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par Isabelle Jourdan

En 2013, l’Assurance chômage a couvert près de 3,2 millions de demandeurs d’emploi. Véritable amortisseur social en période de conjoncture économique dégradée, l’Assurance chômage permet aux salariés qui ont perdu leur emploi de disposer d’un revenu de remplacement et ainsi de préserver en partie leur pouvoir d’achat. Mais qui sont ces derniers aujourd’hui ?


Depuis 1958, ce système porte en lui sa propre capacité d’adaptation : négociée tous les deux ans environ, la convention d’Assurance chômage qui définit les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi en tenant compte des réalités de l’emploi, de la conjoncture et de sa situation financière.

L'Unédic agit pour la performance de l'Assurance chômageS’adapter pour être efficace suppose de connaître précisément les conditions dans lesquelles intervient l’Assurance chômage. Au-delà des éléments de conjoncture, il s’agit bien de savoir qui sont les salariés qui perdent leur emploi ? D’où viennent-ils ? Comment vivent-ils leur période d’indemnisation ? Les règles jouent-elles leur rôle d’incitation au retour à l’emploi ?

 

Autant de questions auxquelles les partenaires sociaux répondent régulièrement à l’aide des travaux conduits par l’Unedic. Les constats auxquels ont conduit ces travaux les amènent à prendre en considération les réalités de l’emploi – et du chômage aujourd’hui.

 

  • Le chômage recouvre aujourd’hui une grande diversité de situations et de profils de salariés. S’il touche autant les hommes (50,8 %) que les femmes, tous les salariés ne sont pas égaux devant le risque chômage : 55,2 % des allocataires de l’Assurance chômage n’ont pas le baccalauréat quand parmi les personnes en emploi, cette proportion est de 22 % en 2012 ; Parmi les seniors, 46% sont chômeurs depuis plus d’un an. Cette part est de respectivement 21% pour les 25-49 ans et 10% chez les moins de 25 ans. Les procédures collectives (plans de sauvegrade de l’emploi (PSE), licenciements économiques collectifs) représentent 11 % des inscrits à Pôle emploi, autant que ceux qui sont issus d’une rupture conventionnelle (10,6 %), tandis que les personnes au chômage suite à une fin de CDD ou de mission d’intérim représentent près de la moitié des nouveaux inscrits. Enfin, un quart des chômeurs indemnisés ont perdu un emploi à temps partiel.
  • La dualité du monde du travail perdure depuis près de 10 ans : elle se caractérise par des salariés « en poste » titulaires d’un CDI qui constituent la grande majorité des salariés d’un côté ; de l’autre, des salariés qui font régulièrement des allers retours entre l’emploi et le chômage, alternant CDD ou missions d’intérim et périodes de chômage, indemnisées ou pas. Il faut savoir qu’au 3ème trimestre 2013, 86 % des déclarations d’embauches étaient en CDD, la part des CDD de moins d’un mois étant de 68 % du total (source Acoss).Les premiers, salariés en CDI, lorsqu’ils perdent leur emploi, ont devant eux des droits longs (à partir de 2 ans d’ancienneté, ils disposent de la durée maximum avec 2 ans d’allocations, 3 ans pour les + de 50 ans) et sont souvent dans une optique de reconversion ; tandis que les seconds, CDD et intérimaires, entrent en indemnisation avec des droits courts. En effet, notre système repose sur une règle simple : 1 jour travaillé = 1 jour indemnisé (un CDD de 5 mois = 5 mois d’allocations etc). Ces salariés acquièrent donc des droits régulièrement mais de manière fractionnée, avec une précarisation croissante de leur situation. En 2013, plus de 50 % des demandeurs d’emploi sont entrés en indemnisation à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’interim. Ils sont 800 000 à connaître cette alternance régulière entre emploi et chômage pendant plusieurs années (5 à 10 ans).
  • Toujours au rang des réalités qui s’imposent : nombreux sont les demandeurs d’emploi qui travaillent. L’opinion généralement répandue d’un chômage qui consiste à n’exercer aucune activité est loin d’être représentative de la situation actuelle. En effet, près de deux millions de demandeurs d’emploi travaillent au cours d’un mois donné. Acceptant des missions ponctuelles ou durables, à plein temps ou à temps partiel, de quelques jours ou semaines, ces demandeurs d’emploi exercent régulièrement une activité rémunérée pendant leur période d’indemnisation. Ils ne perdent pas pour autant leurs droits et reçoivent, pour certains, une partie de leur allocation.

