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« La législation communautaire vous donne le droit d’acheter jusqu’à plus soif » annonce le principe n°1 de la charte sur « La protection des consommateurs dans l’Union européenne », émise par Direction générale « Santé et protection des consommateurs » (DG SANCO), le 20 juillet 2004.

 

L’Européen apaise peut-être bien sa soif de consommation, mais les litiges sont nombreux, et les recours ardus. 100 millions des consommateurs auraient chaque année un problème avec un professionnel. 76 % des consommateurs européens seraient prêts à saisir les tribunaux s’ils pouvaient se grouper avec d’autres consommateurs.

 

Comment évolue le droit des consommateurs en Europe ? Le point avec Monique Goyens, directrice générale du BEUC, Bureau Européen des Unions de Consommateurs.

 

Quels sont les principaux litiges recensés en Europe ?

En moyenne, le consommateur se plaint davantage des services que des produits. L’éventail comprend surtout la téléphonie, l’énergie et les produits financiers. Notamment, lorsque le crédit est soumis à des clauses abusives, ou lorsque des produits financiers ont été présentés comme étant sûrs. Quand les plaintes sont très nombreuses au niveau national, le BEUC peut exiger une réglementation au niveau européen, comme dans le cas du roaming (les appels depuis l’étranger surtaxés par les opérateurs téléphoniques).

 

Graph

 

Dans certains domaines, nos intérêts convergent avec ceux des organisations de défense des travailleurs. C’est le cas des nanotechnologies. Comme le consommateur n’est pas vraiment au courant de ce que sont les produits issus de technologies nano et leurs risques potentiels sur le cerveau humain, le Beuc tient à jour un inventaire

 

 

Plusieurs directives européennes sont en préparation. Manifestent-elles des avancées dans la protection du consommateur ?

La nouvelle directive générale sur la consommation menace la pérennité de mécanismes plus protecteurs en vigueur dans plusieurs Etats membres. Les parlementaires français, allemands, anglo-saxons, autrichiens, mais aussi ceux de Slovénie, d’Irlande et de Lettonie sont très attentifs à ces projets.

 

L’Assemblée Nationale française rapportait en mai 2009 que c’est une étape essentielle dans la perspective de la création d’un Cadre commun de référence pour le droit des contrats. La Commission commence par harmoniser les droits des consommateurs en remplaçant 4 directives : sur les contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, sur les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, les contrats à distance et sur la vente et les garanties de biens de consommation.

 

Cela va affecter 6 autres directives réglementant les voyages, vacances et circuits à forfait ; le commerce électronique ; les services financiers à distance ; les services ; le crédit à la consommation; et les biens à temps partagé («  time share  »).

 

Le décloisonnement du marché intérieur bénéficie aux entreprises, qui voient leur marché potentiel accru et leurs charges réduites, et non aux consommateurs, qui voient dans grand nombre d’Etats leurs droits rognés, certains en concluent qu’il s’agit d’un texte pour les entreprises, plus spécifiquement adressé aux PME. C’est une critique très forte, car, philosophiquement, le droit de la consommation est d’inspiration humaniste : il vise à protéger la partie faible dans une relation contractuelle qui est jugée déséquilibrée.

 

consomamteurs

Quels sont les recours en justice possible pour les consommateurs européens ?

Treize Etats membre seulement ont un système d’indemnisation des victimes (Autriche, Bulgarie, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède et le Royaume-Uni. La Finlande et la Suède disposent également de mécanisme de médiation (Alternative Dispute Resolution – ADR), sur lequel la Slovénie prend exemple. Les 14 autres Etats n’ont aucune procédure spécifique qui prenne en compte les plaintes collectives et l’indemnisation des victimes.

 

Le Marché unique offre aux consommateurs un choix toujours plus large de produits. Mais en cas de problème, le recours coûte souvent plus cher à l’acheteur que la compensation financière, qu’il peut obtenir, et cela même si le fournisseur a abusé plusieurs individus. Les consommateurs de plusieurs Etats membres devraient pouvoir s’allier en cas de litige commercial. Nous plaidons pour une amélioration des recours en justice et de l’indemnisation des victimes. Il faut absolument créer une procédure d’action collective européenne.

 

 

Quel sort attend la proposition de class action à l’européenne ? En France, le projet est enterré pour la 3ème fois consécutive.

La nouvelle Commission doit encore être avalisée par le Parlement pour que son travail reprenne. Les parlements nationaux attendent probablement les deux directives concernant l’action collective qui sont dans les tuyaux. L’une vient de la DG Concurrence. Elle concerne les entreprises qui ont des pratiques anti-concurrentielles, ou font de la publicité mensongère.

 

La seconde est encore dans le giron de la DG consommation. Le futur commissaire maltais John Dalli se retrouvera en principe en charge du dossier. Je viens de le rencontrer, mais il n’a pas pu me dire comment il comptait le traiter. La proposition (livre vert) a été soumise à la consultation entre mai et juillet dernier. Sur 100 réponses, les deux tiers provenaient de l’industrie. 

 

L’industrie veut à tout prix empêcher la mise en place d’un système à l’américaine qui garantisse une compensation individuelle après un recours collectif. Pour l’instant cela n’existe qu’au Portugal, dans les autres Etats membre, les entreprises peuvent avoir une amende, mais celle-ci n’a pas vocation à indemniser les victimes. Aux USA, la « class action » permet à une victime démontrant appartenir au groupe de consommateurs victimes d’une même infraction de bénéficier d’un jugement et d’une indemnisation sans avoir été partie au procès. Lorsqu’un contrat est dénoncé devant un tribunal, tous les clients concernés sont considérés comme plaignants, sauf s’ils se dédisent.

 

 

Quelques chiffres : (source DG Sanco)

100 millions de consommateurs lésés chaque année

Préjudice estimé à 100 millions d’euro, soit 384 euro par personne et par an

 

 

  • Le réseau de Centres européens de consommateurs de la Commission sera progressivement étendu à l’ensemble de l’UE élargie au cours des prochaines années. Ces centres peuvent vous conseiller sur vos droits quand vous achetez par- delà les frontières. Pour l’instant, le réseau de Centres de consommateurs européens couvre 13 États membres.

 

Créé en 1962, il regroupe 43 associations de 31 pays (L’UE, à l’exception de la Lituanie, ainsi que la Croatie, Macédoine, Suisse et Norvège).

 

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