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Les autorités de la Province — nous sommes en Espagne — vont remettre un Prix d’Excellence pour récompenser une entreprise exemplaire. Juan Blanco, patron de l’entreprise familiale « Basculas Blanco » est confiant. C’est la phase finale, elles ne sont plus que trois en compétition. Il est temps de briefer l’ensemble des salariés.

Comme son nom l’indique, « Basculas Blanco » fabrique des bascules, symboles d’équilibre et de justesse. Quoi de mieux que féliciter à l’avance ceux qui y travaillent, leur répéter que l’entreprise leur doit tout et les assurer de son affection ? Tous les objectifs ont été atteints et les délais tenus. Merci la production, merci le marketing, merci la logistique. Oui vraiment, nous sommes une famille, je veille sur vous en « bon patron » que je suis. Je suis certain que chacun aura à cœur de le confirmer lors de la visite que le jury régional va nous faire. N’oubliez pas que le prix d’excellence, c’est bon pour les subventions… Ainsi commence l’histoire. Tout le monde acquiesce. Juan Blanco, tout sourire est chaleureusement applaudi. Ça se présente vraiment bien.

Et puis les choses déraillent. José, dont il a fallu se séparer peu de temps auparavant, refuse de négocier. Il ne veut pas d’argent. On ne répare pas une injustice avec de l’argent, même pas avec beaucoup d’argent. Il veut être réintégré. Pour le faire savoir, il s’installe jour et nuit devant l’entrée de l’usine, sur un terrain qui n’appartient à personne et dont on ne peut le déloger. Il promet d’accueillir le jury avec son mégaphone et ses slogans accusateurs. Comment l’en empêcher ?

Le directeur de la production, Mirallès, a la tête ailleurs et l’entreprise en souffre. Depuis toujours salarié de « Basculas Blanco », son père y travaillait avec le père de Juan Blanco, il multiplie maintenant les erreurs. C’est que, Aurora, sa femme, veut le quitter. Elle le trompe. Khaled, responsable de la logistique, l’a séduite. Si l’on en croit le compte Facebook de ce grand gaillard, il couche avec tout ce qui bouge. Comment le raisonner, comment redonner le goût de vivre et de travailler à Mirallès ? Le bon patron multiplie les initiatives, entre repas au restaurant et menaces. Rien n’y fait. On ne s’improvise pas conseiller conjugal…

Et puis il y a Liliana, la jeune stagiaire aussi belle qu’entreprenante, qui explique posément avoir fait son éducation en regardant des films pornos. Difficile de résister. En bon patron, il faut bien s’assurer de la constance de son pouvoir de séduction et de sa virilité. Liliana se révèle être connue de la famille. Il l’a tenu dans ses bras enfant… Catastrophe et chantage en vue, il faut à tout prix l’éloigner…

On n’imagine pas tout ce qu’un patron attentif doit faire. Juan Blanco doit tout régler avant la visite du jury. Et si lui ne s’en occupe pas, qui le fera ? « Basculas Blanco » est une famille. On doit tout faire pour sa famille, n’est-ce pas. Et à la fin, trop de scrupules peuvent nuire. Il faut décider. Le prix d’excellence ne doit pas lui échapper. Suspens !

El buen Patrón est une comédie, aussi grinçante que légère. Le film ne prétend pas exposer une théorie des relations sociales. Il n’est pas écrit par un sociologue pointilleux. Il ne milite pas pour un management plus participatif, ni pour ou contre les entreprises « libérées ». Il joue avec finesse et à propos avec les impasses du paternalisme. Il moque la grandiloquence des discours lorsqu’ils se heurtent à des évènements comme ceux qui arrivent dans la « vraie vie », et que se révèle la distance entre ce que chacun dit et ce qu’il fait…

Le film vaut aussi par sa formidable galerie de portraits. Tous les personnages sont travaillés. On en a rencontré de semblables, ou presque. Une mention spéciale à Roman, gardien poète, qui sympathise avec José et traque les rimes et les assonances dans les slogans que celui-ci hurle dans son mégaphone. Ses oreilles souffrent. Heureusement le bon patron est là. Il lui apporte un casque de protection contre le bruit… Une autre mention à Javier Bardem qui interprète Juan Blanco. Acteur multi-récompensé — il a son étoile sur le Walk of Fame à Hollywood — il donne le ton et le rythme au film.

Détendez-vous, souriez, c’est bientôt les vacances. Profitez-en pour aller au cinéma !

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Directeur d’une Agence régionale de développement économique de 1994 à 2001, puis de l’Association Développement et Emploi, devenue ASTREES, de 2002 à 2011. A la Fondation de France, Président du Comité Emploi de 2012 à 2018 et du Comité Acteurs clés de changement-Inventer demain, depuis 2020. Membre du Conseil Scientifique de l’Observatoire des cadres et du management. Consultant et formateur indépendant. Philosophe de formation, cinéphile depuis toujours, curieux de tout et raisonnablement éclectique.