par Fernando Vasquez
La question sociale dans l’Union Européenne pourrait être traitée différemment avec l’arrivée de la nouvelle Commission. Fernando Vasquez, qui a très bien connu les mécanismes communautaires de l’intérieur, nous livre ici sa vision des défis que devra affronter la nouvelle gouvernance «socio-économique qui se met en place. Cet article a été publié récemment par IR Notes qui nous en a aimablement autorisé la reprise par Metis.
Dans le cadre institutionnel et juridique de l’UE, la primauté au développement social en tant que fin ultime de l’action politique est loin de dépendre uniquement – ou même principalement – de l’action européenne. Beaucoup dépend encore des pouvoirs nationaux ou régionaux.
Une compétence sociale réduite
À la lecture du Traité, les compétences de l’UE en matière sociale sont très modestes. Mais les pouvoirs accrus de gouvernance économique dévolus dernièrement à l’Europe ont fini par suppléer la modestie des moyens purement sociaux. Désormais l’UE pèse de plus en plus sur les évolutions des systèmes sociaux nationaux dont l’autonomie devient illusoire.
Un pouvoir d’influence immense
Les grandes libertés économiques, la réalisation du marché intérieur, la libre concurrence ont déjà eu des impacts importants sur ces systèmes. Mais avec la crise, sont venues s’ajouter les demandes formulées aux États membres dans le cadre du Semestre européen et, encore plus fortement, les injonctions adressées envers les pays « assistés », qui montrent que le pouvoir de l’UE en matière social est en réalité immense.
Un rééquilibrage nécessaire
Cette évolution souligne la nécessité de poursuivre le débat sur le rééquilibrage entre l’économique et le social qui doit constituer le premier des défis de la nouvelle équipe au sein du collège des commissaires en charge des questions sociales. Ce débat doit couvrir tant les implications et dimensions sociales des politiques économiques, que les mesures purement sociales. Ces dernières étant inévitablement condamnées à la modération compte tenu de la pauvreté des moyens et du manque d’ambitions de la Commission, en tout cas de la précédente qui avait accepté l’idée d’une pause en matière sociale demandée par l’organisation patronale européenne BusinessEurope.
Trois grandes séries de questions préalables doivent être abordées en ce début de mandat.
1. Une prise de conscience de la perte d’autonomie. L’affirmation que l’influence sociale des institutions et des politiques européennes dépasse largement la frugalité du chapitre social du Traité, sera-t-elle reconnue, expliquée et pleinement assumée par tous les acteurs politiques européens et nationaux, y compris par les citoyens? Est-ce que ceux-ci seront plus en mesure de comprendre que leurs conditions de vie et de travail dépendent autant de l’Europe que de leurs gouvernements? Que leurs systèmes sociaux perdent tous les jours de l’autonomie par rapport à une UE dont l’intégration économique et politique se renforce continuellement ? Que l’ « État social » sera européen ou il ne sera pas ? Et cette reconnaissance entraînera-t-elle une attention et une participation renouvelée dans les affaires européennes ? Ce sera déjà une transformation profonde et, peut-être, le début d’une vraie citoyenneté européenne.
2. Un engagement à confirmer. Sur la forme et la procédure, quel sera l’impact réel des signaux donnés ces derniers mois – et acclamés par les syndicats européens – dans le sens du renforcement des arbitrages sociaux au sein du processus de gouvernance économique ? Les deux vice-présidents de la Commission avec qui la commissaire des Affaires sociales va partager ses responsabilités (et aussi les leurs…) donneront-ils des signes forts de l’importance du social ou resteront-ils les gardiens de l’orthodoxie budgétaire ? Quant aux partenaires sociaux européens, vont-ils apporter une réelle contribution à la gouvernance économique ?
3. Une plus grande honnêteté en matière de justification. Enfin, sur le contenu des orientations et des politiques, les acteurs pourront-ils expliquer et démontrer aux citoyens le caractère indispensable du recul social ? Qu’il faut que la précarité dans le travail et la pauvreté augmentent et que la dignité humaine en souffre proportionnellement pour que nos économies prospèrent et que nos Nations survivent ? Une démonstration alors étayée par des chiffres qui n’ont jamais vraiment été fournis de façon sérieuse jusqu’à maintenant . Est-ce que les institutions européennes seront en capacité de légitimer réellement chaque mesure venant restreindre des droits de la même façon qu’elles motivent (à juste titre) auprès des entreprises et des autres agents économiques toutes les initiatives susceptibles de les affecter dans le cadre d’analyse d’impact chiffrée ? Comment endiguer la fuite des peuples vers des chemins anti-européens sans ce minimum de décence en termes de transparence et de pédagogie ?
Si des réponses sont apportées à ces enjeux, le sens des mesures qui vont défiler dans les mois et années à venir sera, peut-être, intelligible pour d’autres que ceux qui les produisent.
A propos de la publication
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Crédit image : CC/Flickr/Niccolò Caranti
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