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Belgique : l’intégration sociale n’est pas une affaire de nationalité !

publié le 2013-05-17

En Belgique, les Centres Publics d’Action Sociale (CPAS) constituent le dernier rempart dans le système de protection sociale. Ces structures locales sont en charge de la mise en œuvre du droit à l’intégration sociale et à ce titre versent notamment un revenu minimum aux personnes privées d’autres droits, mais elles fournissent également d’autres services allant de la médiation de dette à la réinsertion socio-professionnelle. En 2012, le Gouvernement fédéral s’est interrogé sur leurs pratiques concernant l’intégration sociale des personnes d’origine étrangère. Ramón Peña-Casas, chercheur à l’Observatoire social européen (OSE), a coordonné le volet francophone (Wallonie-Bruxelles) de l’enquête nationale menée sur le sujet. Les conclusions qu’il en tire nous en apprennent autant sur le clivage communautaire belge en la matière que sur la réalité concrète d’une intégration souvent ramenée à des « modèles » réducteurs.


integration bruxelles

Quel était l’objet exact de l’étude que vous avez menée ?
On nous a demandé de mener une enquête exploratoire sur les pratiques des CPAS en matière d’intégration sociale des personnes d’origine étrangère. Deux problèmes sont rapidement apparus concernant la population et le type d’intégration visés. Le terme « personnes d’origine étrangère » a finalement été retenu pour englober les Belges d’origine étrangère, les résidents « légaux » inscrits au registre des étrangers et enfin les demandeurs d’asile. Nos commanditaires n’étaient pas très chauds pour intégrer cette dernière catégorie à l’origine. La question de l’accueil des demandeurs d’asile est extrêmement délicate en Belgique. Par ailleurs, elle faisait intervenir des enjeux organisationnels et humanitaires qui dépassaient l’ambition initiale de l’enquête, sans compter que l’incertitude légale dans laquelle se trouvent ces personnes complique singulièrement tout projet d’intégration sociale. Néanmoins, les CPAS interrogés sur leur pratique concernant l’accueil des personnes d’origine étrangère commençaient presque toujours par évoquer les demandeurs d’asile. Les autres catégories étaient très peu évoquées, ce qui laissait penser qu’elles ne faisaient pas l’objet de dispositifs particuliers.

 

Vous avez également mentionné une ambiguïté concernant le type d’intégration visée ?
La Flandre a une vision plutôt anglo-saxonne de l’intégration, elle raisonne en termes de « publics cibles ». Dans la lignée de pays comme les Pays-Bas ou le Danemark, elle s’est d’ailleurs dotée d’une politique contraignante en matière d’accueil des étrangers (l’inburgering, que l’on pourrait traduire par « encitoyennement »), qui consiste en des cours de langue et de civisme obligatoires, accompagnés de dispositifs d’activation pour intégrer le marché du travail. À l’inverse, la Wallonie et Bruxelles s’inscrivent davantage dans la tradition française d’universalité et d’approche territoriale. La Wallonie a récemment décidé de mettre en place son propre « parcours d’intégration », mais il ne sera pas obligatoire et l’idée même continue de faire l’objet d’âpres débats, là où l’inburgering flamand semble plutôt faire consensus au Nord du pays. L’étude sur les CPAS répondait donc surtout à des préoccupations flamandes (les représentants wallons et bruxellois ont d’ailleurs systématiquement boudé les réunions de suivi !) et la distinction que nous souhaitions claire entre intégration civique et intégration sociale était loin de l’être dans la tête de nos commanditaires. Elle l’a néanmoins été au niveau des résultats obtenus.


C’est-à-dire ? Quelles sont les principales conclusions de l’enquête ?
Si on laisse de côté la question des demandeurs d’asile dont la situation appelle inévitablement un encadrement particulier, il ressort de notre enquête que la question de la nationalité n’intervient pas dans les pratiques d’intégration sociale des CPAS, et ce au Nord comme au Sud, si ce n’est dans le cadre d’une appréciation individuelle des besoins de telle ou telle personne (apprentissage de la langue, aide à l’emploi, etc.). C’est donc ici, et seulement ici, que la question de l’intégration sociale croise celle de l’intégration civique, avec des différences Nord/Sud en termes de ressources puisque les CPAS flamands ont massivement recours aux infrastructures de l’inburgering pour ce type de programmes, là où les Wallons ont davantage recours à des solutions bricolées localement (la Région bruxelloise offre un mixte de ces deux situations). L’opposition (par ailleurs réductrice) entre les « modèles d’intégration » flamand et francophone relève donc davantage de la politique régionale et elle concerne avant tout l’intégration civique. Au niveau de l’intégration sociale, la démarche est beaucoup plus concrète, locale. Elle tient compte avant tout des individus, sans distinction de nationalité, ce qui est plutôt une bonne chose. Ce qui importe pour les CPAS du Nord comme du Sud du pays c’est l’intégration sociale des individus, leur origine n’important qu’en tant qu’élément particulier de leur situation impliquant des modalités d’action particulières pour favoriser leur intégration sociale (cours de langue, éducation,…).

 

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