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par Ricardo Rodríguez Contreras

Deuxième partie consacrée à l’Espagne. Ricardo Rodríguez Contreras, consultant revient sur l’absence de reclassement des travailleurs.

Crise Espagne

Première partie : les règles et usages qui régissent les restructurations en Espagne

Troisième partie : comment impliquer des nouveaux acteurs

La crise actuelle a renforcé le nombre des procédures d’autorisations administratives en matière d’emploi (ERE en espagnol). Fin 2008, on décomptait 6796 nouveaux dossiers (+ 69% par rapport à l’année précédente), qui concernaient plus de 180.000 travailleurs, soit 137% de plus qu’en 2007 ! Cette augmentation annuelle est due à l’accélération exponentielle enregistrée au dernier trimestre, avec plus de 56.000 travailleurs affectés pour le seul mois de décembre.

La difficulté de la gestion des ERE à chaud a entraîné une certaine pauvreté dans la négociation sur le contenu et les solutions proposées. Cela se justifie pour nombre de raisons mais résulte également de l’absence d’ingénierie sociale au sein des entreprises (en rapport avec l’immobilité relative des contenus de la négociation collective sectorielle et territoriale) et reflète le faible niveau de l’innovation sociale dans les relations collectives de travail en Espagne.

En ce qui concerne les ERE de niveau régional, l’action des gouvernements régionaux, intervenants de l’extérieur dans la négociation autonome des parties, a conduit à activer le contenu des accords et des plans sociaux. Il n’est pas rare de trouver des exemples d’engagement de fonds publics favorisant la viabilité de l’entreprise (par le biais de l’innovation ou de la recherche d’investisseurs) ou prenant en charge la formation et la requalification des travailleurs affectés.

Le vide juridique du reclassement

Peu de plans sociaux comprennent des mesures pour reclasser les travailleurs. Les sociétés de replacement opèrent dans un vide juridique et dépendent souvent de grandes multinationales européennes du travail temporaire et des RH, et ce sur un marché espagnol étroit. Mais, avec la crise actuelle, leurs prévisions de croissance sont optimistes car la crise oblige les services publics de l’emploi à redoubler leurs efforts de gestion des politiques passives, au détriment des mesures actives tout en souffrant de la croyance répandue selon laquelle ils ne sont pas assez efficaces pour développer leurs missions.

La situation actuelle ne semble pas favoriser des changements substantiels. Le bruit et la fureur du dogme néolibéral se conjugue aux demandes des acteurs économiques, emmenés par le président de la Banque d’Espagne et ardemment impulsées par les employeurs, afin de réformer le marché du travail, et donc abaisser le coût des licenciements : mais …alors est-ce de la flexicurité ?

Les arguments idéologiques sont aussi anciens que, chiffres en main, peu soutenables : les employeurs ne recrutent pas, par crainte du coût des licenciements. Ils ne prennent pas en compte le taux très élevé de contrats précaires qui rend le licenciement gratuit. D’autres agitateurs du monde académique, professionnel et même de l’administration socialiste reprennent l’idée, de l’indispensable réforme de la négociation collective : il s’agit ici de déroger aux effets universels des accords afin de limiter leur impact salarial et de promouvoir la négociation d’entreprise. Nous savons que dans des temps révolus, tout est rigidité, notamment en matière de contrats et de salaires.

Malgré l’état désastreux de l’emploi, ou peut-être à cause de lui, et la montée du chômage en prévision, le président du gouvernement, José Luis Rodríguez Zapatero a ignoré jusqu’à présent, le chant des sirènes de ces démiurges intéressés et a réitéré son refus de baisser le coût du licenciement. En ce qui concerne l’ERE, le gouvernement a annoncé une proposition de réforme légère de la procédure qu’il proposera de débattre dans le cadre du dialogue social avec les organisations d’employeurs et les syndicats UGT et Commissions Ouvrières. Elle vise, en premier lieu, que le plan social et l’élaboration de programmes de reclassement deviennent obligatoires pour toutes les entreprises, et pas seulement pour celles de plus de 50 salariés.

Il est également proposé d’évaluer objectivement l’âge à partir duquel seront acceptés les mécanismes de retraite anticipée afin de limiter les excès commis par certaines entreprises qui cherchent à la mettre en œuvre dès 48 ans. Enfin, afin d’améliorer la protection des travailleurs, l’on cherche à voir comment les prestations de chômage versées en cas de chômage technique n’aboutissent pas à la consommation totale des droits, autrement dit que ces droits puissent être reconstitués en cas de licenciement définitif.

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Troisième partie : comment impliquer des nouveaux acteurs

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