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Environnement, de la contestation à la concertation

publié le 2007-04-01

En France, les grands projets d’aménagement doivent aujourd’hui être précédés d’un débat public. Explications avec Claude Chardonnet dirigeante du cabinet C&S Conseils spécialisé dans les démarches de concertation sur des projets d’aménagement ou d’équipement.

Quel est l’objectif de ce type de démarches ?

Le premier objectif est de partager avec les acteurs locaux (associations, institutions ou acteurs économiques), une information très large concernant aussi bien le projet en lui même que le maître d’ouvrage. Ensuite, il s’agit d’ouvrir, avec l’ensemble des parties prenantes, un dialogue sur les différentes dimensions du projet : son opportunité, ses caractéristiques, ses impacts, etc. Le bilan de ces échanges est enfin rendu public. Il s’agit moins de créer un consensus entre les acteurs, que de garantir les bonnes conditions du dialogue afin de faire émerger les points critiques, d’améliorer ou de faire évoluer le contenu du projet notamment à l’aune des différents critères du développement durable. Prenons le cas du projet de liaison ferroviaire souterraine entre Paris et l’aéroport de Roissy initialement porté par la SNCF, Réseau Ferré de France et Aéroport De Paris. Après le débat public animé par la Commission Nationale du Débat Public, la maîtrise d’ouvrage a décidé de faire évoluer le projet dans le sens d’une liaison de surface, prenant en compte certains arguments exprimés dans le débat.

Les projets d’aménagement ou d’équipement suscitent-ils de plus en plus de réactions ?

Oui et c’est une tendance qui depuis 20 ans ne cesse de s’affirmer. Le niveau d’exigence des populations en faveur de la qualité du cadre de vie ainsi que le niveau d’expertise des acteurs de la société civile n’ont cessé de progresser. Le fonctionnement en réseau du monde associatif accélère et améliore la circulation de l’information. A la fin des années 80, de grands projets d’infrastructures de transport tels que le TGV Méditerranée, ont généré de fortes contestations. Les maîtres d’ouvrages ont dû faire face aux premières demandes de contre expertises qui ont alors bousculé leurs modes de conduite de projet. La concertation doit ainsi être comprise comme une réponse à la crise de la décision : elle offre un espace au dialogue et à la controverse en amont des décisions. La réglementation l’exige désormais en préalable à tous les projets d’aménagement ou d’équipement, tout en laissant les maîtres d’ouvrages relativement libres pour en définir les modalités en fonction des attentes sociales. Cette évolution réglementaire constitue une avancée démocratique certaine qui pourrait d’ailleurs inspirer d’autres champs que celui du « territoire », comme ceux du travail, de la santé, de l’éducation…

L’Europe joue-t-elle un rôle dans le développement de ces pratiques de concertation ?

Elle joue un rôle indéniable d’impulsion. La réglementation européenne incite à la mise en œuvre de processus participatifs. La directive Eau, par exemple, exige que les organismes en charge des politiques de l’eau (en France, les Agences de l’Eau par exemple) associent les bénéficiaires de leur action, dont les citoyens, à l’évaluation de celle-ci. Au début des années 1990, l’étude Tavistok a mené une analyse comparative des pratiques de concertation dans les différents pays de l’Union Européenne. La France et l’Italie figuraient, à l’époque, parmi les pays les plus en retard, notamment du fait de leur apparente difficulté à intégrer les acteurs de la société civile aux processus de préparation des décisions. Aujourd’hui, le contexte n’est plus le même, il a considérablement changé.

Propos recueillis par Frédéric Rey

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