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par Albane Flamant

Le ministre britannique des finances George Osborne l’a décrété en octobre dernier : les chômeurs britanniques longue durée devront à présent « faire quelque chose » en échange de leurs allocations et de l’aide reçue dans leur recherche d’emploi. Le « quelque chose » en question varie en fonction des cas : coaching intensif, visites quotidiennes à l’agence d’emploi, cure de désintoxication, mais surtout, des travaux d’intérêt général sans aucune rémunération. Ce programme à l’initiative du parti conservateur britannique n’a rien de nouveau : il est pratiqué sous différentes formes en Australie et aux Pays-Bas par exemple, bien que leur succès soit controversé. Reste qu’en ces temps de crise et de réduction budgétaire, de nombreux gouvernements cherchent des moyens « d’activer » leur population de chômeurs.

En 1998, le gouvernement australien met en place un programme qui propose aux demandeurs d’emploi entre 18 et 24 ans de remplir leurs obligations réciproques avec des travaux d’intérêt général, à raison de 15 heures par semaine et d’une rémunération minimale. A l’origine, l’intention était de combattre le chômage des jeunes Australiens en leur fournissant une opportunité d’apprendre de nouvelles compétences. Work for the Dole (littéralement « Travail pour le chômage ») s’adresse à présent à tous les âges, mais ne va pas sans son lot de critiques.

Selon une étude de Jeff Borland, professeur d’économie à l’Université de Melbourne, le programme ne favorise pas un retour un emploi. Ses résultats indiquent qu’après six mois d’implication dans le programme, 71,4% des participants continuaient de recevoir leurs allocations de chômage, contre 59,1% de ceux qui n’y participaient pas.

Malgré les critiques, le gouvernement australien continue de soutenir le programme, qui a été adopté sous formes diverses à travers le monde. Aux Pays-Bas, la formule existe depuis janvier 2012 sous le nom de tegenprestatie (contre-prestation) dans des villes telles que par exemple Rotterdam : les chômeurs doivent trouver eux-mêmes un travail d’intérêt général (sans rémunération !) qui doit être approuvé par l’administration, pour un minimum de 20h par semaines. Ici aussi, le programme est sous attaque des syndicats, avec notamment la publication d’un « livre noir » des mauvaises pratiques des tegenprestatie par le FNV.

Plus récemment, le ministre britannique des finances George Osborne a annoncé la mise en place d’un nouveau programme pour les chômeurs longue durée de son pays. Sous « Help to Work« , ces 200,000 personnes seront forcées de faire « quelque chose », sous peine de perdre leurs allocations de chômage : visites quotidiennes à l’agence d’emploi, coaching adressant un problème spécifique (comme l’alcoolisme), et surtout, des travaux d’intérêt général sans aucune rémunération.

Help to Work a aussi été l’occasion pour le sénateur belge Rick Daems (Open Vld) de relancer le débat dans son pays. Il voudrait voir les chômeurs de plus de deux ans travailler sans rémunération à raison de deux jours par semaine dans les structures administratives et les cafétarias communales des villes belges. Malgré le fait que la proposition soit un cheval de bataille bien connu du sénateur flamand, elle a suscité cette fois une tolée de réactions, non seulement de la part des différents partis belges, mais aussi du monde académique.

« La mesure est manifestement contraire à la Convention n°29 sur le travail forcé de l’Organisation internationale du travail (ratifiée par la Belgique), » écrit Elise Dermine, juriste et doctorante de l’Université Catholique de Louvain, dans une opinion publiée par le journal La Libre Belgique. « Dans les systèmes d’assurance-chômage, le chômeur a droit aux prestations parce qu’il a travaillé et cotisé au régime pendant la période précédant la perte d’emploi. L’OIT estime dès lors que le fait de conditionner en outre le bénéfice des allocations à l’accomplissement de prestations de travail constitue une violation de l’interdiction du travail forcé. »

On note d’ailleurs au Royaume-Uni le combat juridique de Cait Reilly, une étudiante de 24 ans déterminée à prouver que ces programmes de remise au travail des demandeurs d’emplois sont en fait du travail forcé. Elle vient d’ailleurs de gagner son procès en appel, et le gouvernement britannique pourrait devoir payer plus de 130 million de livres aux différents plaignants.

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