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Notes de lecture sur la Prospérité du Vice. On connaît les talents de pédagogue de Daniel Cohen, comme sa capacité à intégrer les mutations économiques dans des perspectives larges et longues. Un de ses premiers ouvrages s’intitulait « Richesse du monde, pauvreté des nations » et sa dernière publication « La prospérité du vice »ouvre sur la naissance de l’économie et la révolution néolithique. La consommation n’était pas au centre de ses analyses, ni en tant que ressort dominant de la croissance, ni comme phénomène sociologique ou culturel.

monde fini

C’est d’autant plus intéressant de lire ce qu’il en pense dans deux publications récentes. Dans son dernier livre La Prospérité du vice (septembre 2009), où il fustige notre addiction à la croissance et s’inquiète de « l‘encombrement » de notre planète, il explique que si la Chine devait se caler sur les habitudes de consommation américaines, elle consommerait rapidement les deux tiers du niveau de production mondiale de céréales et la totalité des forêts de la planète seraient englouties dans sa consommation de papier. Il cite Lester Brown « Le modèle économique occidental est inapplicable à une population de 1,45 milliard de chinois (en 2030). Et pas davantage évidemment à l’Inde dont la population sera à cette date supérieure à celle de la Chine ». En conséquence, la question majeure du XXIe siècle sera, toujours selon Daniel Cohen de « transformer les normes de consommation occidentales de manière à les rendre compatibles avec leur généralisation à l’ensemble du monde ».

Dans le rapport du Centre d’Analyse stratégique (CAS) « Sortie de crise. Vers l’émergence de nouveaux modèles de croissance », rapport à vocation plus franco-française qu’il introduit, il analyse le sentiment de baisse du pouvoir d’achat en distinguant la part contrainte de notre consommation qui n’a cessé de croître (elle passe entre 1960 et 2006 de 20% à 36%) de la part disponible. La hausse des prix d’une grande majorité des achats obligés et les plus courants, logement en tête, empêche de libérer du pouvoir d’achat pour les nouveaux produits et en particulier les produits high tech et les achats exceptionnels. Malgré la baisse du prix unitaire de ces articles et l’envie qu’ils suscitent, la demande n’est pas solvable. Cette situation augmente les inégalités. Entre 1979 et 2005, les dépenses contraintes sont passées de 24% des dépenses à 48% pour les plus faibles revenus. Elle entrave gravement le développement de nouveaux modèles de croissance basés sur l’innovation et le renouvellement rapide des produits high tech.. Entre le risque pour notre planète lié à l’hyperconsommation dans certains pays, le risque économique qu’un marché non solvable fait courir à la production innovante et le risque social comme conséquence d’une consommation inégale et trop contrainte, la voie est étroite !

La lecture de Daniel Cohen contribue au moins à y voir plus clair, ce qui n’est pas rien, si comme il l’écrit : « L’humanité doit parcourir mentalement le chemin inverse de celui que l’Europe a suivi depuis le XVIIe siècle, et passer de l’idée d’un monde infini à celle d’univers clos ». Et il ajoute « Cet effort n’est ni impossible, ni même improbable, mais plus simplement : il n’est pas certain ». Souhaitons nous bon courage !

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Directeur d’une Agence régionale de développement économique de 1994 à 2001, puis de l’Association Développement et Emploi, devenue ASTREES, de 2002 à 2011. A la Fondation de France, Président du Comité Emploi de 2012 à 2018 et du Comité Acteurs clés de changement-Inventer demain, depuis 2020. Membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire des cadres et du management. Consultant et formateur indépendant. Philosophe de formation, cinéphile depuis toujours, curieux de tout et raisonnablement éclectique.