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En matière de restructuration, la Finlande peut se poser en mètre-étalon. Revue de bonnes pratiques dans le secteur de l’éducation, où le taux de syndicalisation est de 95%.

 

finlande

Deux réformes majeures ont affecté l’éducation en Finlande. Primo, une réforme territoriale qui a agrandi les régions pour en diminuer leur nombre, le gouvernement s’engageant à garantir le nombre de postes pendant 5 ans. Secundo, les universités sont devenues indépendantes en 2010. La réforme universitaire va provoquer des fusions d’universités et des alliances stratégiques pour créer de nouvelles unités. Le corps enseignant du supérieur n’étant plus fonctionnaire, ce sont les directions des ressources humaines des universités qui négocient les nouvelles conventions collectives.

 

Le secteur éducatif en Finlande compte près de 161 000 employés. Un chiffre en légère baisse selon Eurostat (4, 3% entre 2007 et 2008). Le personnel est employé au deux tiers par les municipalités et est majoritairement féminin. « Les jeunes recrues sont plutôt employées en contrat à durée déterminée surtout dans le secteur de l’éducation qui compte un tiers de CDD » explique Pertti Jokuvuori, professeur à l’Université de Jyväskylä. Pas d’équité intergénérationnelle donc, qui voudrait que les contrats ne soient pas différents selon l’âge dans ce secteur public, qui a cependant été épargné par la multiplication de vacataires et des faux indépendants.

 

En comparaison, les services publics « souffrent moins qu’au Royaume-Uni ou qu’en Europe centrale », explique le rapporteur de l’enquête finlandaise pilotée par Astrees etle WOrking Lives Research Institute sur les restructurations dans la fonction publique en Europe. Suite au ralentissement de l’activité économique, la baisse des prélèvements fiscaux a affecté les budgets de l’éducation. Cela inquiète les professeurs. Dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, des enquêtes annuelles par questionnaire analysent systématiquement la qualité et le bien-être au travail des professeurs. Ainsi, selon la dernière étude générale de satisfaction sur 10 ans, 80% des enseignants se déclarent satisfait de leur emploi. Ils dénoncent cependant la pression et le manque de temps (la durée moyenne de travail est de 39 heures, elle monte à 42,2 heures dans le secondaire). 4% des enseignants souffrent d’épuisement professionnel, ce qui correspond au taux moyen dans la population.

 

Sacro-sainte employabilité

Enseignants, représentants syndicaux et représentants du ministère de l’éducation nationale se rassemblent dans des commissions de réflexion sur la qualité du travail, sur les CDD et la façon de les titulariser, sur l’allongement des carrières, vu que l’âge d’accès à la retraite a été repoussé. L’employeur public tient à permettre l’employabilité. Aussi le management du changement et des émotions est aussi important, que le management des qualités et des technologies. Cela étant, les seniors sont davantage protégés du changement que les jeunes. Le « modèle de changement sécurisé » permet d’étendre les droits des employés au programme de requalification du service public de l’emploi.

 

Toutes ces approches mettent l’accent sur le maintien de la capacité à travailler. Selon Pertti Jokuvuori, « le programme OVASAA est le meilleur exemple des relations industrielles fructueuses ». Lancé en février 2010 par le Ministère de l’éducation, il entend développer les compétences professionnelles des groupes d’enseignants les plus fragiles : les professeurs de plus de 55 ans, à temps partiel ou remplaçants. 10 000 participants suivent une formation tous les ans. Les premiers échos sont enthousiastes.

 

Autre exemple majeur. Jyväskylä, la ville étudiante par excellence a connu 15 ans de concentration éducative au sein du Consortium éducatif de Jyväskylä (JEC). Le JEC rassemble tous les instituts de formation professionnelle spécialisés et généralistes du secondaire et du supérieur (hôtellerie, soins, technique, management, beaux arts) et couvre à présent 12 municipalités. Le bénéfice de ces fusions est avant tout financier, car il diminue la compétition entre les institutions éducatives de la région. Les représentants du personnel ont accompagné ces fusions et s’estiment satisfaits. Pourtant, les problèmes de santé mentale des professeurs et du personnel administratif ont augmenté. Certains ont mal accepté le changement soit parce que leur charge de travail a augmenté, soit parce que leur mission est moins valorisée et qu’ils se sentent « inutiles ». Ainsi sur le long terme, les retombées sociales (absentéisme, maladie) sont de 4 points supérieur à la moyenne du secteur éducatif. « La raison principale est que la concertation était menée par le management du JEC, et laissait peu de marge de manœuvre pour anticiper les réorganisations » conclut le rapport. Accompagner ou anticiper, tel est le mètre-étalon.

 

 

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