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par Victor Castellani

Victor Castellani reprend ses chroniques interrompues depuis l’été dernier. Et n’y va pas de main morte. Car depuis « Le haut et le bas du panier » et « Ce qui pète et rouspète », il s’en est passé des choses autour du Vieux Port….

 

marseille

 

Ça fait un moment que je suis resté silencieux, j’en conviens. C’est pas que je n’avais rien à dire, hein ! Car ici à Marseille même quand on n’a rien à dire, on en cause quand même. C’est pas non plus parce que rien n’est à signaler autour de La Canebière, de Ste Marthe ou des Baumettes. C’est même le contraire : on croule, je devrais dire on s’écroule, sous les affaires et événements de toute nature. Mais bon l’été chez nous c’est sacré. Et franchement, face au Frioul, un pastaga sur la table et des potes autour de vous, la chronique pour Metis, ça ne valait pas une panisse.

Avec la rentrée, j’ai quand même pensé à vous. Ça ne pouvait plus durer. Et là, je me suis décidé. Car en quelques jours la ville a changé. Ça fait pourtant des années, des décennies qu’on s’était habitué au bordel, au laxisme, au clientélisme, au guérinisme, au gaudinisme, à l’islamisme, et au je-m’en-foutisme. Et crac, y a eu les effondrements de la rue d’Aubagne. Et nous aussi ça nous a effondrés. Tourneboulés. Indignés. Les manifs, ça faisait un bail que j’y allais plus. A quoi bon ! Y en a tellement. Et pour quel résultat ? Mais cette fois avec Emile, Micheline et les potes de pétanque, on s’est dit, on y va. Des milliers qu’on était pour marcher vers le vieux port. Y en a même qui ont crié « Gaudin assassin ».

Moi Jean-Claude je l’aimais bien. J’avais pas voté pour lui ni pour les autres d’ailleurs. Je ne vote plus depuis Gaston je crois et toute cette comédie j’en ai plus grand-chose à foutre. Mais là c’est sûr que c’est allé trop loin. Il a laissé le centre pourrir. Y en a eu que pour le Mucem, Euroméditerranée, les touristes et les riches. Pour lui « immobilier » ça n’a jamais rimé avec « quartier » et encore moins avec cité. Coupable peut-être pas, mais irresponsable ? Ça fait quand même 22 ans qu’il est là, peuchère. Moi je serai lui, je n’hésiterai pas. Je démissionnerai. Et tout le conseil municipal avec. Je demanderai même à placer la ville sous tutelle, comme en 1939 après les incendies. Ceci dit, avec tout ce qu’il y a à rattraper, et la dette qu’on se trimballe, ça va pas être facile. Mais place aux jeunes. Même si ça ne règle rien en soi. On l’a vu avec Jupiter et ses marcheurs.

J’y reviens d’ailleurs. Notre marche à nous, ce fut une belle manif. Grande et digne. Le dimanche suivant, ça a continué. La minute de silence au Stade Vélodrome avant le match contre Dijon, j’en ai eu la larme à l’œil. On aurait entendu une mouche voler. Dans le virage sud, à moitié vide pour cause de fumigènes et d’interdiction de l’UEFA, les Ultras ont été extras. Ils ont réussi à mettre une banderole d’au moins 80 mètres : « Les Ultras partagent la douleur des habitants du quartier de Noailles. Interdits, mais solidaires ». Et les Winners avaient aussi la leur. Tout le stade a applaudi. Ça ne nous a pas empêchés ensuite de hurler, trépigner, trembler, espérer, chanter. Fallait bien supporter l’OM qui, je dois l’avouer, n’est pas au top depuis le début de saison. Alors malgré les circonstances, on s’est lâché « C’est nous les Marseillais et nous allons gagner » Et même à plusieurs reprises nos « Oh hisse, enculés! » qui sont pas très très LGBT.. Et ça a payé ! On leur a mis 2-0 aux mecs de Dijon. Fallait qu’on gagne, qu’on réussisse au moins un truc.

D’ailleurs, ça n’a pas été le seul. Depuis la fin octobre, ils ont enfin ouvert la L2. C’est le nom de la bretelle d’autoroute qui nous permet d’aller d’Aubagne à Aix sans passer par le centre. 87 ans que le projet était dans les cartons, vous imaginez ! Ça a pris le temps comme souvent à Marseille, mais maintenant ça nous change la vie ! Je vous entends déjà bande de bobos, d’écolos, fans de Hulot et d’Hidalgo. Je vois d’ici vos gueules navrées et consternées. Se réjouir d’une autoroute en 2018, pauvres ! En plein réchauffement climatique. Alors puisque vous m’avez déjà catalogué, je vais tout vous lâcher. J’ai une bagnole que je bichonne. C’est un diesel. Je l’ai acheté il y a des années, à l’époque où on nous avait encouragés. Ah et puis tant que j’y suis, je continue à cloper. Des cigarettes à rouler. Et parfois même un petit joint. Alors les Parigots à la Griveaux je les emmerde. Eux, ils ont tout, un métro qui va partout, des trams, des trains et même des bus qu’il ne faut pas attendre des heures. Ici, on est ailleurs. Deux lignes de métro qui n’ont pas bougé depuis 30 ans, des trams limités au centre, des bus bondés dans la journée, rarement à l’heure, supprimés pour un oui ou pour un non, et qui pour la plupart s’arrêtent à 20h. Des Aygalades ou de la Palouse à Endoume, il nous faut parfois plus d’une heure. On n’a pas le choix. Quand on aura des transports publics du même niveau, on pourra peut-être causer. Mais en attendant, foutez-nous la paix, bordel.

D’ailleurs depuis le 17 novembre, vous faites moins les malins. Les Gilets jaunes, ça vous la coupe, hein ! Pas massif, mais plus nombreux que les syndicats. Sans compter tous ceux qui nous soutenaient du fond de leurs pavillons. Les bourrins, ils s’y sont mis au numérique. Et depuis chez eux, ça craint déguin tant dis que vous…. c’est profil bas. Ça vous a même foutu les chocottes. Vous nous dites qu’on se fait récupérer. Qu’il faut dialoguer, concerter, expliquer, raisonner. Fallait p’tet y penser avant les gars, vous croyez pas ? Il paraît que votre grand truc aujourd’hui c’est la bienveillance. Eh ben allez-y ! Commencez par nous considérer, par nous respecter, bordel ! On pourra ensuite bienveiller et même causer. Faut pas croire qu’on est con, qu’on est des inconscients de la planète. Mais c’est plus facile de se convertir quand on gagne 5000 euros par mois et qu’on vit pépère sans se coltiner au quotidien, la route, les péages, les parkings, et pourquoi pas une écotaxe tant qu’on y est !

Bon c’est sûr qu’aujourd’hui j’suis colère. Des raisons j’en ai plein mon sac. Et j’avais besoin de le vider. On a le sang chaud, vous le savez bien. Et la Bonne mère, elle nous comprend. Elle en a vu d’autres. Pour les solutions, j’espère qu’elle ne nous laissera pas tomber. On n’est pas fermé. Et si vous avez des idées, à Paris ou ailleurs, eh ben venez nous en parler. Je connais un petit restau à l’Estaque où on vous accueillera avec plaisir. Un p’tit coup de TGV, un p’tit verre de rosé et vous verrez la colère c’est comme le mistral, ça monte fort et ça descend vite !

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