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Le secteur n’est pas touché par les coupes bugétaires, mais par une privatisation rampante au nom du transfert des pouvoirs de l’Etat central vers la société : citoyens, familles, associations, entreprises.

 

nhs

La coalition Conservatives/Democrats (Con/Dem) a promis de ne pas toucher au budget de la santé (National Health System – NHS) pour conforter son électorat de personnes âgées, les premiers utilisateurs. En apparence le budget ne sera donc pas réduit de 20 à 40% comme tous les autres. « Le problème, prévient Dr Henry Leroi du Working Life Research Institute, c’est que pour ce nouveau budget, le gouvernement n’a pas tenu compte de l’augmentation du coût des soins de santé à cause du vieillissement de la population et de celui des médicaments (+10%). De plus, le budget inclut cette fois-ci le coût des services sociaux (aide aux personnes âgées) dans ses calculs. Il faut donc s’attendre à un déficit de 20 milliards au cours des trois prochaines années ».

 

Parallèlement, le gouvernement prévoit une restructuration en profondeur des services de santé. En juillet dernier, Le gouvernement Cameron avait annoncé que le NHS allait être « dénationalisé » d’ici 2014. Il restera gratuit pour tous « au point d’entrée », mais sera composé d’hopitaux autogérés sous le nom de « NHS foundation trusts ».

 

Comme le rappelait l’article des Echos « Les quelques dix autorités stratégiques de santé et 150 trusts de soins, qui, sous la tutelle du ministère de la Santé, étaient chargés de gérer les soins en Grande-Bretagne (hôpitaux, achat de médicaments, etc.) et comptaient environ 64.000 employés, vont ainsi être remplacés par environ 500 consortiums constitués de représentants de médecins généralistes. (…) Ils seront responsables de la gestion pour chacun de leur district, d’environ 75 % du budget du NHS, estimé à 110 milliards de livres. Alors que certains praticiens n’ont pas les compétences requises ni la volonté de prendre un rôle actif dans ces nouvelles attributions, les consortiums devraient faire appel aux employés des ex-trusts de soins ou à des entreprises privées pour remplir leur mission ».

 

Privatisation rampante

Au sein du NHS, 38 entreprises « sociales » fournissent à présent des services rapportant 900 millions de livres. Mis en place par le dernier gouvernement travailliste, un « droit de prestation » permet à des entreprises sociales de proposer leurs services s’ils s’estiment plus compétents que les collectivités locales. Ce droit est couplé à un « droit de contestation » de la compétence publique.

 

Cette restructuration s’effectue donc au nom du transfert des pouvoirs de l’Etat central vers la société (citoyens, familles, associations, entreprises) ! Et elle veut faire école. Le ministre du Cabinet Office Francis Maude vient d’annoncer pouvoir confier des prestations de santé, de soutien sanitaire et éducatif pour les enfants de familles en difficulté, voire le rôle de précepteur d’impôt à des sortes de coopératives du type « John Lewis ». Ces mutuelles seraient des sociétés dans lesquelles les salariés ont un intéressement selon la formule adoptée par la chaîne de magasins John Lewis en 1950. (Public sector workers encouraged to form John Lewis-style co-operatives)

 

La société de distribution John Lewis, qui existe au Royaume-Uni depuis près de 150 ans, est la plus grande entreprise d’actionnariat salarié du pays. Elle gère 27 grands magasins et près de 170 supermarchés. Ses 63 000 salariés permanents sont des « associés » qui, ensemble, contrôlent la société. Il n’y a aucun actionnaire extérieur et toutes les actions de la société sont détenues dans un fonds commun spécialement créé pour les salariés, selon le BIT.

 

Maude a dit qu’il était neutre quant à savoir si les entreprises privées devraient chercher à prendre le relais des mutuelles en difficulté, il préfèrerait que le secteur public conserve une participation dans ces sociétés coopératives.

 

La réaction de Tony Woodley, secrétaire général de Unite a été très virulente. « Penser que le traitement du cancer peut être mis sur le même plan que la charité et l’assistance. Répéter le nom de « John Lewis » à tout bout de champ, pour justifier ces réformes c’est malmener et pervertir la langue anglaise. Vous allez chez John Lewis pour acheter un canapé ou un frigo, pas pour suivre une chimiothérapie ! ».

 

Unite craint que cette réforme mène à la plus grande vague de privatisations depuis les années 1980, d’où la campagne de mobilisation « Don’t destroy our NHS! » (Ne détruisez pas notre NHS). Les quelques 100 000 affiliés du secteur de la santé sont invités à écrire à leur député pour que leur avis pèse sur le Livre Blanc sur les politiques de Santé Publique (public health white paper) qui sera publié le mois prochain. Unite énumère les écueils :

 

–        davantage de bureaucratie pour gérer des prestations qui seront forcement soumises à un processus d’appel d’offres, conformément à la législation européenne. A moins que les pouvoirs publics n’en fassent fi.

–        moins d’argent pour soigner les patients, car la privatisation s’avère plus chère (comme en Suède)

–        davantage d’argent et de profits pour les sociétés médico-sociales privées

–        l’inégalité croissante de l’accès aux soins selon l’implantation géographique

 

Enfin, cerise sur le gâteau. Le Guardian a révélé la semaine dernière que les compagnies de fast food et de boissons comme McDonald’s, KFC, PepsiCo, Unilever and Diageo participaient à l’élaboration du Livre Blanc. « C’est comme de confier la charge des dépenses publiques et des prélèvements à des banquiers, commente un lecteur, avant d’ajouter avec un amer pressentiment : Oh wait ! ». L’éditorialiste Seumas Milne s’alarme, rappelant les enjeux sanitaires et démocratiques de telles décisions, sûr que le NHS ne sortira pas indemne de cette cure d’austérité.

 

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