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Tout en s’appuyant sur un modèle différent de celui de l’École 42 fondée par Xavier Niel en 2013, WebForce3 s’inscrit dans ce vaste mouvement né dans l’univers de la « Tech » et qui semble s’abstraire du modèle scolaire traditionnel par les publics qu’il recherche et les pédagogies innovantes qu’il propose, mais qui au final accompagne utilement les efforts du système formel d’éducation et de formation. WebForce3 a accepté de répondre à nos questions.

WebForce3 est un organisme de formation aux métiers du numérique créé en 2014 par Alain Assouline avec l’objectif de répondre à la pénurie de compétences numériques en entreprise., mais aussi avec le souci de contribuer à la diversification des profils des agents de la « Tech », notamment en s’adressant à des publics très éloignés de l’emploi tels que les jeunes décrocheurs de l’éducation nationale. Il visait également la requalification voire la reconversion d’employés peu ou pas qualifiés — souvent autodidactes — qui pourraient grâce à une pédagogie adaptée devenir des ressources pour leur entreprise dans le domaine du numérique. Ayant obtenu l’agrément du ministère du Travail en tant qu’organisme de formation par apprentissage (OFA) et la certification Datadock, WebForce3 s’est développé rapidement et constitue maintenant un réseau de 50 écoles — dont certaines ont été implantées en Belgique et au Luxembourg — qui accueillent des apprenants de 18 à 45 ans et préparent à plus de 15 spécialités différentes dans le cadre d’une formation intensive de trois mois et demi (« bootcamp » ou camp d’entrainement), ou bien d’un an en alternance commençant par trois mois et demi intensifs. L’entreprise s’appuie en particulier sur 200 formateurs et formatrices. Environ 6 000 personnes y ont été formées jusqu’à maintenant dont 90 % avaient exprimé leur satisfaction dans les 6 mois suivant la formation. Parmi les stagiaires présents en 2020, environ les trois quarts avaient été recrutés au niveau bac ou en dessous, plus d’un tiers étaient des femmes, 15 % étaient en situation de handicap et 9 % venaient des quartiers prioritaires de la ville.

Dans l’ensemble de votre catalogue, quelles sont les formations les plus demandées et celles pour lesquelles la demande est en plus forte croissance ? Qu’en est-il en particulier de la formation aux fondamentaux du numérique ?

Les formations les plus demandées par les apprenants sont celles qui répondent le plus au besoin en recrutement des entreprises : Développeur Web et Concepteur Développeur d’Applications, Technicien systèmes et réseaux et Designer Web Marketing Digital. Elles se veulent également transverses d’où la pluralité de débouchés : développeur web, data analyst, développeur d’applications IA (intelligence artificielle), technicien systèmes et réseaux sensibilisé à la cyber-sécurité, designer web, community manager et chef de projet marketing digital.

Pour les personnes très éloignées de la culture du numérique et de l’usage d’Internet, la formation aux Fondamentaux du Numérique permet à chacun de développer des compétences numériques de base afin d’être à l’aise avec les outils modernes de travail, l’utilisation professionnelle des réseaux sociaux, la maîtrise des applications collaboratives, la gestion de sa e-réputation et la recherche d’informations claires sur Internet (pour identifier notamment les fake news). À l’issue de la formation, les apprenants seront prêts à démarrer une formation professionnalisante sur un métier.

Quels sont les publics cibles et les publics réels pour ces formations ?

Nos formations ont pour objectif d’être accessibles à tous et toutes de 18 à 45 ans, quels que soient les profils académiques, les conditions économiques ou sociales, les origines ou la présence d’un handicap. Notre approche n’est pas élitiste et s’adresse à toute personne souhaitant développer des compétences professionnelles. Les contacts sont pris par les candidats dans des conditions qui diffèrent d’un territoire à un autre, mais en moyenne, 44 % viennent via Internet et 56 % par des intermédiaires tels Pôle emploi, des missions locales, des associations d’insertion ou des anciens élèves et plus généralement par le bouche-à-oreille.

