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Vaira Vike- Freiberga, ancienne Présidente de la Lettonie, est l’une de ces grandes figures européennes, personnages rares, qui donnent un visage et peut-être un sens à cet ovni politique et culturel qu’est l’Europe.

L’opinion publique française la connaît mal. Il faut dire qu’elle vient d’un de ces petits Etats baltes, lointains et longtemps oubliés derrière le rideau de fer, qui n’ont rejoint l’aventure européenne qu’en 2004. Elle est pourtant l’une de ces personnalités internationales reconnues, dont l’autorité naturelle, la force de conviction et le franc parler ne laissent indifférents ni ses laudateurs ni ses détracteurs.

vikefreiberga

Elle naît à Riga en 1937. Fuyant l’occupation soviétique, sa famille quitte le pays en 1945 et se réfugie en Allemagne puis au Maroc. Arrivée au Canada en 1954, Vaira Vike poursuit ses études et obtient un doctorat en psychologie expérimentale. Elle entame sa carrière de professeur de psychologie à l’université de Montréal tout en poursuivant ses recherches sur l’identité et la culture lettones mais aussi sur l’avenir politique des pays baltes. Cette polyglotte -elle parle cinq langues- publie ouvrages, articles, communications scientifiques et générales et devient membre ou dirigeante de plusieurs comités canadiens académiques et gouvernementaux.

Ce n’est qu’en 1998, sept ans après l’indépendance, qu’elle revient en Lettonie pour prendre la tête de l’Institut Letton des Affaires Etrangères. L’année suivante, elle est élue Présidente de la République par un concours de circonstances inattendu. La Saeima (le Parlement letton) échoue à élire un Président à l’issue du premier tour de scrutin. Les candidats officiels des trois partis n’ayant pas le droit de se présenter à un deuxième tour s’accordent alors pour demander à madame Vike-Freiberga, sans étiquette politique et soutenue par de nombreux intellectuels, d’être candidate. « J’ai réfléchi très brièvement et j’ai accepté parce que cela me semblait une magnifique occasion« . En 2003, la Présidente est réélue pour un second mandat avec 88 voix sur 96.

Se consacrant tout particulièrement à la politique étrangère, elle joue un rôle essentiel dans l’adhésion de son pays à L’OTAN et à l’Union européenne et œuvre sans cesse à la reconnaissance de la Lettonie sur la scène internationale. Ainsi, bien que confrontée à une opinion publique très hostile au demi million de russophones vivant dans son pays, un quart de la population, Vaira Vike-Freiberga accepte en 2005 l’invitation du président Poutine à commémorer la fin de la seconde guerre mondiale. Lors des nombreux évènements internationaux auxquels elle participe, l’énergique Présidente lettone exprime avec force ses idées sur les questions sociales, les valeurs morales, l’Histoire européenne et la démocratie. Elle obtient le prix Hannah Arendt pour la pensée politique.


Je pense qu’il est grand temps qu’une femme dirige les Nations unies

Nommée ambassadrice spéciale pour la réforme de l’Organisation des Nations Unies en 2005, elle est candidate officielle des trois Etats baltes pour le poste du Secrétaire général de l’ONU en 2006. « J’étais heureuse et je me suis sentie privilégiée d’être pressentie pour le poste de Secrétaire générale des Nations Unies. Je pense qu’il est grand temps qu’une femme dirige les Nations Unies, et qu’elle ferait un travail tout aussi bon qu’un candidat masculin« .
En octobre 2008, elle est nommée Vice-présidente du Comité des sages sur l’avenir de l’Union européenne. Au Forum de Paris, l’année précédente, elle exprimait ainsi sa vision de l’Europe.
« Je pense avant tout que nous voudrions une Europe différente, délivrée à tout jamais de ce que dans son passé elle a pu présenter d’exécrable. Pour commencer, nous aimerions, tel le St. George, abattre le dragon à têtes multiples dont les plus dangereuses sont le totalitarisme idéologique, l’impérialisme et l’expansionnisme territorial, ainsi que le racisme dans toutes ses formes, qui refuse d’emblée le principe de la dignité et de la valeur intrinsèque de tous les êtres humains, sans exception.
Une autre tête du dragon qui me paraît tout aussi pernicieuse et tout aussi dangereuse, c’est l’esprit d’insularité et d’indifférence envers le sort de son voisin, ou si vous voulez, le simple égoïsme élevé au niveau d’intérêts nationaux.
Nous aimerions développer une Europe pleine de confiance en elle-même et en son avenir, courageuse en face des dangers qui la menacent, solidaire dans la prise de ses décisions et patiente dans sa détermination de mener à bien tous ses projets
« .

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