Le prix du baril de pétrole a chuté, le volume de production a été réduit, mais les pays du Golfe sont parmi les premiers détenteurs de liquidités au monde. Mehdi Dazi, ancien directeur général du fonds d’investissement émirati Emirates International Investissements Company, et associé de ECP Investments éclaire l’impact de la crise financière dans le Golfe.
Comment la crise est elle perçue dans les pays du Golfe ?
Les effets de la crise ne se font pas encore ressentir sur la consommation, mais devrait l’être très bientôt. Notamment parce qu’une grande partie des travailleurs sont des travailleurs étrangers, qui vont être victimes de la contraction de l’activité économique. Une contraction qui va mener à des pertes d’emploi. Ces expatriés viennent en partie d’Europe, mais surtout du sous-continent indien, en particulier de l’Inde et du Pakistan. Ces derniers souffraient déjà de la baisse relative des monnaies locales vis-à-vis les monnaies du GCC. Ces monnaies (comme les ryal qatarien, saoudien et omanais ou les dinar bahreïni, émiratis et koweïtien) sont en effet indexées sur le dollar. Depuis quelque temps déjà, ces personnes envoyaient moins d’argent vers leur pays d’origine.
Les locaux aussi vont aussi être touchés. Ils ont été très actifs en matière d’investissement et d’achat immobiliers ces dernières années. Profitant de « l’argent pas cher » en bénéficiant de crédits peu contraignant et à taux faible pour investir dans l’immobilier, ils se sont souvent endettés et donc ils vont vraisemblablement souffrir de la baisse brutale de la valeur des actifs dans lesquels ils ont investis avec effet de levier. Cette baisse ne tardera pas à être ressentie, d’ici la fin de l’année et au cours des deux premiers trimestres de 2009.
Quel est l’effet de la crise sur les économies du Golfe ? Faut-il s’attendre à un ralentissement de la croissance ?
Les économies du Golfe dépendent en partie des investissements internationaux. A moyen terme, la crise aura pourtant un effet limité sur leur croissance. L’ensemble des projets d’investissement dans l’infrastructure dans le Golfe devait atteindre 1,8 trillions de dollar et devrait revenir a 1,2 trillions de dollar. Même si les projets sont divisés par deux, les pays connaîtront une croissance à long terme. L’Arabie Saoudite pourrait être une exception, car elle devra financer des coûts sociaux élevés (éducation, protection sociale…) qui sont incompressibles. En effet, contrairement aux autres pays du Golfe, l’Arabie Saoudite possède une population nombreuse de 27 millions d’habitants. Elle peut faire face à ces coûts si le prix du baril ne descend pas en dessous de 15 ou 20$. Les autres pays moins peuplés vont en profiter pour renforcer leur système financier.
Quelle est la réaction des institutions financières des pays du Golfe ?
Le Golfe a souffert de la taille relativement petite de son système bancaire. Les institutions financières sont très exposées à l’immobilier local et les banques centrales ont donc dû garantir les transactions interbancaires pour rassurer les banques locales et régionales. C’est le moment idéal pour que les Etats du Golfe et les autorités financières consolident leur systèmes bancaires.
Quel est le rôle des fonds souverains exactement dans la crise ?
Ces fonds créés il y a 30 ans (au Koweït depuis 1953) capturent une partie de l’argent de la rente pétrolière, ponctionnée d’un certain pourcentage. A l’origine, ces fonds préparent l’après-pétrole. Ils fonctionnent plutôt bien, moins pour stabiliser des aléas du marché, que pour financer les investissements. Avec la chute du cours des bourses, la valeur totale de leur portefeuille a certes été impactée négativement, mais la perte n’est pas réelle, c’est juste une moins-value comptable.
Même s’ils ont été affectés par la baisse des valeurs boursières, leurs investissements restent constants, car ces fonds sont en position d’opportunisme idéal. Et ce, du fait du prix encore élevé du baril de brut. Les fonds reçoivent du cash des revenus pétroliers et gaziers qu’ils réinvestissent dans les entreprises et dans les marchés. La majorité de ces fonds souverains reste long en cash et sont dans une situation idéale pour profiter de la baisse des marchés. Néanmoins, ces fonds restent inquiets des niveaux de volatilité et seront de retour sur les marchés lorsque cette volatilité s’écrasera.
L’Arabie Saoudite fait partie des négociation du G20 qui vont se tenir ce week end. Est-ce qu’un nouveau paysage financier va se dessiner en faveur des pays du Golfe ?
Non, on s’aperçoit maintenant que le sytème bancaire et financier doit être mieux capitalisé, qu’il doit observer des règles plus solides. La réunion du G20 va faire le point sur la possibilité de mettre en place une gouvernance et régulation plus serrée. Le bilan finalement, c’est que les économies du Golfe et leurs investissements restent parmis les plus solides et les plus attractifs du monde meme si très dépendantes des niveaux des cours du barils de pétrole. Les réserves de liquidités des banques centrales et des fonds souverains restent importantes.
Propos recueillis par Clotilde de Gastines
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