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par Michel Davy de Virville

Le Forum des Bernardins a consacré deux années de séminaire à l’analyse des impacts sociaux, économiques et culturels de la mondialisation, publié sous le titre La Mondialisation : espérance pour les nations, avenir pour l’Europe aux Editions Herman. Michel Davy de Virville qui co-dirige le séminaire Innovation Managériale du Collège des Bernardins en a livré les conclusions sur le site The Conversation.

La mondialisation, une opportunité pour les uns, un risque pour les autres.
La mondialisation apparaît aujourd’hui, dans l’espace occidental comme une source majeure de disruption. Elle met en contact direct et sans ménagement la diversité de nos croyances et de nos cultures en en favorisant la radicalisation.

À des inégalités de richesse entre les nations que nous étions trop heureux d’oublier elle substitue des inégalités entre nous qui nous opposent. Comment faire en sorte que ce mouvement, susceptible de charrier le meilleur comme le pire, ne conduise finalement à un « choc des espérances » ? C’est la question que nous nous sommes posée pendant deux années de recherche au Forum des Bernardins. Les évènements qui se sont bousculés au cours des derniers mois lui donnent une actualité encore plus évidente.

Une réalité irréversible et ambivalente
La mondialisation nous est apparue comme une réalité irréversible, issue des progrès de la technique comme de l’interconnexion croissante de l’économie, des sociétés, des individus. Elle représente de formidables opportunités, comme en témoigne la diminution des populations en situation de grande pauvreté. Mais elle présente aussi des risques évidents : depuis les crises systémiques auxquelles expose l’interconnexion économique et financière croissante jusqu’aux risques de nouveaux affrontements issus notamment de l’accroissement des inégalités ou de l’affaiblissement des repères culturels traditionnels, confrontés les uns aux autres et dont la diversité se trouve brutalement dévoilée.

La mondialisation est ainsi perçue comme une redoutable menace par une partie de l’humanité qui redoute d’y perdre, et comme une formidable opportunité par une autre qui en tire profit.
Il nous est apparu que les règles actuelles de ce qu’il est convenu d’appeler la gouvernance mondiale, pour positive que soit leur existence et nécessaire que soit leur renforcement, ne sauraient suffire à elles seules à éviter ce « choc des espérances ». Il leur manque la capacité à proposer un avenir suffisamment convaincant à la mondialisation en facilitant la construction toujours laborieuse des compromis nécessaires, mais aussi à ce que cette construction produise du sens et une espérance progressivement partagée.

La nécessité d’une méthode
Il nous a semblé qu’une voie plus féconde, quoique plus modeste en apparence, pouvait être celle de la recherche patiente et obstinée de compromis plus partiels, plus temporaires, permettant en quelque sorte de créer une dynamique en avançant pas à pas. Ces compromis partiels et temporaires trouvent leur cadre le plus évident au niveau des nations mais aussi entre nations.

Finalement, la question de la méthode est, en réalité, centrale car elle constitue une sorte de préalable. Nous sommes convaincus que les acteurs impliqués dans la mondialisation peuvent et même doivent s’entendre sur une méthode qui permette de créer des lieux d’échanges, de dialogue des sagesses et de confrontation des attentes, pour préparer les compromis qui permettront à chacun de conserver ou de retrouver une espérance propre qui ne conduise pas au « choc des espérances ». C’est l’espérance dans la mondialisation que l’on doit accepter de chercher et de réaliser ensemble.


Le laboratoire européen

Les nations européennes offrent à la fois un exemple et un laboratoire de cette démarche, par les efforts qu’elles ont développés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale pour réaliser pas à pas ce que l’on appelle la construction européenne. Certes, cette démarche est loin d’être parfaite et nul ne peut ignorer qu’elle produit aussi de la déception, voire de la frustration et même du rejet dans les nations européennes elles-mêmes. Mais elle n’en demeure pas moins une tentative sans équivalent de produire, par le compromis entre nations démocratiques, une voie commune de pacification, de coopération et d’union dont la force d’attraction demeure exceptionnelle.

Disons-le d’une façon plus frappante : si nous désertons la construction d’une espérance par et dans la mondialisation pourquoi nous étonner que la barbarie terroriste ne vienne comme un gaz délétère, remplir le vide que nous aurions ainsi, inconsciemment peut être, laissé s’ouvrir. La question de l’espérance nous ne pouvons pas l’abandonner, quelque prétentieuse ou irréaliste qu’elle puisse apparaître. Beaucoup le peuvent, mais pas nous, héritiers des lumières et de la tradition judéo-chrétienne. Nous nous devons de retrouver le sens de ce que nous avons très largement « décidé » d’engager.

Bien plus, nous en sommes convaincus, c’est en nous attelant à cette tâche que nous pouvons espérer retrouver les clés de notre avenir. Les barbares qui occupent nos médias et qui sèment la mort pour répandre la désunion et le désespoir ne se trompent pas d’ennemis : c’est bien la construction d’un espoir pluraliste dans la mondialisation qu’ils essayent d’enrayer.

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