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par Metis

Les premières secousses de la crise financière actuelle sont relatives estime Michal Kurtyka, directeur de BPI Polska. Les Polonais gardent plutôt en mémoire le séisme économique et social de 1989.

 

pologne interim

Michal Kurtyka, vous dirigez BPI Polska, et vous êtes spécialisé sur la conduite du changement en Europe Centrale. Comment est perçue la crise en Pologne ?

Elle paraît bien mineure par rapport au séisme de 1989. Le 4 juin 1989, la Pologne connaissait ses premières élections semi-libres. L’opposition entrait au gouvernement et la grande transition débutait. Ce qui a marqué l’esprit collectif chez nous c’est ce tremblement de terre de 1989 et des années qui ont suivi. La production industrielle a plongé, et le pouvoir d’achat aussi. Il a fallu 8 ans pour retrouver un niveau de vie comparable à celui de 1989. Nos esprits n’ont pas encore oublié cette période. Ce qui reste dans la mémoire c’est qu’il faut se débrouiller et rester flexible. La crise actuelle est vécue avec distanciation que ce soit sous ses aspects matériels ou du point de vue du débat politique.

 

L’idée de refonder le capitalisme a-t-il un écho dans le pays ?

Une enquête internationale récente a montré que les Polonais étaient parmi les derniers des principaux pays industriels à penser que la crise allait changer quelque chose ou qu’il faudrait revenir à un rôle accru de l‘Etat. La crise passagère du capitalisme n’est pas comparable pour nous à celle des années 89. Le pays n’a pas encore les capacités intellectuelles pour aborder les grandes questions du monde : il essaie avant tout de résoudre les siennes.

 

Sortir de la crise fait-il sens alors ?

Pour parler de sortie, il faudrait qu’il y ait une entrée ! Or de ce point de vue le pays est très différent de la plupart des pays européens : il a connu une croissance positive du PIB au premier trimestre 2009, alors qu’il régresse presque partout. L’Etat polonais prend des mesures anti-crises inverses de ce qui a été fait ailleurs puisqu’il a décidé de réduire fortement les dépenses publiques. Même si on commence à sentir la montée du chômage et des licenciements collectifs, la crise n’est pas installée dans les esprits. Je crois même qu’elle est vue comme une sorte opportunité, et pas comme un danger. Quand on regarde ce qui s’est passé lors de la crise de 1929, on peut observer que certains pays, comme la Suède à l’époque, ont su en tirer profit, se sont réformés et en sont sortis gagnants.

 

Chez nous la crise arrive au moment où les fonds européens affluent, où la demande et la consommation intérieures augmentent, et où, contrairement à leurs voisins, les Polonais se sont peu endettés. Notre pays exporte des produits et services plutôt bas de gamme et la crise provoque chez nombre de consommateurs une substitution de produits peu chers aux produits chers. Ceci dit, si la Pologne croit échapper à la crise actuelle, elle pourrait bien être victime de la prochaine: elle risque de se doper aux fonds européens et aux produits « low cost » alors qu’il lui faudrait être beaucoup plus innovante, produire plus de valeur ajoutée. En d’autres termes il lui faudrait savoir passer d’une économie efficace à une économie innovante.

 

Les Polonais réfléchissent-ils à nouveau mode de croissance, à un capitalisme plus éthique ?

L’opinion publique est loin d’être autant préoccupée par l’« économie verte » que celles de l’Ouest du continent. Ceci dit, la Pologne a signé en 2008 le paquet énergie-climat qui prévoit d’avancer vers une économie à faible teneur en carbone. Or, la Pologne est une vraie dévoreuse de carbone. La production électrique nationale dépend à 93% du charbon ! Ce « paquet » va non seulement influencer le secteur de l’énergie, mais aussi celui des ciments, de la construction et d’autres activités énergivores. Le grand risque c’est que notre ré-industrialisation, amorcée après les années 90, soit freinée. Mais je ne doute pas que la Pologne doive affronter une nouvelle révolution industrielle. Quant à l’éthique, c’est pour nous d’abord tenir nos engagements, payer les salaires, les impôts, respecter les gens. Pas moins, mais pas plus ! Il y a un mouvement émergent de la responsabilité sociale des entreprises en Pologne, mais qui contrairement à ce qui se passe ailleurs ne met guère l’accent sur la responsabilité à l’égard des salariés ou à l’égard des territoires et communautés locales.

 

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