Représentations du travail dans l’art contemporain : de l’exaltation à l’invisibilité

On ne peut que souscrire au jugement de Barbara Polla qui dit « être frappée par l'invisibilité du travail dans l'art vivant ». Mais invisibilité n'est pas absence : le thème du travail affleure toujours dans quelques œuvres rencontrées au fil des expositions. Le traitement de ce thème par quelques artistes est le reflet de chaque époque, il témoigne des rapports du travail à la société. Retour sur un article de Pierre Maréchal paru en janvier 2015.

L’art, rouage du monde

On oppose volontiers l'art et le travail. L'artiste semble souvent plus lié aux muses ou au génie qu'au labeur. L'inspiration s'oppose à l'effort, la flamme créatrice, à la formation. L'objet d'art lui-même échappe, pense-t-on, au cycle du travail laborieux ; il n'est pas nécessaire mais généreux et libre ; l'apprécier, c'est éprouver la « faveur » (Kant) qu'il nous fait, non le service qui nous rend. Loin d'être consommé, comme le sont les produits du travail, il est sacralisé, exposé et patrimonialisé. À l'inverse de cette vision romantique encore largement répandue s'exprime parfois un désenchantement : non, l'art n'est pas cette chose élevée et sacrée, c'est un rouage de l'économie mondiale.