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Arcelor Mittal : le « pourquoi pas » des Belges.

publié le 2006-10-01

L’absorption d’Arcelor par Mittal a provoqué une forte opposition en France, au Luxembourg, en Allemagne et en Espagne. Sauf en Belgique. La région wallonne qui possédait 2,5% d’Arcelor n’a pas manqué d’être approchée par le front anti-Mittal. Sans succès. La région a apporté ses actions à Mittal. De leur côté, les deux organisations syndicales FGTB et CSC n’ont jamais cessé d’adopter une attitude neutre vis à vis des repreneurs indiens. « Je trouve particulièrement mal venu pour une organisation syndicale de se prononcer pour des dirigeants contre d’autres », souligne Jordan Atanasov, secrétaire régional du syndical de la métallurgie de la CSC qui épingle au passage les organisations syndicales des autres pays. « Ce qui nous intéresse, ce n’est pas la nationalité d’un groupe, mais son projet », déclare José Verdin, directeur du centre de formation et d’études du syndicat FGTB».

Deux opinions largement partagées par les Wallons qui n’ont pas hésité, notamment via les blogs, à se démarquer des positions franco-espagno-luxembourgeoises. «On peut donc vivement reprocher leur attitude à ceux des syndicalistes qui ont trouvé opportun de prendre position aussi rapide qu’irréfléchie en soutenant d’emblée Arcelor contre Mittal. La Fédération européenne des métallurgistes craindrait dans une naïveté confondante, que Mittal ne procède à des fermetures d’usines et ne suive pas le modèle social adopté par Arcelor ,… comme si Arcelor s’était privé de licencier massivement », écrit, par exemple, François Schreuer. (http://bulles.agora.eu.org).

Suite à la création d’Arcelor en 2003, la sidérurgie wallonne a en effet payé un lourd tribut. Deux ans après la fusion d’Arbed, Arceralia et d’Usinor, la direction du groupe annonce la fermeture de sites continentaux au profit des activités en bord de mer. Le bassin de Liège est particulièrement frappé avec la fin programmée de l’activité dite de chaud (hauts fourneaux, aciéries…) qui entraîne la suppression de 9 500 emplois directs et indirects. « Visiblement, seul comptait le développement planétaire s’appuyant sur les outils de production les plus rentables financièrement, précise José Verdin de la FGTB, Cela nous a fait l’effet d’une gifle et depuis cette date, nous en avons toujours voulu à Arcelor. Pour ces acteurs locaux, c’est toute la sidérurgie wallonne qui est à terme condamnée par cette décision : « Le seul vrai intérêt de la position du bassin liègeois, poursuit le syndicaliste, est de disposer d’une sidérurgie intégrée : la production du chaud est consommée par le secteur du froid (laminage, galvanisation…) et le froid a besoin de toute la production du chaud pour fonctionner ».

 

Cette mesure marque également une rupture dans les relations sociales existantes. En 1998, Le groupe français Usinor a racheté à la région wallonne l’entreprise Cockerill-Sambre, le fleuron sidérurgiste local. « Nous avions à cette époque négocié d’importantes clauses, raconte José Verdin, Les pouvoirs publics conservaient 25% des parts, une minorité de blocage. Nous avions également obtenu d’importants investissements. Les discussions avaient été longues et difficiles, mais le contact était maintenu. Le jour où nous sommes devenus Arcelor, nous avons perdu cette culture de la négociation ». Les syndicats wallons sont d’ailleurs particulièrement critiques à l’égard de la direction française d’Arcelor et de son échec à avoir pu protéger l’entreprise d’un risque d’OPA. « Il faut mesurer l’ampleur du ressentiment contre l’attitude hautaine et méprisante de Guy Dollé qui s’est comporté comme si l’entreprise lui appartenait », fustige Jordan Atanasov, secrétaire régional du syndical de la métallurgie de la CSC. « Guy Dollé s’est lancé dans des improvisations financières, économiques avec Severstal dans le rôle de chevalier blanc qui sont totalement hasardeuses, juge José Verdin de la FGTB, Rien dans l’attitude d’Arcelor ne faisait qu’on pouvait plaider pour elle. » En passant sous la direction de Mittal, les salariés belges n’ont cependant rien obtenu. Lakshmi Mittal va réexaminer la fermeture des activités à chaud mais n’a donné aucune garantie. « Liège a déjà beaucoup souffert des restructurations, ça ne peut pas être pire avec Mittal qu’avec Arcelor », poursuit le syndicaliste, Il est vrai que le syndicalisme européen n’en sort pas grandi. Mais nous sommes désormais dans un groupe mondial. Nous avons d’ailleurs établi des contacts avec les syndicalistes brésiliens avec qui nous avons de meilleures relations qu’avec les organisations françaises ».

Frédéric Rey

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