Metis a déjà abordé plusieurs fois la crise du travail chez France Télécom, autre élément du dossier : un numéro hors-série de Travail et Changement, la revue de l’ANACT, relate et tire les enseignements d’une longue intervention récente dans l’entreprise.
L’ANACT avait initié des contacts avec FT dès 2008, avant la vague de suicides. Puis un travail a été mené, parallèlement à d’autres démarches (Technologia, Alpha…) avec la Direction des métiers de la relation clients sur trois centres d’appel : Ivry, Villeneuve d’Asq et Nice. Le travail en centre d’appels est contraignant, stressant, encore davantage lorsqu’il est conçu de manière taylorienne. Les téléconseillers sont souvent d’anciens techniciens que l’on a ainsi « reclassés » dans un métier qui n’était pas le leur et n’est peut-être pas fait pour eux.
Les consultants de l’ANACT ont travaillé en même temps avec tous les partenaires : les cadres, les syndicats et des groupes de salariés. Des constats se sont très vite imposés : 1) il n’y a pas d’accord entre les uns et les autres sur ce qu’est « le travail bien fait » d’un téléconseiller ; 2) les salariés des centres d’appel ne comprennent pas ce qu’est le travail « des cadres tirés par des missions plus éloignées » ; 3) c’est au coeur de l’organisation du travail que se jouent les choses.
Des changements ont été proposés et mis en œuvre : 1) davantage d’autonomie pour chaque téléconseiller dans la manière de traiter les appels; 2) on a redécouvert qu’il est plus pertinent d’utiliser ses propres mots plutôt que de suivre le « script » et le discours « Actes » imposé en 2004 a été supprimé ; 3) des débats réguliers sur le travail lui-même ont été instaurés.
Est-ce à dire que l’organisation précédente était stupidement taylorienne, rigide et pathogène ? Oui on peut le dire. Et comment peut-on dans une entreprise de technologies de communication, innovante sur ses produits et ses services, être aussi peu intelligent dès lors qu’il s’agit du travail et de son organisation ? C’est d’abord que l’on « réifie » le travail, on le traite comme une chose, comme une grandeur économique comme une autre, et c’est aussi que l’entreprise privée d’aujourd’hui ne pas veut courir le risque de la moindre perte de productivité. Cela s’appelle la pression économique.
De très nombreux chantiers sont encore ouverts dans les Centres où ont travaillé les équipes de l’ANACT et leurs interlocuteurs : comment diminer la pression de la productivité, les parcours professionnels, les objectifs donnés aux managers, les évaluations individuelles… « Je pense que l’ANACT n’est pas allée assez loin dans l’analyse des méthodes de management », écrit un syndicaliste (Guy Fages, CFDT). Pour le dire autrement, on ne peut agir sur les conditions de travail qu’en agissant sur l’organisation du travail elle-même. L’exemple de la démarche « OTR », Organisation du Travail Responsable, chez Generali le rappelle utilement. Mais les syndicats demeurent bien faiblards et sont devenus assez incultes sur le sujet !
France Télécom : à suivre donc. Mais pourquoi diable dans le même temps la plupart des grandes entreprises de service (les banques, la SNCF, la Poste…) sont-elles en train de faire ce qu’a fait France Telecom il y a quatre ou cinq ans : industrialisation de tous leurs process, standardisation des services, utilisation massive des répondeurs automatiques, externalisation des contacts clients?
Pour en savoir plus :
Halte à la taylorisation des services ! Anact – Travail et Changement – hors série -Juin 2011
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