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Réveil social chez les émergents

publié le 2013-06-19

BRICS

Avec les émeutes qui ont secoué le pays ces derniers jours, le Brésil devient la dernière « success story » mondiale en date à faire face à une révolte sociale d’ampleur historique. La Turquie l’a précédé de peu avec le mouvement de la place Taksim, tandis que ses homologues des BRICS se sont tous retrouvés dans une situation similaire ces dernières années. De quoi relativiser la réussite insolente dont on affuble souvent les émergents, peut-être d’autant plus remarquable qu’elle contraste surtout avec le marasme dans lequel s’enfoncent les pays occidentaux.

Après la Turquie, c’est le Brésil qui se réveille au son de la révolte urbaine. Des centaines de milliers de personnes manifestent leur mécontentement à travers le pays, face aux dépenses pharaoniques engendrées par l’organisation de la Coupe du monde de football et aux diverses hausses de tarifs qui en résultent pour la population brésilienne. Du jamais vu depuis plus de 21 ans. En Turquie il fallait remonter avant l’arrivée de l’AKP au pouvoir en 2002 pour retrouver la trace d’une révolte populaire d’une telle ampleur. Naturellement, les motifs et les contextes socio-politiques varient grandement d’un pays à l’autre. Mais il est toutefois frappant de noter que ces mobilisations historiques interviennent toutes deux dans des pays habituellement présentés comme des « success story » mondiales des dix dernières années.

En poussant un peu plus loin, on peut d’ailleurs remarquer que l’ensemble des pays des BRICS ont connu ces dernières années des mouvements sociaux d’ampleur historique. En 2011 et dans une moindre mesure en 2012, la Russie a vu des centaines de milliers de personnes descendre dans la rue pour contester la main-mise de Vladimir Poutine sur la gestion politique du pays, un fait rare dans un pays où les manifestations de ce genre avaient jusque-là tendance à rassembler davantage de policiers que de manifestants…

L’Inde, de son côté, a connu en 2013 la plus importante grève générale de son histoire (la première depuis l’indépendance du pays en 1946), avec près de 100 millions de travailleurs en grève contre les conséquences d’une libéralisation économique trop poussée.

En Afrique du Sud, on se souvient de la violence du conflit ayant opposé les mineurs de Marikana à leur direction et au gouvernement en août 2012, avec notamment pour conséquence la mort de 34 mineurs abattus par la police et un imaginaire politique national post-apartheid durablement fissuré.

Enfin, si le verouillage et la répression politique continuent d’éviter toute véritable mobilisation de masse en Chine, les émeutes de travailleurs migrants dans la province du Guangdong en 2011 avaient sonné comme un avertissement, tant par leur violence que par leur durée. De quoi inquiéter un peu plus des autorités qui voient les conflits sociaux se multiplier et se radicaliser en Chine d’année en année.

En toile de fond de ces différents mouvements de grogne, on trouve notamment les conséquences du ralentissement économique mondial, d’autant plus déstabilisateur que la plupart de ces pays s’étaient appuyés sur leurs succès économiques et géopolitiques pour masquer de graves insuffisances en termes de justice sociale ou de participation démocratique. Si on a un temps pu espérer que les BRICS allaient tirer la reprise économique mondiale, c’était sans compter sur leur modèle économique encore trop souvent axé sur les exportations au détriment de la demande intérieure. On observe bien des changements à cet égard, notamment en Chine, mais ceux-ci prennent du temps et il n’est pas certain qu’ils pourront se passer d’une révision en profondeur de l’architecture économique mondiale actuelle, sans compter que la réussite économique ne peut, à elle seule, constituer un projet de société viable à long terme.

 

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