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par Daniel Crezyd

Milipol, le Salon mondial de la sécurité intérieure des États, a fermé ses portes le 22 novembre après quatre jours au parc d’exposition de Villepinte. La visite valait le détour, autant par les particularités du public que par celles des matériels et équipements présentés.

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Milipol, qui est en fait le salon mondial du barbouze, rassemble une population bigarrée bien que très masculine : agents secrets en lunette noire, garde du corps pour émir avec grosses bagues en or, policiers qatariens ou chinois en uniforme, élégants vendeurs d’armes en costume, forces spéciales en tenue de sport. Depuis quelques années, un autre public a rejoint les exposants. Il s’agit d’informaticiens et autres geeks dont l’apparence et les préoccupations, moins marquées par la testostérone, détonnent un peu dans le paysage.

Milipol n’est pas le salon de l’auto et n’est ouvert qu’aux professionnels, mais les visiteurs sont nombreux car le secteur de la sécurité se porte toujours aussi bien. Son marché mondial ne connaît guère la crise. Il a atteint un chiffre d’affaires de 455 milliards d’euros en 2012, en progression de 3,4 %. Dans tous les pays, les Etats se désengagent de leurs missions de sûreté ou de sécurité publique au profit d’entreprises privées. La palme revient aux Anglo-Saxons qui détiennent les poids lourds du secteur. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont les pays étrangers les plus fortement représentés cette année au Salon.

Ce marché a tiré un bénéfice considérable des suites des attentats du 11 septembre quand le terrorisme est devenu le problème prioritaire. La menace ne fait plus autant recette aujourd’hui. En revanche, la protection contre la cybercriminalité connaît assez logiquement son heure de gloire. Progressivement, le numérique est devenu un secteur essentiel dans le domaine de la sécurité. Mais s’agit-il seulement de protéger les Etats ou les entreprises des hackers malveillants ? L’offre technologique évolue à grande vitesse, et la plus récente reflète incontestablement une conception très active de la sécurité.

Cette année, Thales a présenté aussi bien les nouveaux terminaux 4G sécurisés pour les forces de police, que ses technologies de tracking vidéo pour doper l’efficacité des systèmes de vidéosurveillance, ou encore sa plateforme Big Data capable de scanner et d’analyser des milliers de tweets en vue d’en tirer des renseignements utiles aux forces de l’ordre…

Mais Thales n’est pas la seule entreprise à proposer des services pour une surveillance très active des réseaux, elles se bousculaient presque à Milipol. Citons parmi elles, la société italienne Galileo, une PME milanaise qui se présente comme ‘exclusivement orientée sur la sécurité offensive’ et dont la proposition est percutante : « Ce dont vous avez besoin c’est de contourner la cryptographie, récupérer les données intéressantes quel que soit le système qui les contient (smartphone, pc,…), et monitorer vos cibles où qu’elles soient », « Hackez-les avec les infections virales les plus avancées pour pénétrer leurs réseaux »… Galileo se destine aux « worldwide law enforcement and intelligence communities », ce qui constitue un très large marché au périmètre parfois d’autant plus flou que la sécurité peut devenir ‘offensive’, grâce au numérique, car la concurrence est rude. Près de 800 entreprises françaises sont recensées dans le domaine de la sécurité électronique, et plus de la moitié ont moins de 50 salariés.

Cette profusion conduit à la baisse des prix. La société israélienne Cellebrite propose par exemple ses ‘’systèmes d’investigation numérique de téléphone mobile » à partir de 4000 euros. Ce qui est aujourd’hui accessible aux entreprises, en vente libre, devrait l’être prochainement pour les particuliers. On peut donc prévoir qu’il sera bientôt possible d’espionner toutes les communications de ses voisins et de récupérer toutes leurs données pour quelques centaines d’euros. En revanche, les moyens de surveillance de masse liés à la technologie du Deep Packet Inspection (DPI), vendu jadis à la Lybie de Kadhafi, sont nettement plus coûteux et donc réservés aux Etats, qu’ils soient ou non recommandables, ou aux entreprises qui en auront les moyens. Contrairement au commerce des armes, la vente des systèmes de DPI ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune réglementation spécifique.

 

 

 

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