par Sonia McKay
Les agences d’intérim britanniques attirent de plus en plus les migrants. A cette fin, elles déploient différents moyens : publication des offres d’emploi à l’étranger, organisation du voyage ou attribution d’un premier emploi à l’arrivée.
Les conditions qui accompagnent ces prestations posent un véritable problème. A l’évidence, de nombreuses agences exploitent les travailleurs migrants. Elles surfacturent les déplacements, les logements, ou encore font payer tout simplement leurs offres d’emploi. Elles versent des salaires très bas, alors qu’elles perçoivent des sommes beaucoup plus importantes des employeur finaux. Les bonnes pratiques existent aussi et les migrants sont les premiers à souligner l’avantage qu’apportent les agences d’intérim dans la recherche d’un premier emploi. L’ensemble des enquêtes montre pourtant que le travail intérimaire est globalement moins bien payé et présente des caractéristiques défavorables en termes d’horaires, de conditions de travail et de risque santé sécurité.
Il n’existe pas de statistiques précises sur le nombre de travailleurs intérimaires. Le gouvernement britannique estime qu’ils sont entre 200 000 et 500 000. Un rapport de la « Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail » avance le chiffre d’au moins 600 000. La confédération patronale représentant le secteur, la REC, (Recruitment and employment confederation), parle d’environ 1,2 millions intérimaires par an. Ce chiffre est probablement sous estimé, compte tenu du nombre important de petites agences, spécialisées dans l’offre de travail aux migrants et qui ne font pas partie de cette confédération. Celle-ci ne représente en effet que les plus grandes agences. Des données plus récentes (KPMG « Report on jobs », 2007) indiquent des chiffres encore plus importants.
Les migrants, précaires parmi les précaires
Pourquoi les employeurs font ils appel aux agences ? Selon l’enquête « Workplace employment relations » de 1999, 59% des employeurs déclarent avoir besoin de salariés pour une durée limitée. Cela correspond évidemment à la fonction première des agences d’intérim, mais on constate que le personnel intérimaire est de plus en plus utilisé sur des périodes de longue durée. Cela évite à l’employeur de s’occuper du recrutement, d’avoir à gérer ce personnel et il peut se séparer de cette main d’oeuvre n’importe quand. Les travailleurs peuvent en effet être remplacés à tout moment, sans qu’il leur soit possible de s’y opposer.
La recherche que nous avons menée dans le secteur de l’industrie de la volaille a démontré que les intérimaires étaient employés pendant des mois, voire des années, sans possible accès à un emploi direct. De plus, lorsque les emplois proposés correspondent à des bas salaires, il y a toute chance pour que ce soient des migrants récents qui l’occupent. La recherche sur l’industrie de la volaille fait apparaître qu’environ 90% des intérimaires sont des migrants, la main d’œuvre intérimaire représentant environ un quart des travailleurs du secteur.
Au Royaume Uni, les agences d’intérim dépendent d’une loi de 1973, « Employment Agencies Act », revue en 2003. La loi prévoit un système de déclaration des intérimaires et précise que les agences ne peuvent facturer leurs propositions d’emploi. Pourtant, notre recherche démontre que de nombreux travailleurs ont du s’en acquitter. Ces frais sont souvent cachés derrière des coûts de transport ou de logement gonflés, et quelquefois, ils sont prélevés avant même le départ du travailleur migrant. Ces frais varient de quelques centaines d’euros à plusieurs milliers. Nous avons trouvé le cas de migrants ayant déboursé 20 000 euros. Rembourser de tels frais peut prendre des années, ce qui place le migrant en situation de dette à long terme.
Une protection insuffisante des intérimaires
Même quand de tels abus ne sont pas pratiqués, le travail intérimaire est généralement synonyme de travail non qualifié et peu rémunéré. Une étude effectuée par le « Working Lives Research Institute » pour le Ministère de la santé et de la sécurité montre que la très grande majorité des intérimaires est moins bien rémunérée que les salariés permanents et que leurs conditions de travail sont moins avantageuses. Plus que les autres, ils travaillent de nuit ou selon des horaires atypiques. Or, actuellement, les syndicats n’ont pas la possibilité de négocier sur le champ du travail intérimaire. Les agences clament qu’elles voudraient bien offrir de meilleures conditions aux salariés qu’elles recrutent, mais elles déclarent que les sommes versées par les employeurs sont insuffisantes pour couvrir leurs marges et augmenter les salaires. Résultat, les perdants sont les intérimaires qui continuent à être exploités.
Au niveau européen, la progression du projet de directive sur le travail intérimaire reste bloquée. La position hostile du Royaume Uni pourrait devenir minoritaire mais les ministres de l’emploi n’ont pas encore aboutis à un accord politique. Cependant l’espoir n’est pas perdu,la directive pourrait progresser en 2008. Les syndicats britanniques estiment qu’un travail équivalent mérite une rémunération égale, que le travailleur soit intérimaire ou non. Mais les syndicats veulent surtout que les travailleurs bénéficient de contrats directs avec l’employeur final afin qu’ils puissent les représenter. A l’inverse, les organisations d’employeurs ont réagi violemment au projet de directive, en déclarant que des milliers d’emplois seraient ainsi fragilisés.
Sonia McKay
Principal Research Fellow
Working Lives Research Institute, London Metropolitan University
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