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Le secteur de la santé et des services sociaux associés est en plein développement en Europe. Il concerne 20 millions de personnes. Les dépenses de santé augmentent et changent de nature. L’impact du vieillissement des populations est considérable : en 2040, selon l’INSEE, il devrait y avoir 10 millions de personnes de plus de 75 ans en France.

 

emploi blanc

Le secteur sanitaire (hôpitaux, cliniques, centres de convalescence et de ré-adaptation) se « gériatrise » en accueillant de plus en plus de personnes âgées. De manière symétrique, le secteur médico-social (maisons de retraite privées, publiques, associatives) se médicalise en accueillant des résidents de plus en plus tard (la moyenne d’âge dans les maisons de retraite est de 84 ans et deux mois en 2007) et atteintes de pathologies graves, et surtout de plusieurs pathologies. Des compétences nouvelles (gériatrie bien sûr, mais aussi les compétences des professions paramédicales : kinés, sophrologues, psycho-motriciens…) deviennent nécessaires. 84% des résidents en maisons de retraite sont considérés comme « dépendants »(GIR – groupe de classement-  1 à 4) et 50% comme très dépendants (GIR 1 et 2).

 

Les « emplois blancs » en Europe sont d’une grande importance : ils représentent 20 millions de personnes (dont seulement 2,3 millions dans les nouveaux Etats membres) soit 10% de la population active. Ils augmentent régulièrement de 2% par an. L’une des études prospectives du Programme « New skills for new jobs » de la Commission Européenne y a été consacrée en 2008-2009 (« Health and Social Services », TNO). Elle montre des secteurs (sanitaire et médico-social) de plus en plus intégrés, une demande croissante de services de tous types pour les personnes âgées parallèle à une demande de prévention et de prise en compte des facteurs liés aux modes de vie.

 

Les facteurs déterminants qui influent sur le volume et la qualité des emplois dans le secteur sont les budgets publics pour la santé, la dépendance, et les règles du jeu en matière de sécurité sociale, ainsi que les niveaux de revenus. Partout on observe une contradiction entre les besoins de financement liés au vieillissement des populations et le resserrement des budgets publics.

 

En France, ce sont 2 millions de personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et du social : on y trouve tout l’éventail des qualifications, depuis l’ASH (Agent des services hospitaliers) en charge du « bio-nettoyage » jusqu’au médecin spécialiste hautement diplômé de telle ou telle discipline. Mais tous les métiers y sont exigeants en terme de compétences, et pour un grand nombre d’entre eux réglementés (au sens où leur définition relèvent de décrets : la définition des fonctions et tâches d’une infirmière ou d’une aide-soignante par exemple, et au sens où les nombres de places en formation initiale sont déterminées par les Pouvoirs Publics). Le niveau d’éducation du secteur se situe 13 points au-dessus de la moyenne de la population active. Comme dans de nombreux autres métiers, la proportion de personnes peu qualifiées est en diminution. Par ailleurs, un grand nombre d’établissements ont tendance à externaliser auprès de grandes sociétés de services les fonctions de faible niveau de qualification : nettoyage et entretien, stérilisation des instruments.


Les femmes en blanc

Les métiers blancs sont des métiers de femmes, d’autant plus en raison de la féminisation du corps médical. 80% des emplois du secteur en Europe de l’Ouest (UE15) sont occupés par des femmes, 81% en Europe de l’Est. En France, parmi les 496 000 infirmiers et infirmières qui exercent leur métier actuellement, à l’hôpital public, en clinique, en maison de retraite ou en libéral, 87% sont des femmes. Elles exercent pour 53,7% à l’hôpital public, 17,4% dans le secteur privé, 13,7% en cabinet, 4% en EPHAD (Etablissements d’Hébergement des Personnes Agées Dépendantes). Dans certaines maisons de retraite, on compte jusqu’à 98% de salariées… Parmi elles, un certain nombre de personnes de faible niveau de qualification, se trouvant dans des situations sociales difficiles, et pour lesquelles – surtout en milieu rural -, l’emploi dans une maison de retraite est une des rares opportunités. En fait, tout se passe comme si les emplois du soin s’étaient configurés en prolongement des situations domestiques : s’occuper des enfants, des personnes malades, des personnes âgées : une affaire de femmes ?

 

Plus que dans d’autres secteurs, c’est un milieu professionnel où s’observe une grande mobilité. Question de rapport de forces salariés/employeurs: comme il existe des difficultés de recrutement d’infirmières, d’aides-soignantes, elles peuvent changer facilement d’établissement, de ville, de région, voire de mode d’exercice du métier. Aussi les établissements ont-ils souvent un turn over important et difficile à gérer. C’est aussi un milieu dans lequel la formation est importante et des parcours professionnels bien balisés sont possibles : d’aide-soignante à infirmière, d’infirmière dans les services à infirmière de bloc, de brancardier à aide-soignant… C’est également l’un des secteurs les plus utilisateurs de démarches de VAE (validation des acquis de l’expérience).

 

Les caractéristiques des métiers du soin : proximité avec les patients ou résidents, travail coopératif, milieu féminin dans lequel le travail à temps partiel est très répandu, possibilité de changer de service contribuent à l’intérêt du travail quotidien. Et ceci bien que les conditions de travail ne soient pas toujours faciles, que les contraintes budgétaires et de gestion transforment l’exercice des métiers, et que les salaires ne soient pas toujours à la hauteur (pour les aides-soignantes, les agents de service hospitalier et les aides médico-psychologiques en maisons de retraite). Un constat contrintuitif : on est mieux payé à l’hôpital qu’en clinique privée. Nettement.

 

Pour de nombreux salariés, ce sont des métiers qui ont été choisis, voulus, que l’on aime et qui, par-dessus tout, apparaissent comme ayant une utilité sociale, comme ayant du sens. Toutes les enquêtes que l’on peut lire sur le secteur, sur l’ensemble des activités d’aides à la personne, le montrent : et de nos jours, il n’est pas si fréquent de rencontrer une telle adhésion quotidienne à son activité. Une raison de plus de réhabiliter et travailler «  le care ».

 

 

 

Pour en savoir plus

 

–         Etude prospective des métiers sensibles de la fonction publique hospitalière, 2007, Editions de l’ENSP

–         CEREQ BREF N°263, avril 2009, La VAE dans le secteur sanitaire et social

–         FORMAHP Actualités, www.formahp.com

–         Observatoire des métiers, des qualifications du secteur

–         DREES, Etudes et résultats n°699, août 2009

–         Portail des métiers de la santé et du social, www.metiers.santesolidarites.gouv.fr

–         Nicole et Jean Gadrey To care or not to care dans le numéro de Juillet-août 2010 d’Alternatives Economiques.

 

 

 

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.