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Italie : la santé des indépendants en question

publié le 2010-10-21

6,2 millions ! Le nombre de travailleurs indépendants est traditionnellement élevé en Italie. Il oscille depuis trente ans entre 4 et 6 millions, suite aux transformations du marché du travail et à l’arrivée en 1997 des « co-co-co » (les contrats de collaboration coordonnée et continue).

 

Sur une population de 25 millions d’actifs (BIT, 2010), les travailleurs indépendants représentent 24% de l’emploi d’après l’Institut national italien d’assurance contre les accidents du travail (INAIL, 2008). La moyenne européenne est bien en-dessous : à 15%. Selon la loi italienne et comme souvent en Europe, le travailleur indépendant fournit une prestation pour le compte d’un employeur dont il n’est pas le salarié, qu’il soit indépendant ou parasubordonné : « co-co-co » ou « co-co-pro » (en contrat de collaboration de projet), un statut datant de 2003, qui offre des garanties supérieures (voir pdf). Les caractéristiques sont : autonomie, absence de relation de subordination, durée de prestation, et le recours à une infrastructure productive et matérielle distincte de celle du client (Code Civil, art. 2222).

 

En trente ans, le travail indépendant a changé de visage. Dans les secteurs traditionnels : agricole (-84 000) et petit commerce, l’auto-entrepreneuriat a baissé, alors qu’il a connu un boom dans le BTP (+76 000) et les activités tertiaires (+58 000) : conseils financiers, gestion, services éducatifs, médico-social.

 

En réaction aux accidents

Les abus concernant les « faux » indépendants dans le secteur du bâtiment sont préoccupants. L’entreprise réduit les « coûts fixes » en personnel exigé par un chantier en les transformant en « coûts variables ». En particulier pour les travaux du type : pose des sols, charpente, toiture… ou encore pour des tâches qu’il est en principe impossible de réaliser seul. Les instances de supervision du travail, conscientes du problème, en ont démontré l’illégalité et le danger.

 

D’après l’INAIL, environ 7% des accidents du travail concernent des indépendants. Ce qui est relativement faible, vu qu’ils représentent 25% de la population active. Mais la moitié des accidents survient dans le bâtiment, un quart dans l’industrie manufacturière et 15% dans celle du bois. Ce qui ne correspond pas à la proportion globale de blessures (infortuni) et de cas mortels (casi mortali) recensée dans le graphique ci-dessous.

 

graphique italie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La législation a d’ailleurs suivi la recommandation du Conseil européen de 2003 concernant la santé et sécurité au travail des travailleurs indépendants. Elle a introduit la notion de protection de tous et a mis en place des obligations (impératives) ainsi qu’un certain nombre de facultés (au sens juridique). Elle impose notamment d’utiliser des outils conformes aux normes, un équipement de protection individuelle. Le travailleur indépendant doit également porter un badge spécial avec photo et informations personnelles. Le donneur d’ordres doit en principe vérifier ces exigences chaque fois qu’un travailleur indépendant fournit une prestation.

 

Entre autre, l’indépendant a la possibilité de bénéficer de consultations médicales et de formation de prévention santé et sécurité adaptée aux risques liés à son activité. Lorsqu’il envisage de faire appel à un indépendant, l’employeur doit vérifier les compétences professionnelles et techniques du contractant et doit lui fournir des informations détaillées sur les risques spécifiques qu’il encoure.

 

Nouvelles cibles

Les ministères de la santé et du travail ont lancé un projet expérimental dans cinq régions : les Pouilles, la Toscane, le Lazio, la Vénétie et la Campanie. Ils ont créé des points de contrôle et de prévention, dans le but de prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles chez les travailleurs indépendants.

 

Ce projet vise en particulier à créer, mettre en place et à disposition des outils d’analyse de risque et prendre les mesures adéquates de prévention et de protection. Les risques professionnels seront indexés dans un registre médical spécifique. Le système d’information national comportera une section dédiée aux indépendants, qui sera régulièrement mise à jour.

 

L’expérimentation concerne des métiers choisis en accord avec les représentants des employeurs. Dans le BTP, elle cible notamment les métiers de maçon, charpentier, électricien, plombier, installateur d’antenne, métallier, chauffagiste, carreleur. Dans le secteur agricole, elle tient compte aussi des jardiniers. Et dans le monde des services, elle se restreint pour le moment aux coiffeurs et aux esthéticiennes.

 

Actuellement se déroule la collecte des outils de formation et des informations disponibles au niveau national et européen. L’équipe responsable teste de nouveaux outils de formation. La Vénétie expérimente un service de santé publique pour les travailleurs indépendants. Les protocoles médicaux sont presque arrêtés. En 2011, ce service lancera des campagnes de prévention et des formations-tests.

 

Domenico Taddeo est directeur scientifique du projet sur les travailleurs indépendants

Traduit par Claire Piot

 

 

Voir aussi

fiche pays de la Fondation de Dublin sur le travail indépendant (en anglais)
– le site de l’INAIL (Istituto Nazionale Infortuni sul Lavoro)

 

Repère Italie (BIT 2010)

population active : 25 millions

taux d’activité : 48,7%

taux de chômage : 6,8 %

taux de chômage des jeunes : 27,9%

 

 

 

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