, leur composition est pluraliste. D’autre part, le Comité de gouvernance a assuré un suivi général et rapproché des travaux de ces deux groupes d’experts. En outre, et peut-être surtout, les deux groupes ont travaillé collectivement en leur sein, mais aussi entre eux. Aucun membre de ces deux groupes n’est intervenu seul ; cela a pu conduire, notamment en ce qui concerne le Groupe d’appui, à l’expression des points de vue différents, voire divergents, qui ont permis aux membres de la Convention de mesurer, du fait de ces écarts techniques, la dimension politique des choix qu’ils avaient à opérer.
Une autre catégorie d’experts est constituée de tous ceux que les membres de la Convention ont mobilisés, individuellement ou collectivement, en dehors des sessions. En effet, les membres de la Convention ont beaucoup travaillé pendant les intersessions et rencontré de nombreux acteurs pour les interroger sur toutes sortes de sujets. Nous ne connaissons pas la liste exhaustive de ces experts et ne pouvons les caractériser. Mais une chose nous semble très probable : les membres de la Convention ont eu l’idée et surtout ont pris l’initiative d’aller au-devant d’autres experts parce qu’ils en ont rencontré au cours des travaux en session. Cela leur a donné l’élan pour réaliser ces démarches qui ont aussi nourri leurs réflexions (on pense aussi que leur statut de membres de la Convention les a aidés).
La lecture des quelque 450 pages du rapport remis par la Convention au Président de la République montre que le travail fourni est considérable (11). L’allongement de la durée de la démarche, liée d’abord au report de la session de décembre 2019 en raison des grèves sur la retraite puis au confinement dû à la Covid-19, a permis un approfondissement des échanges entre les membres de la Convention et les experts. Il a aussi permis un approfondissement des échanges entre les membres de la Convention : ils ont beaucoup parlé et réfléchi entre eux, le plus souvent de manière informelle grâce à des boucles Whatsapp ou sur la plateforme Jenparle qui a été mise à leur disposition tout au long de la démarche. Ces échanges ont matérialisé une dynamique de groupe très intense qui a permis que la Convention se saisisse des informations apportées par les experts sans pour autant être en dépendance d’influence vis-à-vis d’eux.
En effet, les échanges qui ont eu lieu dans les groupes de travail ou en plénum, mais aussi en dehors du cadre formel de la Convention ont permis que les membres de la Convention parviennent à une maîtrise collective de ces informations. Ainsi, même si chaque membre n’a pas, in fine, intégré toutes les informations que les experts ont apportées, le plénum de la Convention y est parvenu : les informations ont fait l’objet de discussions, d’explications entre pairs dans une logique de co-apprentissage, d’échanges sur la manière dont on pouvait les interpréter. C’est en ce sens que la Convention se distingue des autres dispositifs (tout en s’inspirant, dans une certaine mesure, des « conférences de consensus ») de participation citoyenne. Elle montre qu’il est possible d’organiser des échanges nombreux et approfondis entre des experts et des non experts sans que l’influence des premiers n’étouffe ou ne prenne possession de la volonté des seconds.
Le déroulement de la Convention et notamment les nombreuses adaptations qu’il a été nécessaire de faire dans la conduite des discussions montrent que la Convention ne s’est laissé imposer aucune idée de l’extérieur et qu’elle a longuement discuté, en son sein, les idées apportées par les experts ou par ses membres, avant de les adopter (12). Les membres de la Convention ont progressivement pris leur autonomie par rapport aux experts, ils ont proposé des noms (et rencontré les experts qui, pour une raison ou une autre n’ont pu intervenir devant eux), ils ont pris leurs distances vis-à-vis de certains experts (13), etc.
Si l’on observe la CCC d’un autre point de vue, dans une sorte de raisonnement par l’absurde, on peut aussi se demander s’il aurait été possible qu’elle parvienne à un résultat sans la participation d’experts à ses travaux. C’est bien un raisonnement par l’absurde parce que l’on n’imagine pas une seconde des élus de la République réfléchir et préparer leur décision sans l’apport d’experts… Cela étant, la réponse à cette question est évidemment : non ! Sans l’échange avec les experts, la CCC n’aurait été qu’une longue séance de « café du commerce » qui n’aurait rien produit d’utile pour conduire l’action publique. C’est sans doute ce que de nombreux lobbies auraient préféré, étant données leurs réactions aux propositions de la Convention. Cependant, donner la parole aux citoyens, ce n’est pas et ne peut être les piéger dans une anomie. L’un des intérêts majeurs de la Convention est qu’elle a permis à des citoyen.nes ordinaires de « faire de la politique », c’est-à-dire de décider ensemble ces quelques règles qui permettent de vivre ensemble (14). On peut même dire qu’en tenant compte des dimensions techniques des questions qu’ils avaient à traiter, mais aussi en s’en extrayant parce qu’ils ne pouvaient en avoir qu’une maîtrise politique consistant à choisir ce qui leur paraissait le plus juste et le plus efficace, la CCC a été un des rares moments réellement politiques de ces dernières années. C’est, en soi, une performance.
La réussite de la CCC dépendra, finalement, du respect, par le gouvernement et le parlement des propositions qu’elle a formulées (15) ; il est cependant certain qu’elle a déjà démontré qu’il est possible de fabriquer des décisions publiques en organisant une délibération entre des citoyen.nes « ordinaires » à partir des informations que des experts leur apportent. Cela représente une nouvelle source de légitimité de l’action publique qui exploite une ressource inutilisée jusqu’à présent – la démocratie délibérative – qui, articulée à la tradition représentative, peut largement renforcer la qualité et la pertinence de l’action publique pour relever les défis les plus importants qui se dressent devant nous. La question est de savoir, malgré la réforme du CESE en cours (16), s’il y aura d’autres conventions citoyennes à l’avenir.
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