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Avez-vous entendu parler du « Rapport sur l’avenir de l’Europe en 2030 » ? Il s’agit des conclusions du « groupe de réflexion » mis en place fin 2008 par le Conseil européen et présidé par Felipe Gonzalez. Remis le 9 mai dernier à Herman Van Rompuy, ce rapport a été largement escamoté par la crise de l’euro.

 

groupe reflexion

Les douze sages du groupe de réflexion étaient chargés d’analyser les enjeux et défis auxquels l’Europe pourrait être confrontée à l’horizon 2020-2030 et de proposer des solutions et pistes concrètes pour y répondre. La présentation du rapport au Conseil du 17 juin lui donnera probablement un peu plus de visibilité.

 

Pour un exercice du genre, ce rapport est intéressant, riche de propositions, parfois provocantes, et pourtant résultat de compromis entre des membres aussi différents que Vaira Vike Freiberga – que Metis avait interviewée en 2009 et qui avait déjà dénoncé le peu de solidarité européenne – Nicole Notat, Lech Walesa ou Mario Monti. Il décevra ceux qui auraient souhaité que les enjeux sociaux et environnementaux soient davantage explorés ou que les institutions politiques soient interrogées. Celles-ci étaient explicitement hors sujet, le groupe devant conduire ses réflexions dans le cadre du traité de Lisbonne. Le rapport donnera sans doute lieu à polémiques, tant mieux, car si les acteurs s’en emparent c’est qu’il aura été utile. Rappelons qu’il s’inscrit délibérément dans le cadre et l’objectif « d’une économie sociale de marché hautement compétitive ». On trouve donc des propositions de solutions cohérentes avec l’objectif. Même si les dénonciations des dérives du système financier ne manquent pas, il ne s’agit évidemment pas d’une critique du capitalisme ou d’une étude prospective libre et sans entrave sur un nouveau projet européen à l’horizon 2030.

On pourrait résumer le rapport en quelques mots, les Européens doivent agir ensemble, sinon l’Union européenne se marginalisera.

« l’Europe se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire. Nous ne surmonterons les défis qui nous attendent que si tous, responsables politiques, citoyens, employeurs et salariés, nous sommes capables de nous rassembler autour d’une vision commune nouvelle, définie en fonction des impératifs de notre époque ».

Le rapport est émaillé de preuves diverses sur le déclin probable de l’Europe si « l’agir ensemble » ne se substitue pas aux intérêts nationaux et si les réformes de gouvernance ne sont pas rapidement mises en œuvre. Pour autant, si le rapport est alarmiste, ce n’est pas l’œuvre de déclinologues. Les douze sages sont optimistes, pour autant que l’on se donne les moyens d’utiliser les nombreux atouts dont dispose l’Union européenne.

 

Zoom sur quelques propositions parmi beaucoup d’autres

 

Réformer le marché du travail pour créer davantage d’emplois de meilleure qualité.
« Les États membres devraient s’attacher à améliorer trois aspects fondamentaux de leur marché du travail: la flexibilité et la sécurité de la main-d’oeuvre (« flexicurité »), la mobilité des travailleurs ainsi que la culture et les pratiques de gestion des entreprises. Il convient également d’augmenter le taux de participation de la main-d’œuvre.
Dans un monde en mutation rapide, ce ne sont pas les emplois qui doivent être protégés, mais bien les personnes qui perdent leur emploi, au moyen d’un renforcement de leur employabilité. La « flexicurité » est le meilleur moyen d’assurer cette protection, en permettant aux travailleurs de tirer parti des évolutions du marché du travail et d’accéder à des emplois de meilleure qualité. Cette approche repose essentiellement sur la capacité des travailleurs à acquérir des compétences et à les faire évoluer au cours de leur vie, conjuguée à la possibilité de s’en prévaloir au sein d’un même État membre ou dans un autre État membre
».
On pourra regretter que la flexicurité, concept valise de bonnes intentions et de traductions ou pratiques pour le moins diverses quant à leur dimension de flexibilité et de sécurité, reste par trop indéterminée. L’article récent de Laurent Duclos « la flexicurité et la question des sécurités adéquates » donne un éclairage fort intéressant sur le sujet.

 

Faire converger les politiques économiques des Etats. Il s’agit :
« de confier au Conseil européen la responsabilité de piloter la coordination économique,
de renforcer les procédures de surveillance des budgets nationaux afin de garantir la transparence ainsi que la viabilité des finances publiques,
de renforcer et étendre les responsabilités de l’Eurogroupe en matière de coordination pour ce qui est de la gestion interne et externe de l’union monétaire,
de renforcer la coordination macro-économique, en y incluant la dette privée et la balance des paiements,
de renforcer la crédibilité budgétaire globale en créant un instrument financier pour faire face aux crises inattendues
. »
Toutes propositions qui ont connu un tout début de concrétisation lors du sommet européen du 9 mai sur la crise de l’euro, non sans mal et devant le précipice.

 

Combler le retard que l’Europe prend dans la course aux compétences, notamment au regard des progrès considérables effectués par des pays émergents comme la Chine ou l’Inde. Entre autres propositions :
« développer l’autonomie administrative et financière des universités… car c’est le moyen le
plus efficace d’augmenter le financement privé destiné à l’enseignement supérieur,
corriger le décalage entre l’offre et la demande de compétences spécialisées doit devenir l’une des principales priorités du système éducatif
»
« investir 3% du PIB dans la recherche et Développement et créer une « Union pour l’innovation » »

 

Adopter une approche proactive en matière de politique d’immigration, c’est à dire :
« changer d’attitude vis-à-vis de l’immigration. Trop souvent, elle est perçue comme un fardeau à porter plutôt que comme une chance à saisir. D’ici 2050, il faudrait un gain net de 100 millions de personnes environ pour combler le déficit démographique de l’Union.
Il convient également d’élaborer une approche commune concernant les immigrants illégaux. L’UE doit aplanir les incohérences entre les politiques et les attitudes des États membres à l’égard des personnes n’ayant pas légalement accès au marché du travail.
»

 

Pour sortir définitivement de la crise
« Nous devons continuer à mettre en oeuvre les mesures de relance budgétaire, jusqu’à ce que nos économies soient en mesure de fonctionner de manière autonome. En mettant trop rapidement un terme aux dépenses, nous pourrions enrayer la reprise. Notre principale priorité doit rester la création d’emplois et la croissance. »

 

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