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par Mathilde Auvillain à Rome

« En Italie, le problème central des douze derniers mois a été celui de la survie ». Le rapport 2012 du Centre d’Études en Investissement Social (CENSIS) établit un constat alarmant de la situation socioéconomique de la Péninsule, mordue par la crise, après être entrée en récession fin 2011. « Aucun sujet de la société – individuel ou collectif, économique ou institutionnel – n’a été épargné  » précisent les auteurs de cette mine d’indicateurs sur la santé du pays.

 

censis

Au cours des derniers mois, sous l’effet d’une combinaison d’« évènements énormes » et de « phénomènes extrêmes » – référence à la crise de l’euro et à ses répercussions politiques et sociales internes à l’Italie – le chômage, la pauvreté et l’inquiétude des Italiens face à l’avenir ont augmenté de concert. Les chiffres avancés révèlent qu’en 2012, 8 millions d’Italiens vivaient avec moins de 1000 euros par mois. Une chute du niveau de vie qui n’avait pas été observée depuis plus de 27 ans.

Pour faire face à ce moment délicat, les Italiens ont repoussé les achats importants, notamment dans le secteur immobilier, signe d’une crise profonde, dans une société de propriétaires. En 2012, le volume des échanges observé sur le marché immobilier n’avait jamais été aussi faible depuis 1996. Les prêts pour l’achat de maisons d’habitation ont baissé de 20% entre 2008 et 2011 par rapport aux quatre années précédentes, avec une contraction particulièrement forte (- 44%) au cours du premier semestre 2012, par rapport au premier semestre 2011. En 2012, toujours selon le rapport annuel du Censis, 907 000 familles avaient l’intention d’acheter une maison (contre 1,4 million en 2001) mais seules 53,5% de celles-ci ont pu formaliser l’achat. Les foyers qui sont parvenus à acheter sont ceux qui possédaient déjà un autre bien immobilier ou qui pouvaient compter sur deux revenus.

 

Les douze derniers mois ont été caractérisés par une « augmentation exceptionnelle » du chômage en Italie (+ 700 000 unités entre le premier semestre 2011 et le premier semestre 2012) et par une baisse de la consommation. Les Italiens ont réduit leurs dépenses quotidiennes. Selon le centre de recherche, au cours des deux dernières années, 85% des foyers ont éliminé gaspillages et excès, 73% ont fait la chasse aux promotions pour tous les biens de consommation et 62,8% ont réduit leurs déplacements pour économiser sur les dépenses en carburant. Le marché de l’automobile est d’ailleurs en chute libre, tandis que les bicyclettes ne se sont jamais aussi bien vendues : 3,5 millions au cours de l’année passée. 2,7 millions d’Italiens ont aussi entamé ou pérennisé la culture d’un potager pour assurer leur consommation quotidienne en fruits et légumes. Pour combler les fins de mois difficiles, les Italiens ont été contraints de vendre leur or. Pas moins de 2,5 millions de foyers ont vendu or et bijoux et 300 000 familles se sont séparées de meubles, œuvres d’art et autres objets précieux. Enfin, divorcer est aussi devenu un luxe pour riches. Le 46e rapport annuel du Censis révèle qu’en Italie de plus en plus de couples vivent « séparés sous le même toit », par pure exigence économique, sacrifiant leur vie privée pour éviter de basculer dans l’indigence.

 

Les auteurs du rapport font d’ailleurs un parallèle avec la relation entre la classe politique et la population, qui semblent vivre eux aussi « séparés sous le même toit ». 43% des Italiens citent en effet la crise de la morale politique et de la corruption – ils suivent en effet de près les gaspillages d’argent public, le clientélisme et l’évasion fiscale – comme les principales causes de la crise économique. A quelques semaines des élections législatives des 24 et 25 février, 70% des habitants de la Péninsule avouent ressentir de la rage et de la peur pour l’avenir, mais seuls 20% d’entre eux éprouve l’envie de réagir. Cette « disponibilité de l’opinion publique à l’indignation s’inscrit dans un contexte général de crise de la démocratie représentative dans les sociétés européennes » conclut le rapport qui relève cependant que ce phénomène « présente en Italie un caractère plus radical et une diffusion plus importante » que dans d’autres pays.

 

Censis Italie 46° Rapporto sulla situazione sociale del Paese/2012

 

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