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Le syndicalisme et le dialogue social sont régulièrement en butte à des attaques plus ou moins justifiées. Mais leur principal opposant n’est pas la vindicte – y compris celle formulée par ceux qui voudraient bien se passer des « corps intermédiaires » ou court-circuiter « les empêcheurs de manager en rond ». Leur principal adversaire, c’est l’ignorance. Et c’est pourquoi le livre de Jean-Paul Guillot arrive à point nommé.

 

en finir avec

Intitulé « En finir avec les idées fausses sur les syndicats et le dialogue social », son livre se présente comme une réponse factuelle et argumentée vis-à-vis d’une soixantaine d’affirmations souvent entendues, autant de répliques au prêt à penser, à la vulgate et à la simplification facile. Ces répliques me semblent salutaires, tant les idées reçues sont fortement ancrées dans ce domaine. Elles contribuent à mettre à distance les jugements préfabriqués et à examiner les apports du syndicalisme de façon rationnelle et dépassionnée (voir « Oui, les syndicats sont utiles ! »).

 

Ce livre présente 4 points forts, qui en font l’intérêt.
Premièrement son format court (158 pages), son ton didactique et sa structuration par idée reçue en font une ressource pédagogique extrêmement utile en ces temps où le syndicalisme fait face non seulement aux attaques mais surtout à l’indifférence (93% des salariés ne sont pas syndiqués). Il traite de front, de façon synthétique mais étayée, des questions essentielles comme « il ne sert à rien de se syndiquer pour un salarié » ou « les syndicalistes n’écoutent pas les salariés ».

Deuxièmement, et à rebours de beaucoup d’ouvrages traitant du syndicalisme, il en aborde les deux versants, celui du syndicalisme dit ‘ouvrier’, qui fédère actifs et salariés, et celui du syndicalisme patronal. Cela permet au lecteur de bien distinguer les problématiques qui leur sont communes, par exemple celle de la représentativité, et pas seulement les sujets qui les amènent à se confronter. De même, les spécificités du syndicalisme et du dialogue social dans les trois fonctions publiques ne sont pas oubliées. Enfin, les aspects internationaux sont abordés (même si on aurait aimé trouver davantage d’informations sur le syndicalisme européen), notamment au travers des questions posées par le statut de Société européenne (SE).

Troisièmement, ce livre n’est pas bloqué sur le rétroviseur. Il n’esquive pas la question des nouvelles formes de travail, l’avènement possible d’une société qui ferait plus de place aux indépendants – sans pour autant remplacer le salariat. La problématique de l’extension du numérique est traitée pour ses impacts sur l’emploi (ex : « les syndicats s’opposent aux progrès technologiques »), sur le travail (ex : « les organisations syndicales et patronales ne se préparent pas à la révolution numérique ») mais aussi sur leur fonctionnement interne (ex : « les organisations syndicales et patronales ne savent pas utiliser les réseaux sociaux »).

Enfin, l’atout majeur du livre me semble résider dans le positionnement adopté par l’auteur : beaucoup de livres sur le dialogue social sont écrits par des juristes, qui nous racontent la vie telle qu’elle devrait être. Dans ce livre, au contraire, l’auteur, Président de RDS (Réalités du Dialogue Social), a mis à profit sa connaissance des acteurs sociaux et du monde de l’entreprise et des administrations pour dépasser le dialogue social institutionnel et tracer des pistes pour nous donner à voir les bonnes pratiques de régulation sociale.

 

Loin d’être un sujet dépassé, la thématique du dialogue social et de l’avenir du syndicalisme reviendra en force dans le débat public. La politique lancée par François Hollande en 2012, visant à donner une place majeure au dialogue social dans la définition et la mise en œuvre des réformes, a livré des résultats mitigés. Dans notre pays dont la culture sociale a été façonnée par le colbertisme et le corporatisme, la question de l’articulation de la démocratie sociale et de la démocratie politique reste à définir. Ce livre de Jean-Paul Guillot y contribue.

 

Pour aller plus loin : Jean-Paul Guillot, « En finir avec les idées fausses sur les syndicats et le dialogue social », Éditions de l’Atelier, octobre 2015

 

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J’aime le débat, la délibération informée, folâtrer sur « la toile », lire et apprécier la vie.

J’ai effectué la plus grande partie de mon parcours professionnel dans le Conseil et le marketing de solutions de haute technologie en France et aux États-Unis. J’ai notamment été directeur du marketing d’Oracle Europe et Vice-Président Europe de BroadVision. J’ai rejoint le Groupe Alpha en 2003 et j’ai intégré son Comité Exécutif tout en assumant la direction générale de sa filiale la plus importante (600 consultants) de 2007 à 2011. Depuis 2012, j’exerce mes activités de conseil dans le domaine de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au sein du cabinet que j’ai créé, Management & RSE. Je suis aussi administrateur du think tank Terra Nova dont j’anime le pôle Entreprise, Travail & Emploi. Je fais partie du corps enseignant du Master Ressources Humaines & Responsabilité Sociale de l’Entreprise de l’IAE de Paris, au sein de l’Université Paris 1 Sorbonne et je dirige l'Executive Master Trajectoires Dirigeants de Sciences Po Paris.