Nous retrouvons, au sein d’une session de formation, des personnes en reconversion, des profils atypiques, des entrepreneurs, des jeunes en réorientation ou en situation de décrochage académique, des demandeurs d’emploi. WebForce3 compte essentiellement des profils en reconversion professionnelle, de tous les horizons, de 18 à 45 ans environ.

Les prix des formations varient en fonction des types de formation (initiale en bootcamp ou alternance) et de leur modalité (POEI, handicap, 100 % femmes…).  Les écoles accompagnent toujours les candidats dans la recherche de financement et la valorisation de leurs droits, avec un devis personnalisé en fonction de leur situation sociale et professionnelle. Les différents types de financement à mobiliser au sein de notre réseau :

  • Un financement total ou partiel avec l’aide de plusieurs dispositifs et partenaires : CPF, Transitions Pro, Grande École du Numérique, Pôle Emploi, Agefiph, Régions, OPCO, ministère du Travail, Social Builder, Microsoft,…
  • Un financement total par l’OPCO de l’entreprise en contrat d’alternance (apprentissage, professionnalisation, Pro-A) ou via des POEI et POEC (notamment financé par Pôle Emploi).
  • Un autofinancement de la formation solidaire, avec la possibilité de payer la totalité ou le reste à charge en 12 fois.

Vos clients sont-ils des entreprises, petites ou grandes, des administrations, ou des individus ? 

Le numérique constitue un besoin de fond pour tout type d’entreprises et de toute taille. Grâce à nos formations intensives et très pratiques — et souvent co-construites avec les entreprises —, nos talents répondent à leurs besoins en compétences numériques, soft skills et codes de l’entreprise dès leur premier jour chez eux.

Nos apprenants rejoignent au niveau local ou national : des startups, agences web, TPE, PME et grands groupes. Certains se lancent même en freelance. Les TPE et PME sont celles qui ont le plus besoin de compétences dans le domaine numérique, car elles n’y sont pas formées et n’ont pas forcément le temps et le financement pour le faire. Par ailleurs, nous avons noué un partenariat avec Microsoft France pour proposer à des entreprises partenaires de Microsoft de recruter, en alternance avec une promesse d’embauche à la clé, des apprenants sur des métiers liés au développement avancé d’applications métiers, avec un programme précis qui répond à leurs propres besoins en compétences. Nous tenons par ce projet, nommé « École Business Apps », à toujours développer la mixité et l’inclusion de profils sous-représentés dans la Tech, et répondre ainsi au double enjeu de la RSE et du recrutement des entreprises.

Dans la présentation que vous donnez de WebForce3, vous mettez en évidence le rôle de vos formations dans l’accès à l’emploi ainsi que dans le perfectionnement et le changement d’emploi ; pouvez-vous en donner quelques exemples, et tirer quelques leçons de ces expériences ? 

Nous avons de nombreux exemples d’insertions professionnelles très réussies. Certains étaient chauffeur de bus, assistante médicale, bucheron, voire cuisinier ; et sont devenus développeurs web au sein de startups et de PME — voire en freelance — très rapidement après la fin de leur formation. Nous tirons de ces expériences réussies l’assurance de notre capacité à répondre aux besoins des entreprises tout en proposant des formations professionnalisantes et sécurisantes pour des profils qui sont à un carrefour de leur vie, où tout bascule et tout est à construire. Nous mettons régulièrement à jour nos programmes de formations. Notre pédagogie en « blended-learning » permet de consolider l’apprentissage en mixant des cours en direct avec des formateurs professionnels ayant le pied dans l’entreprise et ayant accès à une plateforme pédagogique d’e-learning « WebForce. Life » pour développer de nouvelles compétences tout au long de sa vie. Cette pédagogie d’excellence permet de se former intelligemment grâce à un apprentissage constant et cohérent face à la réalité de la constante évolution des besoins en compétences numériques sur le marché du travail.

Vous situez également vos actions dans le contexte des « actualités de l’école » ; avez-vous ainsi des actions en direction des universités, des lycées et/ou des collèges au niveau des académies et/ou au niveau local ? et dans ce cadre, parvenez-vous à toucher les publics jeunes et en particulier les moins qualifiés ? là encore quelles leçons tirez-vous de ces expériences ? 

