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Belgique : la révolution ambiguë des Smart Work Centers

publié le 2012-11-20

Après les Pays-Bas et la Corée du Sud, la Belgique vient également de se doter d’un réseau de Smart Work Centers. Présentés par leurs promoteurs comme l’exemple même de l’équilibre possible entre flexibilité, innovation, contrainte écologique et bien-être individuel, ils ne sont pourtant pas sans poser quelques questions.

 

smart work center

Le lancement en 2008 du tout premier Smart Work Center aux Pays-Bas a été accueilli avec enthousiasme par la plupart des observateurs. « Et s’il y avait un moyen pour que les gens travaillent plus efficacement, évitent les embouteillages, atteignent un meilleur équilibre travail-vie privée, économisent l’énergie et réduisent les émissions de CO2, tout en aidant les entreprises à diminuer leurs coûts? ». Pour le site d’information Euractiv, nul doute que ces centres de travail « intelligents » offrent la solution idéale.

 

Ce faisant, il partage l’avis de la municipalité d’Amsterdam, à l’origine du projet pilote. Ce dernier s’inscrit dans le programme « Amsterdam Smart City », qui vise à réduire de 40% les gaz à effet de serre émis par la ville d’ici à 2025. Le concept ? À mi-chemin entre un bureau traditionnel et le télétravail, les SWC sont des tiers-lieux permettant d’offrir les avantages du télétravail (flexibilité, mobilité) tout en évitant les inconvénients du travail à domicile (isolement, déconcentration). Une option aux allures de gagnant-gagnant. Moins de perte de temps et de stress pour l’employé. Hausse de la productivité et baisse des coûts pour l’employeur. Et une empreinte écologique moindre.

 

Les SWC arrivent au plat pays

Séduite par l’idée, la Région Wallonne a décidé de se lancer dans l’aventure. Depuis 2011, 8 centres émaillent son territoire, mais à terme l’ambition est d’en arriver à une trentaine de centres dans toute la Belgique. C’est actuellement l’asbl Eurogreen IT qui supervise le projet. Il s’agit d’un partenariat public-privé créé en 2010 dans le cadre du « Plan Marshall 2.vert » de la Région Wallonne. Parmi les entreprises impliquées, on retrouve CISCO qui est à l’origine de l’expérience néerlandaise. Ces contacts ont permis à une délégation belge de se rendre à Amsterdam pour découvrir sur place la réalité du projet.

 

Le SWC de Louvain-la-Neuve, près de Bruxelles, offre ainsi « une trentaine de postes de travail partagés et pré-équipés, de même que des services tels que l’accès haut débit et sécurisé à Internet, des salles de réunion ou de conférence, une salle de congrès, un centre d’impression et de numérisation, un point poste et de restauration. Il est également possible d’accéder à des services bancaires, de blanchisserie et de repassage. » Selon le forfait et la formule choisie (ex : abonnement mensuel), le coût horaire d’un espace de travail y varie entre 5 et 10€. Selon Henri Fischgrund, l’administrateur-délégué de l’Axis Parc de Louvain-la-Neuve qui héberge le SWC, la location d’un espace de travail dans un SWC revient à 3.600 € par an, à comparer avec les 11.800 € que coûte un emplacement de bureau traditionnel.

 

Un bilan ambigu

Cela étant, malgré leurs atouts indéniables, les SWC ne constituent pas pour autant la panacée imaginée par leurs promoteurs. À l’image du télétravail en général, ils ne concernent encore qu’une minorité de travailleurs, souvent des hommes hautement qualifiés. Par ailleurs, leur bilan écologique est encore à faire. Non seulement parce que l’usage intensif qu’ils font des technologies de l’information a lui-même un coût environnemental important, mais aussi parce que beaucoup n’y travaillent qu’une faible partie du temps, ce qui diminue d’autant l’impact positif sur le trafic automobile. D’ailleurs, celui-ci est déjà nécessairement limité dans un pays densément peuplé comme la Belgique, où les distances travail-domicile sont plus courtes qu’ailleurs.

 

Enfin, à l’encontre d’une idée reçue, le développement des SWC est davantage lié aux changements d’organisation du travail qu’aux avancées technologiques. Véritables outils de flexibilisation du travail, ils en incarnent dès lors les ambiguïtés, notamment en termes de pression au résultat et de charge de travail. C’est d’autant plus problématique que la fragmentation accrue qu’ils impliquent dans les collectifs de travail rend encore plus difficile les formes traditionnelles d’action syndicale.

 

Photo : Vincent Duterne – www.smartworkcenters.be

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