5 minutes de lecture

46 propositions pour réguler les multinationales

publié le 2012-06-27

 De nombreuses entreprises multinationales sont régulièrement pointées du doigt pour leurs abus en termes de droits sociaux ou environnementaux. Leur puissance et leur complexité organisationnelle leur permet en effet de contourner plus facilement des réglementations encore trop souvent inadaptées à la nature et à l’échelle de leurs activités. Or, les efforts de « responsabilisation » menés jusqu’à maintenant au niveau international, notamment par l’OCDE, peinent à se montrer efficaces. Forte de ce constat, l’ONG Sherpa publiait fin 2010 une série de 46 propositions visant à repenser la régulation des entreprises multinationales.

  

Ill sherpa

Parmi celles-ci, la question de la responsabilisation des entreprises transnationales (ETN) vis-à-vis de leurs « parties prenantes externes » occupait une place centrale. À l’heure actuelle, d’un point de vue légal, seule leur responsabilité en tant que personne morale peut être invoquée par des tiers lésés – et encore, de façon limitée. L’ONG proposait dès lors d’étendre la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales à tous les pays, et de l’assortir de sanctions suffisamment dissuasives pour en assurer l’efficacité. 

 

Mais elle suggérait surtout d’aller au-delà de cette seule mise en cause des personnes morales pour inclure celle des personnes physiques qui les constituent et qui y prennent les décisions. À commencer par les dirigeants donc, dont elle voulait voir la responsabilité civile et pénale engagée en cas de non-respect d’une nouvelle « obligation de comportement générale » à définir, à laquelle se rattacheraient « des obligations corrélatives, notamment l’obligation de reporting social et environnemental ». De même, elle souhaitait voir la responsabilité des actionnaires engagée en cas d’infraction, cette responsabilité étant « fondée sur leur détention, voire leur exercice, du pouvoir dans la société ». Enfin, elle suggérait également de « responsabiliser chaque salarié sur l’impact de sa fonction en termes de développement durable », notamment en incluant les dispositions des codes de bonne conduite dans le sillage des règlements intérieurs des entreprises ou encore en adaptant les modalités de rémunération des salariés en fonction de critères sociaux et environnementaux. 

 

Prévenir pour mieux guérir

À côté de ces propositions légales plus ou moins consensuelles, Sherpa avançait également des solutions incitatives d’application plus immédiates. Rappelant notamment le formidable levier que peut constituer l’attribution de marchés publics, elle suggérait ainsi d’en interdire l’accès aux entreprises dont les performances extra-financières seraient jugées insuffisantes. Cela pourrait être déterminé sur la base des impacts ESG de ces entreprises, mais également des niveaux d’imposition effectifs globaux des groupes concernés, permettant ainsi de lutter contre les stratégies d’évitement fiscal.

 

L’ONG proposait également de favoriser un maximum l’orientation systématique des investissements financiers vers des projets conformes aux objectifs de développement durable. Pour ce faire, elle suggérait d’exiger des « objectifs chiffrés en la matière, associés à chaque projet d’investissement » ou encore « d’appeler [les banques] en garantie du paiement des indemnités dues aux victimes d’un dommage, lorsque celui-ci a été provoqué par un projet qu’elles ont financé ».

  

Enfin, le contrôle externe des activités des ETN est aussi un enjeu clé. Ces contrôles existent, mais ils sont trop souvent le fait d’acteurs éparpillés, aux méthodes multiples et parfois contradictoires. Sherpa suggérait donc de « créer, sous l’égide d’une organisation internationale (l’ONU, voire l’OMC), un réseau international de parties prenantes présentant toutes les garanties de compétence, de représentativité et d’éthique ». À l’appel des entreprises, des autorités de surveillance ou encore des ONG, cette nouvelle instance pourrait se livrer à des enquêtes de terrain visant à évaluer les performances sociales et environnementales et faire des recommandations en cas de manquements dans ces domaines.

 

Du pain sur la planche

Si la crise a mis à mal le mythe de l’autorégulation, « l’inertie est encore de mise » en matière de RSE. Du moins si l’on en croit Yann Queinnec, un des auteurs du rapport, interrogé près d’un an après sa sortie par l’hebdomadaire Alternative Économique. Le juriste pointait notamment la persistance d’une « sémantique donnant la primeur à l’autorégulation », la suspicion de protectionnisme et l’existence des paradis fiscaux comme principaux obstacles à la mise en place d’une régulation efficace des ETN. Et ce n’est pas le G20 de cet année, au Mexique, qui semble décidé à s’y attaquer…

Print Friendly, PDF & Email
+ posts