par Thomas Schnee
Entretien avec le Pr. Bernd Reissert, recteur de l’Université de management du marché de l’emploi de l’Agence fédérale allemande pour l’emploi (Bundesagentur für Arbeit – BA)
Quelle est la situation actuelle de l’Agence fédérale pour l’emploi face à la remontée du chômage ?
Les comptes financiers de l’Agence devraient se dégrader dès 2010. Avec la remontée du chômage et les importantes mesures de chômage partiel, on s’attend à un déficit d’environ 17 milliards d’euros pour l’année prochaine alors que, fin 2008, la BA alignait 16 milliards € d’excédents. La BA pourrait être amenée à s’endetter pour ne pas charger le budget fédéral. C’est en tout cas en discussion entre les nouveaux partenaires de la coalition gouvernementale. Par ailleurs, grâce au premier programme anticrise du gouvernement, il y a eu 5 000 embauches en 2009 pour faire face aux besoins accrus dans l’activité de placement. Selon les derniers chiffres de l’OCDE, le budget attribué aux politiques de l’emploi en Allemagne représente 2,97 % du PIB contre 2,32 % pour la France.
En 2005, l’Agence fédérale pour l’emploi a été réformée et son activité de placement, renforcée. Comment les chômeurs en ont-ils bénéficié ?
A cause de la forte croissance économique des années 2005-2007, il est difficile de savoir ce qui est du à la conjoncture et ce qui est du à la réforme. La philosophie des réformes Hartz était de renforcer les passerelles vers l’emploi, c’est-à-dire de raccourcir la durée du chômage tout en limitant les nouvelles entrées. Le premier objectif a été atteint mais pas le second. Des mesures telles que les sanctions pour ceux qui tardent à signaler leur mise au chômage, semblent avoir fait leurs preuves. Et l’accompagnement des chômeurs s’est fortement amélioré. Avant 2005, on comptait 500 demandeurs d’emplois pour un conseiller. Aujourd’hui, nous approchons de 150 pour 1 et de 75 pour 1 en ce qui concerne les jeunes demandeurs d’emplois. En revanche, les effets du « Job to job », le replacement avant l’entrée dans le chômage, n’a eu qu’une portée marginale. Malgré tout, sur cette période, la durée du chômage a nettement reculé, alors qu’en période de croissance, elle a généralement tendance à augmenter puisque seuls les publics les plus difficiles à placer restent au chômage. Entre 2005 et 2008, la durée moyenne de versement des allocations est ainsi passée de 25,3 semaines à 21 semaines et la part des chômeurs qui perçoivent leur allocation jusqu’au bout de la période d’un an, de 29,6 % à 22,8 %.
L’arrivée d’un nouveau gouvernement doublée d’une décision récente du Tribunal constitutionnel : à quoi la BA doit-elle se préparer ?
En 2005, l’aide sociale, gérée par les communes, et l’allocation de chômage longue durée, gérée par la BA, ont été fusionnées pour donner l’allocation Hartz IV. Cela a donné un réseau de structures locales mixtes cogérées par les communes et la BA. L’idée était de réunir tous les services sous un toit. Mais récemment le Tribunal fédéral constitutionnel a considéré que cette mixité amputait la liberté de gestion des communes et était anticonstitutionnelle. Il faut donc trouver une nouvelle structure compatible avec la Constitution. Par ailleurs le parti libéral, nouvellement au gouvernement, aimerait privatiser une grande partie des services de la BA. Les conservateurs, eux, s’y opposent. L’avenir de l’Agence est donc incertain. Pourtant, des décisions doivent être rapidement prises puisque le Tribunal a imposé la date butoir du 1er janvier 2011.
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