par Nicolas Briche (université Lille 2)
Pourquoi les organisations patronales ne connaissent-elles pas de crise de légitimité de leur représentativité ? Parce qu’elles ne prétendent pas à l’universalité répond le juriste Nicolas Briche.
La notion générale de représentativité correspond à une qualité conférée à un nombre limité d’organisations professionnelles afin de stabiliser et d’équilibrer les relations sociales par le biais de partenaires sociaux considérés comme les plus légitimes à occuper des fonctions et des prérogatives exorbitantes du droit commun du travail. En cela, la notion de représentativité pour les syndicats de salariés et les groupements patronaux est analogue. Il s’agit d’acquérir un statut permettant de mettre en avant leur influence grâce à ces prérogatives. Pour cela la course à la reconnaissance de la représentativité suit une procédure quasiment similaire pour les représentants des salariés et les représentants des employeurs, en apportant la preuve de cette prétention devant les pouvoirs publics ou les tribunaux. Cependant, la similitude n’est qu’apparente.
Reconnaissance mutuelle
L’arrivée d’une nouvelle organisation patronale représentative semble être basée sur une reconnaissance mutuelle des partenaires sociaux, comme on la connait en droit Communautaire. En effet, si des auteurs considèrent que l’article L. 133-2 énonçant des critères de représentativité ne s’appliquent pas aux organisations patronales, la jurisprudence les contredit pour affirmer que les organisations patronales ne bénéficient pas d’une présomption irréfragable de représentativité, comme elle existe pour les centrales syndicales de salariés, et qu’il faut donc appliquer ces critères pour qu’un groupement patronal puisse prouver sa représentativité. Déjà dans l’application de la représentativité, il y a une différence fondamentale, les confédérations patronales, ne pouvant faire bénéficier leurs fédérations adhérentes de leur représentativité. Il se dessine une autre notion de la représentativité, lorsqu’elle est appliquée à la partie patronale. La représentativité d’un syndicat de salariés est une réprésentativité universelle destinée à toucher la collectivité des salariés. Liée à la représentation, la représentativité des organisations patronales est, quant à elle, une représentativité stricte, puisqu’elle ne s’applique qu’aux stricts membres du groupement patronal. Ceci explique sans doute que pour la négociation d’une convention ou d’un accord collectif de droit commun, la représentativité de l’organisation patonale n’est pas exigée. Il y a pourtant une exception pour que les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif viennent s’appliquer à l’ensemble de la catégorie sociale représentée. En effet, si pour les syndicats de salariés, c’est leur représentativité même qui va déroger au droit commun des contrats, pour les organisations patronales, la règle dérogatoire est la procédure d’extension d’une convention collective. Il s’agit du seul cas, où la signature d’une organisation patronale représentative dans le champ d’application de la convention étendue va engager l’ensemble des entreprises. Mais, cette représentativité exceptionnellement universelle suppose la négociation de l’accord étendu au sein d’une commission avec les organisations représentatives des salariés et l’intervention d’un arrêté ministériel.
Des règles floues
Du fait de cette conception stricte de la représentativité, les organisations patronales ne connaissent pas le même type de crise de légimité que les organisations de salariés. Cependant, le système représentatif des organisations patronales n’est pas exempt de dysfonctionnements. En tant qu’acteurs méconnus, les règles concernant la représentativité des organisations patronales restent floues et même pour certains n’existent pas. En attendant, la représentativité reste le meilleur moyen pour les catégories sociales représentées de faire entendre efficacement leurs intérêts et les organisations patronales représentatives garantissent leur influence dans le dialogue social et au sein d’un paritarisme, dont l’Etat n’a rien à jalouser à la crise du syndicalisme ».
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