La Suède a opté pour développer l’assistance à domicile. Objectif : avoir une offre de soins plurielle et concurrentielle. A-t-elle pour autant amélioré la qualité du soin ?
Les services médico-sociaux pour les personnes âgées sont un élément important de la politique de bien-être suédoise. Sur les 9,3 millions d’habitants de la Suède, 18% ont plus de 65 ans et sont retraités. Ce pourcentage devrait passer à 23% d’ici à 2030, date à laquelle on estime qu’environ un Suédois sur cinq aura atteint l’âge de la retraite. Parmi les Suédois de 85 ans et plus, 51% estiment être en bonne santé. C’est le pourcentage le plus élevé d’Europe, la Grande-Bretagne venant en deuxième place (47%).
La majeure partie de la prise en charge des personnes âgées est financée par l’impôt local et les dotations de l’État. En 2008, le coût total de la prise en charge des personnes âgées s’élevait à 91,8 milliards de couronnes suédoises (SEK-l’équivalent de 98 milliards €). La part financée par des redevances n’est que de 4%. Les dépenses de santé restant à la charge des personnes âgées elles-mêmes sont subventionnées suivant un barème déterminé.
« La privatisation des soins aux personnes âgées constitue un changement considérable du modèle suédois de protection sociale, explique Gun-Britt Trydegård, chercheuse au département de travail social de l’université de Stockholm. L’évaluation systématique de la question est encore très parcellaire, pour ne pas dire non-existante ».
Qualité du soin problématique
« À Stockholm, la privatisation des soins aux personnes âgées a été particulièrement intense. La seconde vague de privatisation commence maintenant, chaque personne âgée va disposer de « bons » et choisir son prestataire. C’était déjà le cas à Stockholm, mais le gouvernement va l’étendre à toutes les municipalités suédoises », précise-t-elle.
Dans un travail mené conjointement avec Marta Szebehely, Gun-Britt Trydegård cite une évaluation dans laquelle les représentants de la capitale et des compagnies de soins privées défendent ce nouveau modèle de soin, argumentant que la qualité des soins à domicile s’est nettement améliorée. Mais les dépenses publiques ont augmenté à cause des coûts d’administration plus élevés. De plus, les soignants ont en moyenne des temps de parcours plus important entre deux patients.
Une enquête de satisfaction a récolté en 2008 l’avis de 11 000 personnes soignées à domicile à Stockholm. Elles n’ont pas perçu d’amélioration des services entre le privé et le public. Cette même enquête menée cinq fois depuis 1995 montre au contraire une baisse continuelle du taux d’utilisateurs « très satisfaits » sur la qualité générale des soins à domicile, qui passe de 45 à 36 %. Ainsi, la mise en concurrence des offres de soins n’a pas pour autant amélioré la qualité du soin.
Concernant les soignants et leur environnement de travail, Rolf Gustafsson et Szebehely ont questionné les salariés du privé et du public dans différentes municipalités suédoises. Ils n’ont pas trouvé de différences systématiques et claires entre les appréciations de ceux du privé avec ceux des collectivités locales. Le management public ou privé des soins à domicile n’est donc pas un facteur influant sur les situations de travail.
Repère
En 2008, l’espérance de vie était en Suède de 78,6 ans pour les hommes et de 83,2 ans pour les femmes. Parmi les pays membres de l’Union européenne, la Suède compte la plus forte proportion de personnes de 80 ans et plus, au total 5,3% de la population. Les personnes de cette tranche d’âge sont de plus en plus nombreuses à être en bonne santé et leurs besoins d’aide ont baissé en conséquence depuis les années 1980.
Lire
– Les réformes des services de soins suédois dans les années quatre-vingt-dix. Une première évaluation de leurs conséquences pour les personnes âgées[1] in Revue Française des Affaires sociales, 2003/4 (n° 4)
– Gustafsson et Szebehely, Outsourcing of elder care services in Sweden:effects on work environment and political legitimacy. In King & Meagher, 2008, Paid Care in Australia: Politics, Profits, Practices. Sydney University Press.
– Assemblée Nationale – Rapport d’information de la commission des finances n° 3784 sur la pertinence d’un modèle de santé nordique : le Danemark et la Suède (M. Gérard Bapt)
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