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Flashback : le 27 février 1953 à Londres, les Alliés, dont la Grèce, signent avec le chancelier Adenauer de nouvelles modalités de remboursement de la dette allemande issue du traité de Versailles de 1919.

 

euro grec

La seconde guerre mondiale avait mis fin aux remboursements. L’Allemagne de 1945 était occupée, le pays n’existait plus. Les deux Allemagne crées en 1949 avaient d’autres priorités que d’assumer l’héritage des dettes du Reich. En 1951, le chancelier ouest allemand propose aux Alliés l’ouverture de négociations pour parachever le remboursement d’une dette toujours en suspens. Il veut ancrer la RFA dans l’Histoire de l’Allemagne et restaurer la confiance en un pays qui pourrait à nouveau emprunter pour alimenter ce qui deviendra le miracle allemand. Encore faut-il que le coût ne soit pas trop élevé. Les Alliés sont attentifs à la poursuite de la reconstruction et en Europe de l’Ouest, le traité de Rome est en chantier. Il ne saurait être question pour ses fondateurs d’entraver l’essor économique de la RFA.

 

Les accords de Londres vont réduire de moitié le poids total de la dette. Pour l’anecdote, la RFA avait refusé de payer certains intérêts qu’elle estimait dus par la RDA. Une clause avait alors été ajoutée à l’accord, clause à laquelle personne ne croyait à l’époque, soumettant le paiement de ces intérêts à la réunification de l’Allemagne. En octobre1990, l’Allemagne à nouveau réunifiée reprend ses remboursements (au taux de 3%), le solde interviendra en octobre 2010, près de cent ans après la guerre de 14 !

 

Quel rapport entre la dette allemande de 1953 et la dette grecque actuelle ? Pas grand-chose, si ce n’est deux protagonistes à front renversé, ironie de l’Histoire. D’un point de vue financier ou économique, les situations ne sont pas comparables, mais il est une autre différence majeure, dont l’absence aujourd’hui est patente. La négociation de 1953 était politique, au sens plein du terme, et les considérations y présidant embrassaient large, ce n’était pas qu’une affaire financière, même si les Alliés n’étaient pas tous d’accord entre eux sur les modalités pratiques à mettre en œuvre. Le chancelier Adenauer associait à sa stratégie une vision de long terme, les Alliés étaient attentifs au sort économique d’une Allemagne aux frontières du bloc soviétique et six pays préparaient les fondations de l’Union européenne. Ce grand dessein n’était pas étranger aux conditions favorables qui allaient être accordées à l’un d’entre eux.

 

En ces temps actuels de crise, le passé du continent s’estompe, de même que les raisons qui avaient conduit Jean Monnet ou Alcide de Gasperi à créer l’Europe. Les responsables semblent ne réagir qu’en financiers préoccupés de leur pré carré, soucieux de gagner du temps, alors qu’on les attend en politiques, visionnaires et Européens.

 

Comment la troïka BCE, Commission, FMI a-t-elle pu infliger aux Grecs une potion qui, loin de traiter le mal, n’a fait que l’empirer ? Comment les gouvernements européens ont-ils pu envisager de prêter à la Grèce en s’octroyant au passage un bénéfice substantiel ? Comment ont-ils pu injurier l’avenir au risque de faire payer à tous les Européens mais surtout aux plus fragiles et aux jeunes générations une addition exorbitante ? La faute aux institutions, la faute aux élections permanentes, la faute aux égoïsmes nationaux… D’autant qu’il est aisé de récrire l’histoire après coup. Néanmoins, on ne regrettera pas toujours que les gouvernants soient remerciés par les électeurs les uns après les autres.

 

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