Oui, les écoles mènent des actions avec différents partenaires au plus proches des jeunes : missions locales, pôle emploi, Point d’Information Jeunesse, etc. Nous apportons une attention particulière aux jeunes des quartiers prioritaires de la ville, premiers touchés par le décrochage scolaire, le chômage et parfois la discrimination. Le ministère du Travail nous a fait également confiance avec le financement de la prépa-apprentissage « Fabrik Ton Parcours », pour aider les jeunes de 18 à 29 ans à découvrir et tester des métiers numériques durant deux mois avant d’entrer en apprentissage dans un métier qui les passionne. En application de la loi de 2018, il s’agit d’une action de prépa-apprentissage financée et rémunérée par l’État, qui accompagne partout en France 1 250 jeunes âgés de 18 à 29 ans, sans emploi, sans formation ou sans diplôme ; notamment les jeunes des quartiers prioritaires de la ville, les réfugiés et les jeunes en situation de handicap. Ce dispositif à impact social et solidaire est porté au niveau national par l’école des métiers du numérique WebForce3, et mis en œuvre dans tous les territoires par ses partenaires engagés. Il a été élaboré dans le cadre de l’appel à projets « Prépa apprentissage #Demarretastory » et financé dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences — piloté par Carine Seiler, haute-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi.

Nous veillons à toucher une diversité de publics afin d’atteindre l’objectif essentiel de l’inclusion numérique de toutes et tous. En effet, la diversité des apprenants au sein des sessions constitue une valeur essentielle pour participer à une société numérique qui soit inclusive, éthique et durable. Sans cela, nous ne pourrons pas atteindre la bonne transformation numérique, voire la transition écologique et numérique imminente, qui place sans nul doute l’égalité des chances et la diversité au cœur de nos actions et de nos politiques internes.

Les diplômes existants vous semblent-ils pertinents relativement aux besoins et aux dynamiques à l’œuvre ?

Oui, toutes nos formations sont diplômantes ou certifiantes (titres professionnels de niveau Bac à Bac+3). Elles sont inscrites au répertoire national RNCP et elles bénéficient des certifications spécifiques telles que TOSA ou Pix (Certification numérique de l’enseignement supérieur). C’est une preuve de la qualité et de la reconnaissance de nos programmes pédagogiques. Des entreprises ont besoin de situer le niveau d’un talent et le diplôme vient confirmer l’acquisition des compétences et donc de sa qualification professionnelle.

Et au-delà du diplôme, WebForce3 accompagne ses apprenants vers l’emploi, propose des ateliers de coaching et de développement de soft skills, prépare à la conception d’un portfolio professionnel… Ce sont des composantes essentielles à la posture professionnelle attendue en entreprise et qui créent de la confiance chez l’employeur.

Dans le cadre des formations que vous proposez en alternance ou en apprentissage, comment trouvez-vous les entreprises concernées et quelles modalités de coopération avez-vous avec elles ? 

Les grandes entreprises ont intégré l’alternance dans leur politique de recrutement. Elles sont plutôt concernées par le sujet, car elles manquent aussi de compétences numériques. WebForce3 co-construit des programmes de formation sur-mesure avec des grandes entreprises telles que Avanade, IBM Interactive, Hitachi Solutions, DevoTeam, CGI… Nous menons avec elles une ingénierie pédagogique, financière et RH afin de répondre à leurs besoins et développer la diversité de leurs talents. La question de la diversité et de la mixité en entreprise est très présente au sein des grandes entreprises, avec des départements RH spécialisés sur le sujet. C’est bon signe, mais beaucoup reste à faire !

Les TPME et les commerçants connaissent peu ou pas le recrutement en alternance. Elles n’osent pas franchir le pas par manque de moyens financiers, de temps d’encadrement, mais aussi par manque d’identification de leurs besoins en compétences. Ce sont pourtant celles qui ont le plus besoin de compétences numériques pour se développer, voire exister. Néanmoins, de nombreuses aides financières existent et le suivi opéré par l’école assure un recrutement performant et fluide. Chez nous, les alternants sont opérationnels dès leur premier jour en entreprise, ce qui assure une grande confiance pour l’alternant et un encadrement plus serein pour l’entreprise.