 

Confrontés à cette hétérogénéité, soucieux de protéger mieux et de lever tous les freins à la reprise d’emploi tout en faisant preuve de réalisme face au déficit annuel de près de 4 milliards de l’Assurance chômage en 2013, les partenaires sociaux intègrent ces constats dans la négociation de la nouvelle convention d’assurance chômage.

 

Ils se sont aussi appuyés sur le suivi des conditions d’application de la réglementation et sur une étude réalisée directement auprès des demandeurs d’emploi. Portant sur leur perception et leur compréhension des règles d’indemnisation, l’étude a notamment mis en lumière un besoin de clarification et de simplification des règles. C’est le cas en particulier de celles qui régissent le cumul possible entre allocations et salaires. Les chômeurs ont exprimé un doute sur les conséquences sur leur indemnisation d’une reprise d’emploi. Ce doute est facteur de confusion et de complexité. Seront-ils perdants ou gagnants ? Cette incertitude en conduit un certain nombre à renoncer à une opportunité de travail, de peur de compromettre leurs droits. Par ailleurs, les règles de la convention de 2011 contiennent des seuils qui limitent la possibilité de cumul et donc freinent l’acceptation d’un emploi.

 

En 2014, les règles qui s’appliquent à ces situations ont été modifiées par la nouvelle convention d‘assurance chômage.

 

Elle maintient les règles d’accès à l’indemnisation (1 jour travaillé = 1 jour indemnisé, condition de 610 h minimum de travail, taux de contribution) mais modifie en profondeur certains mécanismes à l’ouverture des droits et pendant l’indemnisation.

 

Signée pour 2 ans, cette nouvelle convention poursuit essentiellement 3 objectifs : mieux sécuriser les salariés confrontés à la précarité, inciter à la reprise d’un emploi en simplifiant pour garantir la lisibilité des règles par les demandeurs d’emploi, réduire le déficit. Elle a abouti notamment à la création des droits rechargeables, à la suppression des seuils limitant le cumul entre allocations et salaire, à l’augmentation du différé d’indemnisation pour les salariés touchant des indemnités supra légales et le rapprochement des taux de contributions à l’Assurance chômage pour tous les salariés, quel que soit leur âge.

 

Vues dans leur ensemble, les nouvelles règles d’indemnisation du chômage concourent à l’allongement de la durée de protection. En effet, le capital disponible pour la personne indemnisée est quasiment identique. En revanche, le versement s’opère de telle manière que le demandeur d’emploi est indemnisé plus longtemps. S’il est conduit à reprendre un emploi, il y trouve un avantage en améliorant son revenu, en gardant un lien avec le marché du travail, en repoussant la date de fin de ses droits. A terme, plus d’un million de personnes verront la durée de leurs droits s’allonger de l’ordre de 6 mois. Tous les 6 mois, les partenaires sociaux réaliseront un point d’étape : une évaluation semestrielle de la convention permettra de suivre ses effets pendant son application et de nourrir les réflexions de la prochaine négociation paritaire. Rendez-vous est pris en 2016 pour à nouveau adapter l’indemnisation à son contexte social, économique et financier.

 

A propos de l’auteur

Isabelle Jourdan est directrice de la communication pour l’Unédic.

 

Crédit image : CC/Flickr/Unedic

 

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