Travailler à 20 ans
publié le 2018-11-26
par Nicolas, propos recueillis par Fanny Barbier
Nicolas a 20 ans, il travaille comme dessinateur et chargé d’affaires dans un cabinet d’architecture d’intérieur quand ses amis de lycée sont en deuxième ou troisième année d’école. Voilà comment il parle de son jeune parcours, et comment il a appris tout en travaillant.
Taylor Grote/ Unsplash
Quand j’étais au lycée, je ne savais pas trop ce que je ferai après. En seconde, j’ai fait un stage de deux semaines dans un gros cabinet d’architecte qui, à l’époque, travaillait sur la rénovation des lignes de métro à Dubaï. J’ai appris à utiliser des logiciels 3D. Ayant redoublé ma seconde, j’ai à nouveau trouvé et effectué un stage dans un cabinet d’architecte, ce qui m’a conforté dans le choix de travailler dans le bâtiment. J’avais pensé un moment devenir paysagiste, mais les dossiers me semblaient moins intéressants. Les deux étés suivants, j’ai travaillé avec un maçon, dans le sud de la France. J’étais sur le terrain, j’y ai appris les termes techniques et vu combien le métier était physique. Nous avons travaillé sur une maison particulière et avons même coulé un escalier en béton ! Puis est arrivée la terminale avec les inscriptions sur APB, je me suis porté candidat à toutes les écoles d’architecture de Paris, mais n’en ai eu aucune ! J’avais fait des recherches et vu qu’on pouvait entrer en architecture avec un BTS d’agencement, c’était ma roue de secours sur APB et j’ai été pris à l’École Boulle. Ce qui m’a fait plaisir, car c’est une école réputée.
L’agencement
Plan dessiné par Nicolas
L’agencement consiste à coordonner tous les travaux de second œuvre. Cela se passe en trois temps : penser la décoration, dessiner les plans techniques (comment tout va entrer dans la boîte pour que ça se passe bien) puis gérer le chantier : le planning, les équipes, le budget. Au cours des deux années de BTS, on apprend comment travaillent les différents corps d’état. Notre rôle est de penser le côté technique pour rendre les choses belles. À l’issue du BTS, je voulais faire une licence en alternance, mais je n’ai pas été pris (il n’y a que 20 places à l’école Boulle, mais il n’y a que trois licences en France !), mon projet est de la retenter l’année prochaine. J’ai donc cherché du travail. Deux professeurs m’ont parlé de deux entreprises qui recrutaient. J’avais entendu dire que l’ambiance n’était pas terrible dans la première, je suis donc allé voir la seconde. Beaucoup plus petite, le dirigeant travaille seul avec un dessinateur en freelance, il est spécialisé dans les bars et les restaurants. J’ai bien accroché avec lui, à la fin de l’entretien, il m’a dit que je commençais 15 jours plus tard ! J’ai signé un CDD d’un an avec le projet d’y travailler l’année suivante en alternance. Dès les premiers jours à l’école, on nous avait dit que nous n’aurions aucun problème à trouver un travail. Je l’ai constaté. J’ai été engagé même avant d’avoir mon BTS.
Dessinateur et chargé d’affaires
Plan dessiné par Nicolas
J’ai été engagé en tant que dessinateur et chargé d’affaires. Concrètement, mon job consiste à dessiner les plans, avec AUTOCAD, un logiciel informatique, puis à entrer dans les détails, envoyer les plans et descriptifs à des entreprises de second œuvre pour avoir leurs devis, et enfin à soumettre ces devis au client. Nous travaillons souvent avec les mêmes entreprises, deux ou trois par corps d’état selon les chantiers : maçonnerie, électricité, plomberie, menuiserie, matériel de cuisine, serruriers (pour les façades de magasins), marbriers, inoxiers, frigoristes, etc.
Une fois les devis signés, le chantier démarre. Je gère le planning. En général, cela commence avec les maçons. Je vais tous les jours sur le chantier, je regarde s’il n’y a pas de problème, je réponds aux questions, je vois ce sur quoi il faut avancer… Du haut de mes 20 ans ! Ce n’est pas que je ne suis pas sûr de moi, je sais que les ouvriers ont plus d’expérience que moi, mais je sais me débrouiller. Les ouvriers sont très respectueux. Il y a parfois des erreurs, mais comme je passe tous les jours, c’est rattrapable. Une fois, un maçon a monté une cloison là où était prévue une porte, je le lui ai dit. Pour l’instant, tout s’est bien passé. Les ouvriers sont des gens très sérieux. Ce qui est prévu aussi, c’est une réunion de chantier hebdomadaire avec les patrons des entreprises, mon patron et le client. On rend compte de l’avancement et de ce qui reste à faire.
En ce moment, nous finissons le chantier d’un café, au maximum on a été 12 en même temps sur place et au total, une trentaine de personnes y auront travaillé pour un budget de 800 k€.
L’avenir ?
En principe, l’année prochaine, je suis en alternance dans la même entreprise, je pense y rester deux ou trois ans encore. Nous partageons des bureaux avec une autre société d’agencement qui travaille sur des immeubles d’habitation et des hôtels, ce pourrait être une suite pour moi.
Et l’architecture ?
Je voulais travailler dans le bâtiment, ce que je fais avec l’agencement se révèle un bon compromis pour ma personnalité, j’ai un esprit organisé et le côté artistique est très présent aussi. Sur un prochain chantier, c’est moi qui vais proposer les plans et les solutions techniques. Cela se passe bien entre mon patron et moi, on s’entend bien, il me laisse de l’autonomie. Je suis heureux d’avoir commencé à travailler jeune, je ne me voyais pas faire 10 ans d’études, j’avais du mal au lycée. Maintenant, je travaille quand je suis au travail, mais à 19 heures, je n’ai plus de devoirs à faire à la maison !
Un milieu d’hommes
Je ne travaille qu’avec des hommes, qui sont étrangers à 80 % – le bâtiment est le premier métier de ceux qui arrivent en France – et qui ne parlent pas tous le français. En général, dans une entreprise c’est la même communauté, souvent seul le plus âgé parle français. Le patron de l’entreprise signe un certificat sur l’honneur attestant que tous ses employés sont déclarés. À tout moment, il peut y avoir une inspection du travail. En fait, c’est surtout dans le public qu’il y a du travail au noir, parce que les prix sont les moins chers.
Le BTS
Nous étions 20 au départ – et 15 à l’arrivée. J’ai bien aimé la diversité des profils – 3 bac généraux (j’ai eu un bac S), des bacs pros en agencement ou menuiserie et des bacs techno. Les études sont gratuites, on a juste un peu de matériel à acheter et un ordinateur, les logiciels sont fournis par l’école : aujourd’hui, en trois clics, tu dessines un meuble. Nous avons eu des cours de bureau d’étude – c’est la matière principale, 16 heures par semaine, avec un projet à monter tous les deux mois -, des cours d’architecture, math, physique, anglais, technologie (corps d’état et matériaux), infographie, législation et gestion de chantier. En seconde année, de janvier à mai, on travaille sur un projet personnel qui se concrétise par un dossier de 50 à 60 pages format A3 et un plan de fabrication très détaillé, format A zéro (1,40 x 0,90 m), qu’on présente lors d’une soutenance orale de 50 minutes. Cette année, j’irai présenter l’école et ce que je fais aux élèves de terminale de mon ancien lycée. Je sais quoi leur dire !
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