Comment voyez-vous les développements de la formation professionnelle et en particulier de la formation au numérique dans le contexte de l’expansion du télétravail ? La préconisation de la formation sur le lieu de travail a-t-elle encore un sens dans ce contexte ? 

La crise a accentué le développement de la formation à distance. Cela a permis à n’importe qui de pouvoir se former à distance, notamment ceux qui habitent dans des territoires reculés ou en situation de fracture numérique. Néanmoins, elle n’est pas satisfaisante ou possible pour tout le monde. Beaucoup ont besoin d’un accompagnement humain, un suivi par des professionnels spécialisés (handicap), un mentor pour prendre confiance, échanger dans une classe intergénérationnelle pour plus de cohésion et de maturité professionnelle. Le lien social est également important pour 80 % de notre public qui est infra bac.

Dans une optique de formation tout au long de sa vie, il est nécessaire de penser la formation comme un long chemin d’apprentissage pour s’adapter aux évolutions métier et pivoter rapidement sur le marché du travail. Il faut donc être prêt à changer à tout moment, d’où notre baseline « Be The Change ». En plus de la formation, notre plateforme pédagogique et d’e-learning « WebForce. Life » permet de compléter les connaissances acquises durant son « bootcamp » ou son alternance, et reste accessible tout au long de sa vie professionnelle.

La vraie inclusion est celle de l’emploi. Ainsi, la véritable formation sera celle qui alliera professionnalisation intensive, développement de compétences à distance et à la demande, et accompagnement vers l’emploi tout au long de la vie.

Qui sont vos formateurs ? comment les recrutez-vous et les formez-vous ? 

Nos formations sont assurées par des formateurs professionnels, experts dans leur domaine et qui continuent d’exercer leur métier en tant que consultant. Les formations garantissent ainsi un apprentissage très opérationnel, axé à 90 % sur la pratique. Les apprenants développent alors des compétences techniques, transverses et relationnelles mises à jour sur la culture numérique, les technologies, les outils et les méthodes de travail.

Nos formateurs sont recrutés sur la base de critères RH très précis par une équipe de recruteurs de formateurs au sein de WebForce3. Nous veillons à ce que nos formateurs s’engagent en respectant les normes de qualité en vigueur et la charte d’engagement de WebForce3. Engagés et à l’écoute de leurs apprenants au quotidien, leur rôle est clé dans leur réussite individuelle et collective.

Enfin, nous veillons à ce que nos formateurs passent du temps en entreprise, beaucoup plus qu’en centre de formation — le but étant qu’ils continuent d’exercer sur le terrain et qu’ils puissent développer avec nous notre ingénierie pédagogique.

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Ingénieur École Centrale promotion 1968. DEA de statistiques en 1969 et de sociologie en 1978. Une première carrière dans le secteur privé jusqu’en 1981, études urbaines au sein de l’Atelier parisien d’urbanisme, modèles d’optimisation production/vente dans la pétrochimie, études marketing, recherche DGRST sur le tourisme social en 1980.

Une deuxième carrière au sein de l’éducation nationale jusqu’en 1994 avec diverses missions sur l’enseignement technique et la formation professionnelle ; participation active à la création des baccalauréats professionnels ; chargé de mission au sein de la mission interministérielle pour l’Europe centrale et orientale (MICECO).

Une troisième carrière au sein de la Fondation européenne pour la formation à Turin ; responsable de dossiers concernant l’adhésion des nouveaux pays membres de l’Union européenne puis de la coopération avec les pays des Balkans et ceux du pourtour méditerranéen.

Diverses missions depuis 2010 sur les politiques de formation professionnelle au Laos et dans les pays du Maghreb dans le contexte des programmes d’aide de l’Union européenne, de l’UNESCO et de l’Agence Française de Développement.

Un livre Voyages dans les Balkans en 2009.

Cyclotourisme en forêt d’Othe et en montagne ; clarinette classique et jazz ; organisateur de fêtes musicales.