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danielle kaisergruberTout le monde en convient. Il a fait très chaud cet été. Le dérèglement climatique est au cœur de nombreux articles, livres et autres interventions (« dérèglement » et pas « effondrement » ce qui, s’agissant du climat, ne veut rien dire !).

Et voilà que l’on veut « faire tomber la pluie » selon les besoins, par l’ensemencement des nuages. Ne croyez pas qu’il n’y ait que les Chinois qui jouent à ce jeu. Des pays aussi différents que le Mexique, les Émirats arabes unis, la Russie, la Thaïlande… s’y essaient et ont des programmes nationaux en ce sens. « En France, l’ensemencement des nuages est réalisé dans une vingtaine de départements par l’Association Nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques appuyée sur l’entreprise Selerys » (Le Monde, 16 août 2023). Entre autres pour prévoir et dévier les chutes de grêles. Mais aussi pour ensemencer les cumulus en y projetant des poignées de sel et d’iodure d’argent qui favorisent la formation de gouttes d’eau, donc de pluie.

Est-ce inoffensif pour la santé des vivants et pour l’environnement ? Pour l’heure le sujet est controversé et les avis divergent. C’est pourtant une intervention tout à fait « artificielle » (comme la neige ensemencée et dite de culture !) et très différente des méthodes de collecte de gouttelettes d’eau et de rosée contenues dans les nuages et brouillards pratiquées dans les montagnes de la Cordillère des Andes ou de l’Atlas marocain depuis longtemps.

Aux États-Unis, un programme en cours subventionne la construction d’usines de « capture du CO2 » : décomposition par des ventilateurs géants alimentés en électricité, puis enfouissement sous terre des granulés de dioxyde de carbone obtenus (dans d’anciens puits pétroliers !). Le programme est mené par une compagnie pétrolière…

En Argentine, à la limite du Chili et de la Bolivie, la bataille du lithium (nécessaire aux batteries électriques) a commencé. C’est la destruction de tout l’écosystème qui est en question, ainsi que les droits de propriété des communautés andines. L’électrification de nos ressources énergétiques est dogmatiquement posée comme la seule voie de sortie des énergies fossiles. Mais pour que la voiture électrique devienne « enviable », voilà que de nombreuses grandes entreprises du secteur automobile se sont mises à fabriquer des voitures électriques de plus en plus grosses, prestigieuses (Audi, Mercédès, Jeep) et de plus en plus lourdes et consommant de plus en plus…

Désagréable impression de tourner en rond : le dernier livre de Daniel Cohen (Homo numericus) laissait poindre une angoisse inédite chez lui, et révélatrice. Manque de coordination entre les États : on vient tout juste d’en voir les conséquences à la réunion du G20 en Inde.

Mais il n’y a pas que les géants du pétrole ou de l’automobile qui jouent aux apprentis sorciers : ainsi la semaine de quatre jours serait le remède miracle pour moins consommer lors des parcours motorisés du quotidien. « Le travail pollue » assument quelques activistes. Les loisirs polluent : voyages, ski sur pistes de neige « ensemencée ». Sans parler de l’impact carbone du numérique dont nous abusons chaque jour ! Au dos de ma dernière facture EDF, je lis que chaque foyer français possède en moyenne 99 équipements électriques, dont ceux des usages numériques… Et l’on voudrait électrifier davantage !

« Contradictions et clivages », tel est le sous-titre de l’intéressant livre-enquête de quatre sociologues portant sur « La conversion écologique des Français ». 80 % des salariés montrent une nette préférence de la semaine de quatre jours, mais personne ne veut gagner moins : au fait c’est 40 heures effectuées sur 4 jours comme en Belgique, 35 heures sur 4 jours comme l’expérimentent certaines entreprises et certains pays ou est-ce le cheval de Troie de la semaine de 32 heures ? Metis reviendra dans un prochain dossier sur le grand bricolage du temps de travail qui se joue en ce moment, et sur bien d’autres dossiers sociaux plus modestes et moins commentés, les transitions professionnelles ou la réforme du lycée professionnel par exemple.

Dans le genre « apprenti — sorcier », les bricolages constitutionnels et le recours au référendum (une vraie fausse bonne idée !) se sont souvent illustrés dans notre histoire récente ! Quant au référendum, ce n’est pas très loin du « like » !

Drôle de rentrée qui juxtapose chantiers d’importance (le sens du travail, l’immigration entre autres), gestes symboliques et débats de fond. Alors bonne rentrée tout de même !

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Philosophe et littéraire de formation, je me suis assez vite dirigée vers le social et ses nombreux problèmes : au ministère de l’Industrie d’abord, puis dans un cabinet ministériel en charge des reconversions et restructurations, et de l’aménagement du territoire. Cherchant à alterner des fonctions opérationnelles et des périodes consacrées aux études et à la recherche, j’ai été responsable du département travail et formation du CEREQ, puis du Département Technologie, Emploi, Travail du ministère de la Recherche.

Histoire d’aller voir sur le terrain, j’ai ensuite rejoint un cabinet de consultants, Bernard Brunhes Consultants où j’ai créé la direction des études internationales. Alternant missions concrètes d’appui à des entreprises ou des acteurs publics, et études, européennes en particulier, je poursuis cette vie faite de tensions entre action et réflexion, lecture et écriture, qui me plaît plus que tout.