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 Au Royaume-Uni, le travail n’est pas un sujet de mobilisation politique explique Steve Jefferys, Directeur du WLRI (Working Lives Research Institute) à Londres. En Europe, les Britanniques sont ceux qui travaillent le plus longtemps. Ils ont connu une situation de plein-emploi depuis 10 ans, avec un taux de chômage très faible. Or les chiffres ont explosé : 224 000 chômeurs supplémentaires en 3 mois, c’est du jamais vu depuis 1981.

 

Avec la crise, revient-on sur la doctrine libérale ?

Absolument pas. Les concepts de régulation et de protection sociale sont totalement absents des discours politique. Au Royaume-Uni, le travail en général n’est pas un élément de rhétorique politique. La pauvreté et les retraites, oui. Les politiciens britanniques ne tiennent plus de grands discours sur le travail depuis les grands conflits des années 1970 et 1980. Par contre depuis le début de la crise, un nouveau discours politique émerge, relayé par les journaux populaires. Les salariés du secteur public sont devenus la cible de critiques féroces. Traditionnellement les salariés du public sont plutôt mal payés pendant 40 ans, puis ils bénéficient d’une petite retraite (la moitié de leur traitement). Le seul avantage, c’est que ce revenu est assuré. Si le barème des traitements est revalorisé (de 4% en 2009, malgré la crise), les retraites le sont aussi. Les salariés du privé ont donc le sentiment que ce privilège est assuré à leurs frais.

 

En effet, la grande majorité des salariés du secteur privé a placé ses économies dans des fonds de pension, indexés sur les cours de la Bourse où ils ont perdu des sommes faramineuses. Cet effondrement a lieu au moment même où devaient commencer la première grande série de versements aux retraités. Auparavant, les gens du privé avaient des retraites plus élevées, aujourd’hui elles sont quasiment aussi faibles que dans le public.

 

Les conditions de travail font-elles tout de même débat ? Quelles nouvelles mesures ont été prises en compte dans la législation ?

Comme nous ne fonctionnons pas avec un code du travail, le droit du travail ne fait pas débat. Les conditions de travail au Royaume-Uni sont difficiles. Les salariés font de longues heures, ils sont souvent surexploités et n’ont pas de protection sociale forte, car les statuts professionnels sont faibles. Mais, les gens se contentent de ce qu’ils ont.

 

Pendant dix ans, il n’y a presque pas eu de grève. Le parti conservateur se demande pourtant s’il ne faudrait pas démanteler le droit de grève et instaurer un service minimum comme en France. On compte tout de même quelques grèves ponctuelles. A Lindsey, les salariés de Total se sont mobilisés pour empêcher l’arrivée de travailleurs étrangers moins cher payés. (lien)

 

Le rail et le métro londonien organisent des journées d’action. Le syndicat RMT (National Union of Rail, Maritime & Transport Workers) a même retiré son soutien au Parti Travailliste. Le parti conservateur vient d’accepter le salaire minimum, mais il est tellement bas, qu’il concerne très peu de personnes. (5,73£ qui montera à 5,80£  en octobre)

 

On va bientôt découvrir que comme les règles du chômage ont été durcies, certaines personnes ne percevront plus aucune indemnité dans 6 mois. Des quartiers entiers vont être touchés par une extrême pauvreté. Les tensions sont déjà sensibles.

 

La courbe du chômage a retrouvé son niveau de 1996 avec 2,22 millions de demandeurs d’emplois. (7,7%). Il devrait atteindre 3 millions d’ici la fin de l’année. Quelles sont les perspectives politiques à court terme ?

Travaillistes et conservateurs savent que le prix à payer va être lourd. La situation sociale est alarmante. Le Parti Travailliste répète à l’envi qu’il veut combattre la pauvreté, or un rapport récent montre que les inégalités de revenus n’ont jamais été aussi élevées. L’écart entre les plus riches et les plus pauvres s’est creusé même depuis 2004 sous le gouvernement travailliste. 20% des plus riches gagne 17 fois plus que 20% des plus pauvres.

 

Gordon Brown va probablement y laisser sa tête. S’il n’est pas poussé vers la sortie dès juin après les européennes, il tiendra peut-être jusqu’en mai 2010. Lors des élections du 4 juin prochain, il faut s’attendre à une abstention massive à cause des scandales des note de frais des députés. S’il y aura probablement une remontée du British National Party, et des Verts, espérons-le, la victoire des conservateurs semble courue d’avance. Leur programme politique équivaut à se séparer de l’Union européenne autant que possible. Si le traité de Lisbonne n’est pas ratifié par l’Irlande et n’entre pas en vigueur d’ici la fin de l’année, les conservateurs estiment qu’ils pourront revenir sur les termes du traité de Lisbonne.

 

Repères :

Population : 61 270 300

PIB/hab : 29 100 Euro (- 1,9% au premier trimestre)

Revenu moyen annuel : 25 000 £

7,2 millions de personnes âgées de + de 70 ans.

Retraite moyenne annuelle : 31% du revenu moyen. Taux le plus bas d’Europe.

2,5 millions de personnes âgées vivent avec moins de 60% du revenu moyen national

Avril 2009 : 7,7% de chômage (2,22 Millions de chômeurs)

20% des plus riches gagne 17 fois plus que 20% des plus pauvres

 

Voir aussi :

Le guide à l’usage des Britanniques : Sauvez votre retraite (Rescue your Pension)

Le rapport sur les retraites de Jon Henley publié dans The Guardian, le 19 Décembre 2008 (en anglais)

 

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