« Faut que ça change. Quand on change tout s’arrange » écrivait Jean-Marie Bergère dans son édito d’Avril dernier en citant la chanson de Robert Charlebois.
Mais finalement, est-ce si grave de ne pas avoir de gouvernement ? Les lamentations médiatiques ont cherché à nous convaincre que la France était dans la pire des crises, que ces 51 jours sans Premier ministre empêchaient les citoyens d’agir, tandis qu’ils s’épanouissaient dans la belle réussite des Jeux Olympiques et Paralympiques. Lors d’une récente réunion de l’équipe de rédaction de Metis, nous nous souvenions en souriant que la situation économique de la Belgique n’avait jamais été aussi prospère que durant ses 571 jours… sans gouvernement !
Un récent entretien avec Vincent Tiberj (Le Nouvel Obs, 5 septembre 2024) s’attache à décrire les nombreuses possibilités d’une rentrée scolaire sans nouvelle loi, sans grands changements et sans grand discours de ministre (réputée « démissionnaire » !) Poursuivant un mouvement déjà bien entamé, c’est du terrain que viennent les initiatives et les changements, petits ou grands. Les fameux « groupes de niveau » qui avaient fait beaucoup causer et manifester les syndicats prennent des formes variées. « Cela donne à l’Education nationale un petit air d’anarchie, chaque établissement interprétant les réformes à sa manière : ici, des groupes creusant plus ou moins certaines compétences en fonction du profil des élèves ou de l’appétence des enseignants ; là, un seul groupe très resserré pour les élèves en très grande difficulté ; ailleurs une simple réduction d’effectifs au sein de classes restées hétérogènes. Bref le choc des savoirs s’est transformé contre toute attente en choc d’autonomie.»
Et si l’on poursuivait en redonnant la main au terrain, bien au-delà d’une énième réforme de l’école, bien au-delà de la décentralisation administrative, qui ne font que découper en tranches élèves et enseignants, salariés et demandeurs d’emploi, citoyens et habitants.
Et si l’on poursuivait en fabriquant moins de lois et de règlements, mais en les évaluant tout au long de leur mise en œuvre. Un exemple : Muriel Pénicaud a avec raison réussi à booster l’apprentissage mais la plupart des observateurs se sont très vite aperçus que cette réforme profitait essentiellement à l’enseignement supérieur, et en particulier aux écoles de commerce. A-t-on pour autant rectifié ? A-t-on vu des séances de l’Assemblée nationale consacrées à des évaluations ? A-t-on vu des députés rendre compte à leurs électeurs de leur travail dans l’hémicycle et de la manière dont s’appliquaient les lois qu’ils avaient peut-être votées ou combattues?
Le retour au parlementarisme n’est pas très rassurant à cet égard, et n’est certainement pas le signe majeur de la démocratie, pas davantage que le mode de scrutin à la proportionnelle qui achèvera de couper le lien des députés avec les citoyens, alors qu’ils sont déjà assez ténus. Mais ce sont là des sujets qui méritent plus que quatre lignes ou trois propos savants de constitutionnalistes. La démocratie engage aussi des initiatives, dans le travail où les marges d’autonomie sont si importantes, sur les territoires, dans des réseaux, dans des ONG, avec des possibilités de financements. Il y en a sans doute plus qu’on ne le croit dans notre monde si dérangé !
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