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Un pin’s en or pour 30 ans de maison ou une cafetière électrique. Tangible ou non, les signes de reconnaissance sont multiples. De grandes entreprises mettent en oeuvre des programmes spécifiques plus ou moins inspirés.

 

pin's

« Bravo Zulu ! » A moins d’être marin, ou employé chez FedEx, difficile de savoir que l’abréviation BZ signifie « bien joué » dans le mail que votre manager ou votre collègue vient de vous envoyer. Au-delà de la gratification symbolique découle parfois de dispositifs plus complexes : pour promouvoir l’avancement, la formation, l’esprit d’entreprise.

 

Rendre des métiers techniques attractifs et créer de l’émulation. Tel est l’objectif de Florence Cariou, de la DRH de GDF-Suez, lors d’un colloque sur la reconnaissance au travail organisé le 10 novembre par Christophe Laval de VPHR: Vision, performance, humain, reconnaissance. « Après la fusion en 2008, nous avons choisi de valoriser les savoirs-faire des métiers, notamment les compétences difficiles à recruter, et accélérer la promotion en interne des ouvriers, techniciens, agents de maîtrise. Le principe est de créer un cercle vertueux autour de la reconnaissance : qui engendre fierté, motivation et performance. Nous voulons créer un programme pour l’ensemble du groupe qui identifie les plus méritants et permet de revaloriser leurs salaires dans un esprit gagnant-gagnant : des bénéfices réciproques et des obligations mutuelles« .

La DRH de GDF-Suez s’est inspirée du programme de sa filiale INEO : les Maîtres de l’Energie en 2004. Il s’agit de reconnaître les professionnels exemplaires qui sont ensuite chargés d’accompagner les jeunes en tutorat. Ils signent une convention annuelle, et portent un badge de chantier d’une certaine couleur.

 

Désuet ?

Cette initiative reprend les méthodes industrielles un rien désuètes dans leur intitulé. Francis Bouygues créé en 1963 l’ordre des Compagnons du Minorange destiné à fidéliser ses meilleurs ouvriers, « ceux pour qui la pérennité d’une entreprise ne se décrète pas mais se construit jour après jour, ceux qui, par leur comportement, savent montrer leur adhésion aux valeurs de l’entreprise. Les Compagnons du Minorange se distinguent par leur volonté profonde de réaliser un travail de qualité dans un véritable esprit de fraternité. Ce sont des éléments moteurs sur les chantiers, ce qui requiert de leur part des qualités techniques, professionnelles et personnelles. Ils sont fiers d’être reconnus et appréciés de leurs pairs et de leur hiérarchie« .

En 2007, indique le site internet, cette élite regroupe « 949 Compagnons répartis sur 16 ordres, en France et à l’International, sur les secteurs du Bâtiment, des Travaux Publics et de l’Electricité/maintenance. Chaque membre doit mériter sa place année après année. Une campagne d’appréciation annuelle spécifique permet au Bureau de l’Ordre de prendre les bonnes décisions de maintien, de promotion ou de sanction. Les Compagnons du Minorange le sont par volonté et non par obligation ou par habitude.« 

 

Le petit mot

En 1964, l’entreprise américaine FedEx prend un initiative très différente. Plutôt que de former une élite, elle invente le système de remerciement partagé « Bravo Zulu ». Code utilisé par tous les salariés. A l’origine, Un Bravo Zulu, « BZ » pour les initiés, est un signal de félicitations que reçoivent les bateaux lorsqu’ils ont accompli leur mission.
« Lorsqu’ un collaborateur ou une équipe réussit particulièrement bien une action, explique Alexis Fyros, DRH de FedEx Express en Europe, on envoie un mot ou un mail, juste avec cette mention : « BZ ». C’est une façon appuyée de dire merci et la personne qui le reçoit ressent de la fierté. Ce remerciement s’accompagne parfois d’un certificat ou d’un diplôme. Dans ce cas, il est remis soit en tête à tête, soit en réunion devant toute l’équipe. Le « BZ » circule à tous les niveaux : il peut être envoyé par un manager à son équipe ou à une personne précise, il peut venir d’une autre équipe pour une aide apportée ou être adressé par un DG à un manager… Chez FedEx, il existe aussi des prix destinés à reconnaître des qualités spécifiques, comme le prix du meilleur esprit au sein de l’équipe. L’élection du coursier du mois est incontournable dans chaque agence et ce sont les clients qui désignent le coursier de l’année avec à la clé, pour le lauréat, une reconnaissance financière et une petite cérémonie« .

 

Diplôme et pin’s

Chez Sodexho, aux Pays-bas, collaborateurs, clients et consommateurs sont appelés à élire sur Internet le meilleur employé et le meilleur site, et les résultats sont proclamés lors d’une grande soirée festive… En France, depuis 2006, environ 400 employés ont reçu un diplôme. « C’est un vrai certificat de qualification professionnelle, reconnu par la branche, explique Christian Lurson dans la revue Lamy DRH de janvier 2009. Chaque diplômé a suivi entre 80 et 300 heures de formation et cela concerne de nombreux métiers : employés qualifiés, techniciens, cuisiniers, directeurs de site… Chaque année nous organisons des cérémonies sur la France entière pour la remise officielle. On invite le personnel, les responsables hiérarchiques, et nous partageons des moments d’émotion car un certain nombre de nos employés n’ont jamais eu de diplôme avant celui-ci« .

Une fois par an, une fête est organisée à Paris pour les salariés qui totalisent trente ans d’ancienneté. Ils sont généralement entre 100 et 200 et reçoivent chacun un pin’s en or en signe de gratitude pour leur travail et leur fidélité. « Dans un secteur où le turn-over est aussi important, souligne Christian Lurson, nous nous devons de fidéliser nos collaborateurs. La reconnaissance et la promotion interne, qui en est une composante, y contribuent largement. Je constate aujourd’hui un sentiment très fort d’appartenance et un engagement supérieur de nos collaborateurs« .

Les gadgets de la reconnaissance
« Si une performance est très profitable à l’entreprise, la récompense peut paraître minable, avise Anousheh Karvar, secrétaire nationale de la CFDT, responsable de la politique internationale et des questions de société. Lorsqu’un salarié de Renault Trucks a suggéré une amélioration sur la chaîne de montage qui a fait économiser à la firme 20 000 € par an, il a reçu en guise de récompense des points pour gagner une cafetière électrique… Le concept de reconnaissance peut rapidement provoquer de la méfiance. Certains peuvent considérer que c’est infantilisant, à moins de pouvoir capitaliser sur une gratification et de s’imposer ».

« Si c’est simplement cosmétique, c’est catastrophique, les salariés s’en aperçoivent tout de suite, renchérit Yann Laroche, conseiller spécial du président d’EDF, ancien DRH d’EDF. Le seul mot qui vaille, c’est le respect de la personne. Tout en trouvant le bon curseur entre l’individuel et le collectif« .

La reconnaissance ne détrônera pas de sitôt les concepts de respect au travail, de justice organisationnelle et d’équilibre vie personnelle – vie professionnelle, sans lesquels elle n’est pas crédible.

 

 

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