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Dans beaucoup d’entreprises, l’intelligence artificielle (IA) est introduite sans concertation. Mais là où le dialogue social existe, des accords d’entreprise ont été négociés. Le CEET Cnam en propose une analyse, qui permet de voir les domaines de questionnement qui se posent et les mesures choisies pour y répondre.

Cet article est repris du site Les clés du social que nous remercions.

L’introduction de l’IA dans les entreprises

Confidentielle les premières années, elle se diffuse rapidement aujourd’hui. Or l’intelligence artificielle peut être bénéfique si elle permet de réduire les tâches fastidieuses, de faciliter le diagnostic médical, etc. mais elle peut aussi être négative si elle entraine une intensification du travail, un contrôle intrusif des salariés ou des discriminations. Car, un système d’IA n’invente pas, il n’est que le fruit des algorithmes, données et commandes que l’humain y a intégré.

Or, en France, depuis la 2ème loi Auroux de 1982, le CE/CSE doit être informé de l’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise et peut demander l’aide d’un expert dès 300 salariés. La question de l’IA étant posée maintenant à grande échelle, la CES (Confédération européenne des syndicats) a négocié un accord-cadre en juin 2020 pour que son introduction ne soit pas vue comme une substitution au travail humain mais lui vienne en appui. À la suite de cela, un projet français DialIA a été lancé avec 4 syndicats (Cfdt, Cgc, FO-cadres et Ugict-Cgt) sous l’égide de l’Ires et avec le soutien de l’Anact pour développer le dialogue social en entreprise et administration sur l’IA, de bons usages et les emplois. La CES demande maintenant une directive spécifique pour que l’humain soit bien aux commandes et que les systèmes d’IA soient explicités et introduits avec transparence.

Cependant, alors que l’IA aura des conséquences sur l’emploi et le travail et nécessite des choix collectifs, jusque-là la concertation est loin d’être le cas, l’introduction de l’IA se fait le plus souvent sans véritable dialogue social.

Les accords sur l’IA

Néanmoins, des accords d’entreprise commencent à intégrer ce thème : le CEET en a listé 242 entre 2017 et 2024 (sur 285 000 accords signés !), constituant souvent un seul paragraphe d’un accord comme dans le secteur de l’information-communication, parfois un peu plus diserts comme dans la finance, les industries manufacturières, les sciences et techniques.

Cela suppose que les représentants du personnel aient pu acquérir des compétences sur les enjeux de l’IA, sur ses conséquences sur le travail et les métiers, pour être à même d’être des interlocuteurs à part entière dans une négociation sur l’intégration de l’IA dans l’entreprise et l’administration.

Les points principaux traités

  • En premier lieu, des négociations sur l’emploi, que l’on retrouve dans un tiers des accords, en particulier quand ils sont situés dans un accord de GPEC. Y est posée la question de l’évolution des emplois et de leur adaptation par la formation. Dans le secteur finance-assurances, les syndicats mettent particulièrement l’accent sur le risque de substitution de travailleurs et d’automatisation. On le retrouve aussi dans les accords de l’industrie manufacturière ou des transports, alors que le secteur info-com envisage les défis du recrutement et de la concurrence dans le marché de l’emploi de son secteur.
  • Les textes comprennent aussi des paragraphes sur les dispositifs de lutte contre les discriminations, en particulier pour l’inclusion des travailleurs handicapés et des séniors. Car on a commencé à voir des biais dans les propositions de recrutement gérées par intelligence artificielle.
  • Est abordée aussi la question du télétravail, de la déconnexion et des risques de surveillance des télétravailleurs par l’IA pour que ne s’installent pas d’excès.
  • Et bien sûr, on retrouve l’enjeu de la formation des salariés à ces nouvelles réalités et au besoin de compétences nouvelles, en particulier dans la gestion des données et leur traitement, notamment dans les industries manufacturières.

Ces premières négociations et conclusions d’accords montrent que le dialogue social, faible jusqu’ici, est dans une phase de démarrage, qu’il questionne à partir des thèmes qu’il a déjà pratiqués et qu’il est fondamental d’insister sur les transformations du travail, des organisations du travail et des conditions de travail qu’engendre l’IA, car tout dépendra de la façon dont les travailleurs pourront se l’approprier.

Sources

  • Projet DialIA : Pour un dialogue social au service des bons usages de l’IA et d’une nouvelle étape de progrès social dans les entreprises et les administrations – Actuel-RH
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