Si le recours à l’activité partielle fait globalement consensus pour limiter les conséquences de la crise à court terme, la mise en œuvre de dispositifs de maintien de l’emploi pour accompagner la reprise d’activité dans la durée, fait davantage débat.
Le recours au chômage partiel : un outil désormais consensuel pour protéger l’emploi face aux crises économiques
Comme l’a illustré l’Allemagne pendant la crise de 2008, le recours au chômage partiel constitue une arme redoutable pour limiter la hausse du chômage en période de récession économique. À travers l’usage de l’activité partielle (1,5 million de personnes ont bénéficié du chômage partiel) et du recours à des mécanismes de flexibilité interne comme la réduction du temps de travail, l’économie allemande réussit alors à limiter la hausse du chômage à 0,2 % entre 2008 et 2009 là où la France connaît une hausse de 1,6 %. Des leçons de la crise de 2008 ont indubitablement été tirées depuis puisque partout dans les économies développées, les gouvernements ont soutenu l’activité partielle des entreprises pour limiter les destructions d’emplois à l’épreuve de la crise. Au total, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les programmes de maintien dans l’emploi ont soutenu environ 50 millions d’emplois, soit 10 fois plus que pendant la crise financière de 2008-2009. En France, plus de 1 million d’entreprises et 13 millions de salariés ont bénéficié des mesures de chômage partiel déployées en urgence face à la crise sanitaire.
L’introduction d’un mécanisme d’activité partielle de longue durée pour accompagner la reprise d’activité
Alors que la reprise économique à la sortie de la crise sanitaire est encore très incertaine et que le chômage devrait dépasser le seuil de 10 % à la fin de l’année 2020, le gouvernement a introduit, par la loi du 17 juin 2020, un nouveau dispositif de maintien dans l’emploi de longue durée : « activité réduite de maintien dans l’emploi » (ARME). L’enjeu de cette activité partielle de longue durée est simple : éviter les destructions massives d’emploi des entreprises confrontées à une baisse durable d’activité, mais dont la pérennité n’est pas en cause à moyen terme. Le recours à ce dispositif qui entre en vigueur le 1er juillet et dont le taux de remplacement sera moins généreux puisque l’entreprise a un reste à charge de 15 % sur l’indemnité versée au salarié, sera soumis à deux conditions. Son application doit d’abord faire l’objet d’un accord collectif majoritaire, dans l’entreprise ou la branche. Les entreprises qui bénéficieront de l’activité partielle de longue durée devront ensuite maintenir un niveau d’activité pour chaque salarié de 60 % minimum. Au-delà de ces conditions précisées par le gouvernement, le bon usage de l’activité partielle de longue durée par l’État pour ne pas dénaturer la reprise d’activité reste éminemment délicat.
Vers quels secteurs flécher les plans d’activité partielle de longue durée ?
La première question que soulève l’activité partielle de longue durée est celle de son affectation sectorielle. Au-delà du coût induit pour les finances publiques, l’extension de programmes de maintien dans l’emploi de longue durée à tous les secteurs risquerait de ralentir la réaffectation de la main d’œuvre vers des entreprises et secteurs en expansion. Tout l’enjeu pour les pouvoirs publics est donc de réserver ces dispositifs de maintien dans l’emploi de longue durée aux secteurs structurellement en sous-activité durable. C’est le cas par exemple du secteur aéronautique dans la mesure où le trafic aérien ne devrait pas retrouver le niveau qui était le sien avant 2023 selon l’association internationale du transport aérien. Si l’activité partielle de longue durée est réservée aux entreprises confrontées à « une réduction d’activité durable, mais dont la pérennité n’était pas compromise », l’homologation de chaque accord par le ministère du Travail relève d’une appréciation au cas par cas.
Combien de temps financer l’activité partielle de longue durée ?
La deuxième question qui se pose pour les pouvoirs publics dans la mise en place de l’activité partielle de longue durée est justement la durée de ces dispositifs. Là encore, toute la difficulté pour les pouvoirs publics est de trouver le juste équilibre entre une restriction trop brutale qui conduirait inévitablement à détruire des emplois et une extension trop longue qui risquerait de maintenir artificiellement des emplois non viables au prix de l’argent public. Le ministère du Travail précise que les entreprises peuvent soumettre une demande « d’activité réduite de maintien dans l’emploi » jusqu’au 30 juin 2022. La durée d’application, d’un maximum de 24 mois, doit par ailleurs être précisée par l’accord de branche ou d’entreprise.
Quelles contreparties exiger des entreprises en activité partielle de longue durée ?
La troisième question que soulève le financement public de l’activité partielle de longue durée est celle des contreparties qui pèsent en retour sur les employeurs. Des contreparties d’ordre social d’abord pourraient être exigées, dans la mesure où l’activité partielle de longue durée a vocation à préserver l’emploi et les compétences des entreprises. Ce n’est pas le choix qui a été fait par le gouvernement qui a précisé que l’activité partielle de longue durée pourrait s’accompagner de licenciements sous réserve d’un accord majoritaire. L’accès au dispositif de chômage partiel de longue durée n’est ainsi subordonné à aucune condition de maintien de l’emploi. Le financement de l’activité partielle des entreprises pourrait par ailleurs, comme dans certains pays tel que le Portugal, être assorti à des obligations de formation des salariés. Le gouvernement s’est engagé à cet égard à ce que l’État prenne en charge les frais de formation des salariés en activité réduite à hauteur de 80 %.
Peut-on miser sur le dialogue social dans la crise économique actuelle ?
Alors que les plans de chômage partiel annoncés en urgence pendant la crise ont été déployés de manière unilatérale par l’État, le nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée repose sur un accord entre les employeurs et les organisations syndicales. À travers ce choix, le gouvernement fait le pari du dialogue social et du compromis au cas par cas dans chaque entreprise. Alors que leur légitimité n’a cessé de s’éroder ces dernières décennies, les organisations syndicales seront-elles suffisamment fortes pour parvenir à des accords sociaux équilibrés dans le contexte actuel de récession économique et d’explosion du chômage ?
Conclusion. L’activité réduite de maintien dans l’emploi : un outil de maintien du capital humain ou une mesure de soutien de la demande ?
Si le financement public de l’activité partielle de longue durée est justifié par les gouvernements pour préserver le capital humain des entreprises, cet argument peut être relativisé. Dans un marché du travail fluide comme celui des cadres — dont le taux de chômage évolue autour de 4 % — les entreprises peuvent tout à fait licencier en période de crise et procéder rapidement à des embauches en sortie de crise. L’intérêt de ces plans de financement d’activité partielle est en réalité tout autant de limiter la hausse du chômage à court terme et de soutenir par ce biais le pouvoir d’achat de la population. De ce point de vue, l’efficacité de ces dispositifs ne fait pas débat.
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